L'informatique est régie par un certain nombre de «lois». Parmi celles-ci, la «loi de Moore» jouit d'un statut privilégié. Elle pose la règle selon laquelle la puissance des processeurs double tous les 18 mois. Cette affirmation avait été faite par Michael Moore, fondateur d'Intel, et n'était supposée que s'appliquer à son entreprise ? et à la limite à ses concurrents directs. Au fur et à mesure, on a constaté que de nombreux éléments d'un ordinateur suivaient la même règle. Exemples? La mémoire vive et les disques durs ont ainsi vu leur taille exploser au cours des dernières années? Début des années 90: 512 Ko de RAM sont une norme très acceptable. Début des années 2000: c'est à peine si l'on n'en est pas à 512 Mo?
Un élément n'a pas ? pour le moment ? évolué au même rythme: le modem. L'accès au réseau pour le particulier ne s'est que peu amélioré. Du 14,4 Kb d'il y a 10 ans, on n'est pas arrivé, pour une ligne téléphonique traditionnelle, plus loin que 56,6? Une «faible» multiplication par 4!
Depuis quelques mois cependant, les opérateurs télécoms se sont attelés à la tâche et les lancements se succèdent. Face à cette nouvelle structuration de l'offre, entreprises et particuliers doivent définir leurs besoins de manière plus fine.
En effet, avec le choix arrivent de nouvelles difficultés. Chaque technologie possède ses propres caractéristiques, chaque entreprise sa propre stratégie.
Offres grand public et offres pour professionnels
Si l'ADSL, Internet via le câble, la prise électrique ou les normes mobiles GPRS et UMTS sont destinées en priorité aux particuliers, les entreprises ont d'autres propositions dans le catalogue qui leur est soumis: fibre optique, boucle locale radio, satellite?
La discrimination entre les cibles de chacun des opérateurs est bien évidemment basée sur les coûts de mise en oeuvre des technologies. FirstMark (FM) qui propose une connexion en boucle locale radio ne s'adresse pas au marché domestique, mais plutôt aux TPE (Très Petites Entreprises) et PME; au fur et à mesure que la technologie s'étendra, les coûts diminueront et permettront une démocratisation de l'accès. Pour l'instant, FM reconnaît la meilleure efficacité des technologies DSL pour le particulier. Au Luxembourg, le seul opérateur à l'avoir à son catalogue pour le moment est l'Entreprise des Postes et Télécommunications.
Interrogée sur le succès de l'offre ADSL, l'EPT reconnaît avoir rencontré des problèmes d'approvisionnement en matériel les premières semaines. Le retard accumulé sera rattrapé d'ici peu.
L'Internet par satellite avait un temps été désigné comme un vecteur idéal d'accès Internet: ne voyait-on pas les paraboles se multiplier sur le toit des maisons à travers toute l'Europe. Harald Melzer (SES-Multimedia) prend de la distance avec ces affirmations. Les usages pour lesquels les satellites de la gamme Astra ont été mis au point sont des usages de type point à multipoint: il s'agit de faire passer des images? Entre transmettre une donnée d'Internet à un foyer unique et «arroser» une zone géographique avec une vingtaine de programmes télévisés, peu de points communs, même (surtout ?) techniquement.
Restons dans le sans fil. Tango lancera son offre GPRS durant la première quinzaine de mars. Son c'ur de cible: le «mass market», voire la PME. L'UMTS est annoncé d'ici à deux ans. Avec ce haut débit mobile, les structures de coûts associées rendront l'accès Internet concurrentiel avec les autres technologies.
Une autre technologie grand public ayant soulevé l'intérêt du marché est l'accès à Internet par le câble. En France et dans d'autre pays, de nombreux câblo-opérateurs proposent ce service depuis plusieurs années. Au Luxem-bourg, la société Eltrona offre d'ores et déjà ce service. SelecTV, qui propose via décodeur l'accès à un bouquet de chaînes supplémentaires, de manière indépendante du réseau câblé utilisé, annonce l'accès à Internet pour la fin de l'année. M. Heinen avance d'ailleurs un chiffre intéressant: pour 1 décodeur vendu aujourd'hui, 4 ou 5 le seront dès l'accès à Internet lancé.
Point intéressant à souligner pour ce qui concerne SelecTV, l'entreprise n'est pas un opérateur? Elle ne possède pas de réseau, elle propose un produit. Le «décodeur idéal» devrait permettre de s'affranchir du moyen de connexion et pourrait se connecter indifféremment via câble, ADSL, PLC'
PLC' Kézako? Cette technologie en est encore à ses balbutiements et aux groupes de consommateurs tests. Quel est le principe? Après installation d'un «décodeur» à l'entrée du foyer, les prises électriques de l'habitation transmettront, en plus de l'électricité, des données venues du réseau. Cette technologie est étudiée avec grand intérêt par tous les électriciens européens et américains. Il est probable que d'ici à quelques mois, des dates plus précises de lancement commercial seront annoncées.
À l'autre extrémité des prestataires, Codenet propose de relier les grands consommateurs via fibre optique. Par grand consommateur, on entend les entreprises. Les plus précisément visées sont celles qui sont à la recherche d'une bande passante non partagée, sécurisée, demandant une forte qualité de service, mais «peu» (par comparaison avec le particulier) sensibles à la question du coût. Il faut noter que Codenet appartient à la «galaxie» Tractebel-Suez, au même titre que le câblo-opérateur Coditel. Cette proximité permet aux deux entreprises de travailler de concert, l'une pouvant utiliser les fibres de l'autre pour joindre dans les meilleures conditions ses nouveaux clients dans les meilleurs délais.
Infrastructure et accès?
Pierre Lienard de Codenet soulignait que lorsque l'on parle d'Internet, on parle en fait de trois choses bien différentes: l'infrastructure, l'accès, l'usage.
L'infrastructure. Il s'agit de la partie du réseau que personne ne connaît et que personne n'a envie de connaître. Elle est constituée des célèbres «backbones», installés à grands frais par les opérateurs. Il s'agit des colonnes vertébrales sur lesquelles les données et la voix passent de région à pays et de pays à continent.
L'accès: il s'agit de toutes les technologies que nous avons abordées plus haut. La problématique est de réussir à relier le consommateur à l'infrastructure, en optimisant les services rendus et les coûts d'accès, en fonction des besoins.
Entreprises et particuliers auront par rapport à ces technologies un rapport différent.
Les entreprises seront plus sensibles à des notions comme la redondance, la qualité du service, la sécurisation, capacité à gérer des réseaux virtuels privés. Les coûts ne sont qu'un critère autour de nombreux autres.
Les particuliers, eux, auront une sensibilité au facteur prix largement supérieure. On se contentera de sa connexion actuelle aussi longtemps que le Haut Débit et les nouveaux moyens d'accès nécessiteront un investissement ou une dépense régulière trop importante. Quel est ce niveau?
...Pour quels usages?
Qu'est-ce qui pourra donc décider les consommateurs à s'intéresser à Internet?
La réponse se trouve en fait en s'intéressant aux usages que l'on fait du réseau. Ce sont eux qui comptent et qui déterminent les choix. Aller très vite sur Internet, certes, mais pour y faire quoi?
Les premières expériences luxembourgeoises et les études internationales permettent de facilement déterminer le comportement des particuliers ayant un accès Haut Débit. De manière générale, on remarque moins un changement des sites visités qu'une utilisation plus systématique des applications prenant avantage du «always on». Les messageries instantanées de type ICQ sont les grandes gagnantes des nouveaux moyens de connexion.
De manière parallèle, les applications impliquant de la vidéo (webTV, webcam) progressent également, mais dans une moindre mesure.
C'est ici que l'on ressent un manque, une faiblesse. Jusqu'à présent, il faut également reconnaître que rares sont les contenus en ligne qui se sont adaptés à ces nouvelles vitesses d'accès. Le haut débit ne sert pour le moment qu'à aller plus vite, à télécharger les mêmes pages en moins de temps. Pas à faire autre chose.
Prenons l'exemple de la téléphonie mobile à haut débit. Les démonstrations proposent l'écoute de radios via des assistants électroniques, ou des vidéos de Matrix en streaming. Efficaces pour démontrer les capacités techniques, ces usages ne sont pas forcément ceux que les consommateurs adopteront dans l'avenir. De nouveaux espaces pour de nouvelles applications se créent et sont à saisir avec ces outils.
Si la plupart des acteurs ressentent l'Internet Haut Débit comme apparaissant dans un navigateur, SelecTV voit tout naturellement cet Internet apparaître sur son téléviseur? Il s'agira d'un Internet «that looks like television». Et qui sera consulté à cet endroit? La réflexion est intéressante en ce sens qu'il s'agira d'un bon moyen d'apporter au consommateur un produit nouveau via un support qu'il maîtrise et qui ne l'angoisse pas.
Dans un environnement professionnel, les opérateurs ont d'ores et déjà prévu d'enrichir leur bande passante par des services associés: housing et hosting sont autant de services déjà au catalogue des entreprises. L'utilisation de lignes rapides accélère ce mouvement.
À côté de cela, les premières solutions de type Application Service Providers se mettent en place. Pour rappel, l'idée est de proposer en ligne des logiciels qui avant nécessitaient une installation en local sur le disque dur. Mail, traitement de texte, tableur? se retrouvent utilisables à partir de son navigateur In-ternet. Les modèles économiques se mettent en place, mais se rapprochent de la location: on paiera son logiciel au prorata de son utilisation, plus pour les dizaines de fonctionnalités qui dépassent largement les besoins.
Les plus grands du logiciel ont ainsi commencé à rendre disponible en ligne leurs logiciels. Microsoft a annoncé la sortie de sa suite Office et d'autres de ses logiciels en version ASP. Au Lux-embourg, TecsysIP a ainsi annoncé récemment son adhésion au programme de Licence ASP de Microsoft. Bientôt, les clients d'Every-day.com pourront utiliser Microsoft Exchange directement en ligne, contre redevance.
Les grandes man'uvres ne font que commencer dans le secteur des télécommunications. Les technologies s'interpénètreront de plus en plus, les choix du consommateur se feront au cas pas cas, en fonction de sa situation particulière. De toutes les technologies dont on parle actuellement peut-être toutes survivront, peut-être aucune? Leur survie sera fonction de l'intérêt des clients et ? qui sait ? de l'apparition de nouvelles technologies encore plus performantes.
Un autre critère qui pourra jouer sur le développement de l'Internet rapide sera la manière dont la déréglementation pourra rentrer dans les pratiques. En se développant, elle permettra une baisse généralisée des prix, une émulation par la concurrence, le tout pour un meilleur développement du marché. Ceci et d'autres questions encore seront abordés dans le dossier spécial Télécoms de paperJam d'Août/Septembre. Jusque-là, «stay tuned»: le marché restera certainement débordant d'initiatives et de rebondissements.
Annexes:
1. Les participants à la table ronde
2. Les technologies
1. Les participants à la table ronde
Le 21 février, l'Observatoire des Nouveaux Médias organisait au Technoport Schlass-goart à Esch-sur-Alzette une table ronde sur le thème des nouveaux moyens de con-nexion à Internet. À cette occasion, plusieurs opérateurs ou prestataires de services ont été réunis autour de la table pour présenter (une de) leurs technologies d'accès. De quels opérateurs s'agissait-il' Dans l'ordre alphabétique: Cegecom (accès via prise électrique), Codenet (accès via fibre optique), FirstMark (accès via WLL), EPT (accès via ADSL), SelecTV (accès via câble), SES Mutlimedia (accès via satellite), Tango / Tele2 (accès via GPRS et UMTS). Cet article est principalement tiré des échanges qui se sont déroulés à cette occasion. Plus de détail sur les prochaines manifestations de l'Observatoire sur www.nmg.lu/forum.
2. Les technologies
Qui dit nouvelles technologies d'accès dit nouveaux termes? Voici une liste incomplète de termes utilisés ailleurs dans cet article?
ADSL
(Anglais: Asymmetrical Digital Subscriber Line, (Français: Ligne asymétrique numérique)
Technologie capable de transporter plusieurs mégabits par seconde sur les deux fils de cuivre du téléphone. Les données peuvent êtres transmises jusqu'à 8 Mbits/s en téléchargement
GPRS
(Anglais: General Packet Radio Service)
Amélioration de la norme GSM ne demandant pas une mise à niveau importante du réseau GSM. Cette norme permet par exemple une connexion à Internet.
UMTS
(Anglais: Universal Mobile Telecommunications System)
Nouvelle norme de téléphonie mobile (Troisième Génération) dont les licences sont en cours d'attribution/ont été attribuées dans plusieurs pays européens. Elle offrira une bande passante supérieure au GPRS.
Fibre optique
Support acheminant les données numériques sous forme d'impulsions lumineuses modulées. Il est constitué d'un cylindre de verre extrêmement fin (le brin central) entouré d'une couche de verre concentrique (gaine).
PLC
Il s'agit de la technologie permettant l'accès à Internet via le réseau électrique. Après installation d'un boîtier de modulation spécifique à l'entrée du réseau électrique dans le logement, les pièces se retrouvent reliées à Internet via la prise de courant
WLL
(Anglais: Wireless Local Loop)
(Français: Boucle Locale Radio)
Technologie permettant la transmission sans fil vers différentes localisations sous forme radio. Elle nécessite un appareil d'émission-réception avec antenne, directement en vue du relais de l'opérateur.