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Il est bien loin le temps de l'impression de Gutenberg, aux réminiscences certes enchanteresses, mais que l'on n'échangerait en aucun cas contre la variété des solutions d'impression, offset et digitale principalement, que nous offrent les artisans désormais high-tech de nos imprimeries. On ne serait pas loin de la vérité en déclarant tout de go que tout est devenu possible en matière d'imprimerie?

Pour ce qui est des systèmes d'impression utilisés en interne dans une entreprise, la gamme de solutions est déjà vaste, comme en fait état Phi Data dans son offre : ?imprimantes matricielles ligne par ligne pour des listings, imprimantes laser associant vitesse à une résolution élevée pour des documents complexes, imprimantes couleur et imprimantes à transfert thermique pour des étiquettes de formats et de matériaux divers?; l'innovation existe donc bien, tout comme dans le métier d'imprimeur.

Bien sûr, l'?il des imprimeurs «up-to-date» s'allume lorsqu'on les interroge sur l'impression digitale et la personnalisation des imprimés, mais il s'éclaire tout autant à la vue des possibilités offertes par l'offset. Et quelque chose nous dit que la technologie n'a pas fini de nous impressionner.

Revue des caractéristiques, avantages, inconvénients et perspectives de l'offset, géant Goliath, et du digital, challenger David, dans un combat qui pourrait bien ne pas en être un' on se situerait bien plus au niveau de la complémentarité des technologies.

Parts de marché

Luc Trigatti, responsable du service-client presse numérique à l'Imprimerie Centrale,  nous informe que l'activité numérique de l'Imprimerie Centrale a démarré le 1er octobre 2001. Il s'agit d'une activité destinée à compléter l'offre des produits et services offerts à sa clientèle dans des domaines précis. Le rôle de conseiller prend ici toute son importance.

Notre volume est principalement réalisé sur les offsets, soit à peu près 95%, affirme quant à lui, dans le même sens, Renaud Jamar, de l'Imprimerie Victor Buck. C'est également le cas de l'Imprimerie Faber, pour qui l'impression digitale demeure actuellement assez marginale, comme nous le confie M.Martins, responsable des commandes. Mêmes échos chez Rapid Press et à l'Imprimerie Reka.

Polyprint et le photograveur Gam ont pourtant récemment rassemblé leurs expériences pour créer une joint-venture spécialement dédiée à l'impression digitale: Nous avons choisi cette direction, qui privilégie les travaux pointus plutôt que les grandes masses, déclare Bernard Gueblez, directeur de Polyprint.

Les parts de marché du digital devraient s'élargir, grâce entre autres à  cette nouvelle niche «personnalisation» (voir plus loin), qui existe de façon de plus en plus étendue, mais il n'y aura jamais un remplacement total de l'offset par le digital, selon Renaud Jamar. S'il y a parfois une petite migration de l'offset vers le digital, elle ne met en aucun cas l'offset en péril, continue-t-il.

Au départ, seule l'offset était présente pour l'impression. Petit à petit, quelques parts de marché sont rognées par le digital, qui évolue en ce moment de manière plus exponentielle que l'offset.

Les néophytes qui désireraient enterrer l'offset afin qu'il fasse place au règne du digital n'ont qu'à bien se tenir: l'offset possède des qualités inhérentes que le digital ne peut, à l'heure actuelle du moins, pas dépasser.

À l'avantage de l'offset

Pour rappel, l'offset est un procédé centenaire et évolutif d'impression à plat basé sur la lithographie, dans lequel l'encre est transférée d'une plaque en métal vers un rouleau en caoutchouc ? appelé le blanchet ? qui à son tour entre en contact avec la feuille à imprimer. C'est ce qu'on appelle le «feuille à feuille».

Un dérivé est l'impression «en continu», qui ?reste la solution idéale pour des tirages très spécifiques: listings et formulaires, documents préimprimés au format A4, sur rouleau ou découpés. L'utilisation d'énormes bobines de papier permet d'imprimer des volumes impressionnants de papier en un temps record' selon l'Imprimerie Faber. L'impression en continu permet de grands tirages, puisque des bobines de papier sont insérées dans la machine puis éventuellement découpées au format désiré par le client.

En offset, la gamme de papiers est beaucoup plus vaste qu'en digital. Les coûts sont par ailleurs dégressifs, comme pointé plus haut.

Et, ce qui est essentiel en termes d'impression, la qualité est toujours supérieure en offset, selon Renaud Jamar, même si le digital s'en rapproche petit à petit.  L'Imprimerie Centrale estime quant à elle que «la qualité d'impression des visuels est comparable à l'impression offset traditionnelle, grâce à l'utilisation de trames très fines». En tout état de cause, les éventuelles différences de ? ?qualité passent certainement inaperçues aux yeux du plus grand nombre.

À ne pas oublier non plus, l'offset permet d'imprimer sur une variété d'épaisseurs de papiers beaucoup plus grande que le digital, dépendant du type d'offset. On peut aller de 45 grammes jusqu'à 350 sans problème.

À l'avantage du digital'

Deux mots de technique tout d'abord: le procédé suivi dans l'impression digitale est celui de l'électrographie, qui est utilisé par les imprimantes laser ou celles à tonner liquide.

Simplicité et rapidité

Une personne peut gérer l'impression à elle seule, depuis le moment où elle reçoit le fichier jusqu'à l'impression finale. Le processus est donc moins complexe que celui de l'offset, dans lequel on retrouve le pré-presse, le presse et le façonnage. En digital, l'imprimé sort en une fois, et les interventions humaines sont beaucoup moins nombreuses...

Cas concret: si un client désire imprimer une présentation ou encore un seul manuel de formation, cela peut se faire très rapidement, en quelques secondes, agrafage compris.

«Le numérique ouvre la voie aux tirages rapides et soignés en faibles quantités. Vos documents sont directement imprimés à partir d'un fichier informatique et l'on ne doit plus passer par l'insolation de films ou de plaques», tel est l'avis synthétisé de l'Imprimerie Faber sur le dernier-né des procédés d'impression.

L'Imprimerie Centrale ajoute que «le processus Computer-to-Press évite le temps de séchage (ndlr: xêros en grec, signifie sec), et consent ainsi un façonnage immédiat», sans attente, au contraire de l'offset.

Petits tirages et grands tirages

La raison d'être du digital' On peut aller d'une seule impression jusqu'à un très grand volume. La grande différence entre l'offset et le digital se situe au niveau de la quantité d'imprimés, puisqu'on peut imprimer un document unique en digital.

Du véritable «printing on demand» aux yeux de l'Imprimerie Centrale, qui permet d'imprimer et de réimprimer des documents à chaque nouvelle demande du client, même en tirages très limités et dans des délais très courts, puisque, comme le déclare l'Imprimerie Faber, ?cette technique (?) est idéale pour les documents dont les données évoluent rapidement (?)?.

Supports utilisables

On ne peut malheureusement pas imprimer en digital sur n'importe quel support. Ainsi, Renaud Jamar, partner de l'Imprimerie Victor Buck, nous informe que seuls les papiers dits xérographiques  (ndlr: la xérographie est une technique qui permet de reproduire des documents sans contact, en nombre illimité).           La limite est fixée au niveau format: A4, A3, A3+. Donc pas de ?

?grands formats à l'heure actuelle. Idem pour les épaisseurs de papier, puisque le digital peut aller de 70 à 250 grammes par mètre carré, de 80 à 300 selon certains imprimeurs.

Mais ces limites ne concernent pas les imprimés de formats et «textures» classiques, très nombreux sur le marché.

Le coût des 1ers exemplaires?

Si une société désire imprimer un rapport financier rapidement, nous pouvons le faire en digital, et ensuite passer à l'offset pour un plus grand volume, insiste Renaud Jamar? pour des raisons de coûts. Si le coût d'impression du digital est constant, celui de l'offset est quant à lui dégressif, ce qui coûte est surtout le lancement de la machine offset. D'où l'avantage, pour de petits volumes, de passer au digital. Evidemment, le coût sera également lié aux choix en matière de finition et d'assemblage.

En digital, le coût est au print, tandis que l'offset est un coût de lancement qui diminue avec la longueur du tirage.  Ainsi, imprimer une brochure 40 fois reviendra moins cher en offset si elle contient beaucoup de pages. Mais imprimer 1 000 fois un A4 sera moins cher en digital.

La fiabilité des machines

L'impression digitale souffre peut-être encore de son manque de maturité relatif quant aux machines. L'offset est pratiquée par des machines très lourdes, fiables, tandis que les machines destinées à l'impression digitale sont encore légères. Renaud Jamar conclut sur ce point que l'impact de l'impression digitale va augmenter avec les nou-? ?veaux équipements qui vont arriver sur le marché, et qui permettent d'imprimer jusqu'à 3 500 A4 par heure. D'ici les 2 prochaines années, on devrait pouvoir aller jusqu'à 8 000 à 10 000 A4 par heure.

Couleur ou noir et blanc?

L'alternative est déjà possible en digital. Actuellement, la tendance serait de faire plus de noir et blanc, au contraire de l'offset. C'est une question principalement d'équipements. Pour la couleur, les Chroma Press ou les Xicon sont des imprimantes couleur, toujours avec du tonner. Dans ce cas, l'impression se fait en rouleaux, les imprimés étant coupés à la fin du processus. Alors que les machines standard d'impression digitale travaillent en feuille à feuille.

En matière d'impression digitale la tendance commence à prendre le pli de l'impression offset, puisque la couleur commence à poindre le bout du nez, même si le noir et blanc demeure beaucoup plus étendu. La couleur, beaucoup plus complexe que le noir et blanc en imprimerie, attire l'?il et permet de se différencier de son concurrent? tout comme la personnalisation des imprimés, confie Renaud Jamar.

La personnalisation bien sûr!

Avantage non négligeable du digital: chaque print peut être différent. En offset, c'est difficilement réalisable, toutes les impressions sont identiques.

C'est là que l'on touche la personnalisation, et donc le direct marketing, possible avec du digital ou du jet d'encre (voir encadré), dont les tonners sont utilisés pour les grands formats.

Luc Trigatti: La personnalisation constitue probablement un des atouts principaux de cette nouvelle manière d'imprimer. Il semble évident que tout client qui cherchera à approcher certains profils avec du contenu personnalisé sera séduit par la puissance de cet outil.

On peut personnaliser un mailing ou une brochure soit avec l'adresse et le nom de la personne sur la page d'envoi de l'imprimé, soit avec un document reprenant des champs variables. Ou associer les 2 bien sûr. Tout provient de la même base de données, et l'ordinateur de l'imprimante va chercher ces données une à une pour chaque feuille. A l'imprimerie Faber, il est monnaie courante de personnaliser des cartes, des mailings... toujours en petites quantités, insiste M. Martins.

A l'Imprimerie Centrale, la presse digitale Indigo Platinum permet d'envisager toute personnalisation: «En noir ou en couleurs , 5 couleurs, recto-verso. 100% de modifications possibles sur chaque feuille! Textes, illustrations, numérotations».

Polyprint et sa machine Indigo peuvent personnaliser jusqu'à 50 fichiers par format A3, et 2.000 feuilles A3 à l'heure.

On peut prendre des papiers imprimés en offset, ou des brochures, et les personnaliser en digital. C'est d'ailleurs souvent ainsi que cela fonctionne, nous explique Renaud Jamar. Le papier imprimé offset passe dans les machines digitales (Xerox), la machine personnalise, on le récupère. Ensuite, on le réintègre dans la brochure.

Les clients désirent de plus en plus se différencier en personnalisant leurs imprimés, l'impression est dorénavant au service du marketing direct, qui trouve en elle une alliée technique de choc. Bernard Gueblez estime que la récession des Etats-Unis entraîne une baisse des budgets alloués à la publicité? une raison d'actualité pour choisir le digital plutôt que l'offset?

Impression digitale personnalisée: démo

La technique utilisée est on ne peut plus simple. D'un côté, un ordinateur qui accueille les fichiers issus de tableurs, les bases de données et autres fichiers textes, et une "réserve de papier" comparable à celle que chacun peut avoir dans son imprimante personnelle. Le papier? Pourquoi pas un template de votre entreprise, ou de votre agence de communication ? Ou bien un imprimé offset réalisé dans une autre partie de l'imprimerie.

De l'autre, la sortie d'un imprimé personnalisé. Par exemple, une lettre d'invitation au lancement d'un nouveau produit pour Madame Untel, dans laquelle figure un texte ciblé pour cette personne. On peut également imaginer des factures totalement personnalisées, auxquelles on ajoute un virement précédemment imprimé en offset.

Entre les 2, quelques secondes de patience et quelques mètres à franchir pour recueillir l'objet si précieux pour votre marketing one-to-one, dont les finitions peuvent être prises en charge par les techniques traditionnelles de plastifiage, perforation'la palette est large, et la complémentarité des techniques digitale et offset ne semble pas un vain mot.

Bernard Gueblez nous explique le principe de la personnalisation digitale: "Un plug-in Xpress développé par Indigo permet d'ouvrir des fenêtres (textes ou images), et le nom de ce fichier ouvert définit une colonne dans un tableau Excel. L'impression va chercher les données du tableau Excel'. 

Et demain'

Le monde de l'imprimerie bouge.  "Gestionnaire de l'information de ses clients, 'Print-on-demand' et 'Print-on-Location' sont des réflexions stratégiques pour tout imprimeur qui ajoute la technologie offset numérique à sa gamme de produits et services", telle est la conclusion de Luc Trigatti.

Même les constructeurs offset, comme le géant Heidelberg, se dirigent vers l'imprimerie digitale, afin de protéger leur business, ajoute Renaud Jamar. Andrew Tribute, directeur de la société de conseil spécialisée Attributes Associates, déclare d'ailleurs au magazine Nouvelles graphiques (n°16) que "l'impression numérique, en couleur surtout, est le seul segment du marché graphique promis à une énorme croissance dans les 5 prochaines années".