Le Luxembourg bénéficie d’un différentiel de prix avec les pays voisins qui dope le «tourisme à la pompe». (Photo: TOTAL Luxembourg)

Le Luxembourg bénéficie d’un différentiel de prix avec les pays voisins qui dope le «tourisme à la pompe». (Photo: TOTAL Luxembourg)

Les prix des carburants à la pompe ne finissent plus de grimper. Il ne s’écoule plus une semaine sans que de nouveaux tarifs soient annoncés. Toujours à la hausse. En un an, dans les stations-service du Luxembourg, les tarifs de l’essence ont augmenté de 6% au cours du dernier mois et de 10% en un an (1,3410 euro). Pour le diesel, à 1,131 euro, c’est une hausse de 16,4% en un an qui est constatée (4,7% en un mois).

Les raisons de ces hausses sont diverses, liées à l’Opep et au contexte géopolitique international. En novembre 2016, l’Opep et la Russie s’étaient entendues pour réduire la production et faire remonter le prix du baril qui avait glissé, en moins d’un an, de 110 à 40 dollars. À l’époque, l’Arabie saoudite avait décidé de mettre à mal l’industrie américaine du pétrole de schiste en inondant le marché de pétrole bon marché.

À cette manœuvre des grands pays producteurs de novembre 2016 est récemment venue s’ajouter la menace de voir s’effacer l’accord nucléaire avec l’Iran suite à la décision de Donald Trump d’en soustraire les États-Unis. L’Iran est désormais considéré comme un producteur moyen d’or noir (environ 2,5 millions de barils/jour), mais la menace d’un nouvel embargo inquiète les marchés financiers.

On peut parler d’un mini-choc pétrolier.

Michel-Édouard Ruben, économiste à la Fondation Idea

Enfin, pour expliquer cette inflation assez subite des prix, il faut aussi pointer un cycle économique favorable au niveau mondial, qui intensifie la demande pour les produits pétroliers.

«En un an, le prix du baril est passé de 42 euros à 67 euros, soit une hausse de 60%. On peut donc parler d’un mini-choc pétrolier», commente Michel-Édouard Ruben, économiste à la Fondation Idea.

Au niveau de l’économie mondiale, il estime que cette hausse pourrait avoir un effet de 0,5% sur l’inflation. «En termes macroéconomiques, cela veut dire une augmentation des taux d’intérêt sur le long terme. Ce qui pourrait accélérer la sortie des politiques non conventionnelles de taux très bas appliquées par les banques centrales.»

Le Luxembourg a un important pôle d’entreprises de transport qui risquent de voir leurs marges régresser.

Cathy Schmit, analyste en conjoncture au Statec

Un pays comme le Luxembourg a-t-il des raisons de s’inquiéter de ce renchérissement? «Au niveau des entreprises, il existe un risque d’augmentation des coûts», estime Cathy Schmit, analyste en conjoncture pour le Statec. «Le poids de la place financière en limite l’effet, mais le Luxembourg a un important pôle d’entreprises de transport qui risquent de voir leurs marges régresser si elles ne peuvent pas répercuter ces hausses sur leurs clients.»

Pour les citoyens-consommateurs, ces hausses se font sentir au niveau du pouvoir d’achat. Avec toutefois l’avantage qu’au Grand-Duché, la pratique de l’indexation automatique des salaires limite la casse.

«Le prix des carburants joue sur l’inflation et fait se rapprocher la future tranche indiciaire», poursuit Cathy Schmit. «On parle toujours du troisième trimestre, mais l’échéance se rapproche.» Ce qui ne réjouit évidemment pas les responsables d’entreprise qui vont devoir indexer les salaires de 2,5% une fois le seuil franchi.

C’est contre-intuitif, mais au Luxembourg, lorsque les prix du pétrole s’envolent, les ventes augmentent.

Cathy Schmit, analyste en conjoncture au Statec

Au niveau de l’État, la hausse a plutôt des effets bénéfiques sur les rentrées fiscales. Le maintien à un niveau bas des accises par rapport au reste de l’Europe favorise à nouveau le tourisme à la pompe. «C’est contre-intuitif, mais au Luxembourg, lorsque les prix du pétrole s’envolent, les ventes augmentent», confirme l’analyste du Statec. Au début du mois de mai, la Fédération belge des négociants en combustibles et carburants avait fait le calcul: un plein de 60 litres de diesel coûtait jusqu’à 25 euros de moins au Luxembourg qu’en Belgique.

«L’évolution sur un an nous place à un point de vigilance», conclut l’économiste de la Fondation Idea, Michel-Édouard Ruben. «Le mouvement est à la hausse, mais il n’y a aucune crainte à avoir d’une spirale inflationniste. Actuellement, nous restons dans une période de basse inflation.»

Baisse de tension

Les prix pourraient d’ailleurs se détendre dès cet été. Il se dit en effet que, lors de la prochaine réunion des dirigeants de l’Opep et pays partenaires le 22 juin prochain à Vienne, les dirigeants pourraient se mettre d’accord sur une ouverture limitée des vannes, afin de relâcher la tension sur les cours. L’Arabie saoudite et la Russie ont récemment tenu des propos dans ce sens.

En cas de hausse prolongée, les gens investissent en effet dans des énergies alternatives, et les pétroles plus difficiles à extraire, comme ceux de schiste ou de la mer du Nord, redeviennent largement rentables. Certains puits en veilleuse reprennent alors du service, selon les règles du jeu du yo-yo pétrolier.

Depuis la fin de semaine dernière, les prix du baril anticipent d’ailleurs déjà cette décision. Ce lundi, le brut américain (WTI) valait environ 66,5 USD contre 72,3 USD une semaine plus tôt.