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Le retard du secteur de la Santé dans l'informatisation de son système d'information devrait diminuer. Depuis deux ans, des entreprises informatiques lorraines se positionnent sur ce marché et proposent des solutions Internet /Intranet innovantes.

Depuis avril 1998, les professionnels de la santé ont télé-transmis en France près de 211 millions de feuilles de soins électroniques (FSE) (1) aux organismes d'assurance maladie. Un chiffre qui prouve au moins une chose: l'informatisation d'environ 70 000 professionnels de la santé (2). A l'origine de tout cela: le RSS, le Réseau santé social. Créé en 1997 au moment où l'Internet a connu en France une diffusion croissante, le RSS est devenu l'Intranet officiel du monde socio-sanitaire; une carte professionnelle de santé (CPS) servant d'identifiant. L'Etat a, dans le même temps, confié son développement et son hébergement à l'opérateur privé, Cegetel. Avec la télétransmission des FSE, le réseau a aujourd'hui atteint son premier objectif. En revanche, la mise en place sécurisée d'un dossier patient partagé, qui permettra d'améliorer la traçabilité des soins, résulte d'initiatives locales dispersées. Pourtant, l'idée est séduisante: remplacer "le" ou "les" dossiers papier du patient soigné à l'hôpital par un dossier patient partagé électronique (tout y figure: compte-rendu du laboratoire, soins infirmiers, prescriptions médicales?) et, par la suite, le partager avec "l'extérieur" (des professionnels de la santé habilités comme le médecin de ville, le laboratoire d'analyses?). Alors?! S'agit-il de réticences de la part des professionnels de la santé à l'informatique, au partage de l'information'? Ou plutôt un manque d'aides financières de la part de l'Etat et des collectivités locales pour financer une communication organisée?

Un secteur qui génère des applications B2B

Quelle que soit l'explication retenue, le marché est en train de bouger. Un marché national sur lequel les entreprises informatiques lorraines se positionnent et, parmi elles, les entreprises informatiques pluri-sectorielles qui voient dans la branche santé un nouveau marché. Il s'agit par exemple de Nogema Ingénierie. Créée à Nancy en 1981, cette spécialiste de l'ingénierie pour l'informatique mobile réalise depuis deux ans et demi 10% de son chiffre d'affaires (4,5 MF en 2000) dans le domaine de la santé. Son produit: une solution d'aide à la nutrition (plus de 2 000 plats enregistrés) sur agenda électronique ou pocket PC destinée, notamment, aux médecins. Autre exemple: Juxta, une SSII auprès des grands comptes de la région installée à Nancy-Laxou (C.A 20000: 10 MF, 30 salariés). Entrée par hasard en 1995 dans le domaine de la santé avec un progiciel de gestion des centres dentaires, l'entreprise a développé l'année dernière un deuxième produit: un progiciel TPU (Tiers-payant universel) pour la gestion des flux de tiers-payant destinés à tous les acteurs du système de santé (Mutualités, Mutuelles, assureurs, ?). Autrement dit, un tiers-payant tous métiers confondus. Depuis six mois, ce progiciel semble répondre à d'autres besoins: les assureurs s'en servent pour un devis en ligne et les praticiens l'interrogent pour dire aux assurés combien leur coûtera tel ou tel acte médical. Le secteur de la Santé se réveille? C'est aussi l'impression des entreprises informatiques qui ont fait de ce secteur, leur spécialité. "L'ANAES, système d'accréditation des hôpitaux, est un facteur moteur: c'est lui qui est en train de pousser les hôpitaux à améliorer le niveau de qualité de leurs prestations", analyse Gérard Marchal, responsable au Technopôle de Metz de l'agence commerciale de Medasys, une entreprise spécialisée dans les systèmes informatiques hospitaliers (informatisation du dossier patient à l'hôpital et du plateau technique). Aujourd'hui, l'entreprise développe un portail qui permettra d'accéder à l'information à l'extérieur de l'hôpital: le médecin de ville pourra avoir accès au dossier de son patient quand celui-ci est hospitalisé. Si quelques sites sont pilotes, il s'agit encore d'un marché naissant. "En Lorraine, les professionnels de la santé ont encore recours à des groupware pour communiquer, il n'existe pas encore de dossier médical partagé", souligne Gérard Marchal avant d'ajouter que "le Luxembourg est actuellement en phase active". C'est un projet plus ou moins identique qui anime l'entreprise régionale Hopen, dédiée à l'informatique de santé (environ 50% de son chiffre d'affaires, estimé à 90 MF pour 2001). Créée en 1993 à Vandoeuvre-lès-Nancy, l'entreprise s'était spécialisée dans les migrations de systèmes d'information propriétaires vers les systèmes de type Unix. Ses premiers clients: les centres hospitaliers. Aujourd'hui, ils sont 300. Il y a deux ans, Hopen renforçait ses compétences sur le marché de la Santé en investissant dans le domaine des NTIC: elle créait Terralog, une filiale spécialisée dans le développement de solutions Internet et Intranet. Grâce à elle, Hopen a élaboré un Intranet pour les professionnels de la santé (informatisation administrative). Parallèlement, l'entreprise a signé un accord avec Cegetel dans le cadre du RSS. L'opérateur privé lui sous-traite l'hébergement et la mise en oeuvre de solutions de communications hospitalières: une trentaine de domaines parmi lesquels le site Sesam-Vitale (télétransmission des feuilles de soins). Aujourd'hui son objectif est clair: "Actuellement nous travaillons en workflow en Intranet. Ce que nous souhaiterions maintenant, via le RSS et son système de connexion sécurisé, c'est faire circuler des documents: faire accéder en extranet à des solutions", affirme Christophe Fogel. Les NTIC au service de la santé, c'est aussi le choix du répartiteur pharmaceutique Cerp Lorraine quand il crée, il y a deux ans à Ludres (54), sa filiale informatique officinale Pharmagest Intr@ctive, aujourd'hui cotée en Bourse (action fixée à 21,5 _ ou ?). Cette année, celle-ci lance un Logiciel de gestion à portail intégré (LGPI). "Plutôt que de connecter les systèmes à tous les sites, on a eu l'idée de délocaliser ce portail dans le serveur de l'officine", affirme Jean-Marc Jouannet, son directeur administratif. Conséquence: un accès instantané à un bouquet de services en ligne (revue de presse, commandes en ligne?).

Un effet sur la création d'entreprises?

Portails, filiales Internet... Les entreprises informatiques lorraines se préparent à l'évolution du secteur de la santé. Et cette évolution est certainement perceptible puisque d'autres entreprises se créent. Le meilleur exemple est Kika Médical à Nancy, une "jeune société innovante qui évolue entre le capital-risque et le capital-développement", précise d'emblée son P-DG, Frédéric Durand-Salmon (C.A. 2000: 8,5 MF, 19 salariés; un business angel vient d'entrer dans l'entreprise). Créée en 1997, l'entreprise développe des solutions ASP (Application Service Provider) pour les professionnels de la santé et, plus particulièrement, pour le milieu cardio-vasculaire. Elle les met à la disposition de deux secteurs: d'une part la gestion d'essais cliniques en ligne sur Internet, un secteur émergent qui a pour clients l'industrie biomédicale et pharmaceutique, d'autre part, la gestion du dossier patient et le réseau de soins partagé. A titre d'exemple, Kika a reçu dernièrement une subvention du Ministère de la Santé et des ARH (Agences régionales hospitalières) de la région PACA (Provence-Alpes-Côtes d'Azur) pour travailler sur un projet pilote de prise en charge de l'infarctus entre plusieurs établissements de soins de la région (les données sont centralisées sur un serveur). Ce sont également des applications thématiques (cancérologie à Dijon, tabagisme à Marseille?) sur lesquels Vincent Zgueb travaille depuis la création en février dernier de son entreprise Consulting et Développement, à Villers-lès-Nancy. "Je réponds à des groupes de médecins qui sont déjà structurés autour de thèmes", explique cet ancien directeur technique du service en ligne Libéralis (3). Son activité s'adresse à tous ceux qui veulent mettre en place une collaboration électronique et partager des données patient. "Je développe des applications sur mesure sur Lotus Domino Notes en collaboration avec les médecins: je définis avec eux quelles seront les règles d'accès, les informations qu'ils souhaitent partager'", précise Vincent Zgueb. Autre avantage de ces applications: elles sont un moyen de collecter des données, de les anonymiser pour obtenir une vision globale des indicateurs de suivi d'une pathologie (incidences en fonction du sexe, de l'âge?).

? et la naissance de projets

Bref, on devrait finir par s'apercevoir que les NTIC sont une opportunité pour le secteur de la santé; une source d'amélioration de la pratique sanitaire. Preuves ultimes: les projets. A Longwy, Jean-François Thiry, créateur d'e-space, une société de consulting et web, expérimente avec des institutionnels de la région, pour une hospitalisation à domicile, un projet de "dossier patient virtuel': un dossier médical accessible en Intranet via VPM (Virtual Private Network). Ce projet devrait permettre aux professionnels de la santé d'avoir accès depuis le domicile du patient à son dossier médical. L'objectif étant à terme de modéliser un site applicable au dossier global du patient (avec par exemple la liste des médecins de garde, l'accès du patient à son dossier?). Pour que ce projet se concrétise, "il faut que les gens qui s'en occupent soient des professionnels de la santé", affirme Jean-François Thiry. Avec Diatélic, c'est la naissance prochaine du "premier système intelligent de télé-médecine citoyenne dans lequel le patient est acteur de sa thérapie", affirme Jean-Pierre Thomesse, responsable des actions Santé au Loria. Depuis 1996, une équipe du laboratoire nancéien a mis en place un système de surveillance des patients en dialyse péritonéale à domicile. Ce système permet de relever quotidiennement les résultats de la dialyse qui, ensuite, sont transmis à un système intelligent qui prévient le médecin en cas de déviation des paramètres médicaux relevés par les malades eux-mêmes (poids, tension artérielle, température ?). En lien avec l'Association lorraine pour le traitement de l'insuffisance rénale (ALTIR), quinze malades ont été équipés à titre expérimental. Les résultats sont là: baisse du nombre de jours d'hospitalisation, diminution de la consommation de médicaments. Soutenu par le Conseil général de Meurthe-et-Moselle, le Conseil Régional de Lorraine et le Pôle Européen de Santé de Nancy, ce projet a fait l'objet cette année d'un brevet et recevait le 26 juin dernier, le prix du concours Entreprendre dans la catégorie "Concrétisation'. Prélude d'une création avant la fin 2001. Informatique et santé font décidément bon ménage en Lorraine ?

1 - site du GIE Sesam-Vital, mise à jour du 14/06/2001.

2 ? www.medcost.fr

3 ? Intranet médical pour tous les médecins libéraux créé en mai 1999 par les trois URML (Unions régionales des médecins libéraux) d'Alsace, de Bourgogne et de Lorraine. France Télécom est son exploitant technique.

"L'utilisation de la démarche d'intelligence économique dans les entreprises évoluant dans le secteur médico-hospitalier de l'espace sar-lor-lux"

C'est le titre d'une étude achevée en juin dernier par le Pôle de l'Hôpital, centre d'appui technologique transfrontalier spécialisé dans le domaine de la santé installé à Forbach. Financée par le Conseil Régional et la Drire, elle a été réalisée sur un panel de 283 entreprises évoluant dans le secteur médico-hospitalier en Sar-Lor-Lux: 131 en Lorraine, 111 en Sarre et 41 au Luxembourg. 29 entreprises ont accepté d'y répondre: 17 en Lorraine, 10 en Sarre et 2 au Luxembourg. D'après cette enquête, les entreprises sarroises utiliseraient beaucoup plus les supports informatisés que les supports papier pour communiquer et travailleraient souvent grâce aux réseaux Internet et Intranet. En revanche, les entreprises lorraines et luxembourgeoises diffuseraient l'information par des notes de service ou par contact direct.

Renseignements: Pôle de l'Hôpital, Tél. 03 87 87 23 99, fax. 03 87 87 53 24, e-mail: [email protected]

APSAME: un réseau santé en Moselle-Est

Les Dr Philippe Dosne et Marc Hell pilotent depuis 1996 un projet de réseau de soins en Moselle-Est (Resame) avec prise en charge globale1. Informel, ce réseau repose cependant depuis 1998 sur une structure de professionnels de la santé: kinésithérapeutes, infirmières, biologistes et orthophonistes, soit 80 personnes membres de l'Association des professionnels de la santé en Moselle-Est. "En 97-98, nous étions que quelques pionniers à être informatisés donc a pu faire le choix d'un logiciel commun', précise le Dr Hell. C'est Health One, un logiciel édité par la société belge HDMP, qui est choisi. Malheureusement, il ne convient pas à tous. "On a dû travailler pendant un an sur le standard d'échanges XML. Depuis on a développé un Intranet sécurisé sur le RSS-Cégétel et créé une base de données avec un dossier minimum partagé", explique le Dr Hell. Et pourtant, malgré tous les agréments possibles (par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville et "e-santé 2000"), c'est 4,5 MF de subventions que le réseau attend depuis des mois pour devenir réalité?

1 ? Il s'agit d'un système inédit. Il n'existe actuellement que des réseaux thématiques (toxicologie?)