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Raoul Thill: «L’expérience culturelle commence de plus en plus souvent par l’écran d’ordinateur.» 

La rencontre internationale Communicating the museum s’est tenue du 6 au 8 juillet à Düsseldorf en Allemagne. Raoul Thill, consultant indépendant et ancien directeur de l’agence Bizart, y a animé deux journées de conférences. Il nous explique comment les musées s’ouvrent au monde digital et participatif.

Monsieur Thill, à la lumière de cette conférence, quelles tendances observez-vous dans le marketing et la communication des musées?

«La question prédominante lors de cette conférence était celle du degré d’ouverture des musées. Avec le social networking, le digital, les musées sont obligés de communiquer, d’ouvrir leurs murs. La voix du curateur n’est plus la seule à se faire entendre. Celle des visiteurs porte de plus en plus.

Les musées ne sont plus des univers clos entre intellectuels et une certaine élite culturelle. Ils doivent tenir compte de cette nouvelle tendance. La société devient participative. L’homme de la rue a le droit de s’exprimer, de dire s’il aime ou pas. Tout le monde se mêle de tout, sur Facebook, sur Twitter…. Il faut s’ouvrir, ne pas avoir peur, créer de nouveaux accès.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de cette approche collaborative des musées?

«Tous les musées vont dans ce sens. Les collaborations se multiplient avec de grands noms comme Google Art Project (galerie d’art en ligne, ndlr.) ou Wikipedia. Dix-sept musées sont déjà associés à Google Art Project. Les musées ont l’expertise. Google et Wikipedia apportent leur très large audience.

Google Art Project crée une trace, une première émotion, qui va elle-même susciter l’envie d’aller au musée. L’expérience culturelle commence de plus en plus souvent par l’écran d’ordinateur ou le téléphone mobile. Le digital ouvre aussi l’art à tous les gens qui n’y ont pas accès, comme en Inde. Selon l’étude américaine Culture Track 2011 de LaPlaca Cohen, ce sont les visiteurs les plus fidèles aux musées qui sont aussi le plus influencés par les réseaux sociaux.

On peut aussi prendre l’exemple de Monumenta 2011 (organisée du 10 mai au 23 juin au Grand Palais à Paris, ndlr.), consacrée à l’artiste indien Anish Kapoor et à son œuvre spectaculaire Leviathan. Cette œuvre est presque devenue une victime de son succès en raison d’un buzz extraordinaire de Monumenta (277.687 visiteurs ont été comptabilisés avec une fréquentation moyenne de 6.942 visiteurs par jour, ndlr.). Du coup, les gens n’ont pas pu créer une véritable relation intime avec l’œuvre.

Les organisateurs ont alors eu l’idée d’un site tumblr (plate-forme de micro-blogging qui permet de poster et d’échanger rapidement différents types de contenus, ndlr.). Cela a permis aux visiteurs de s’exprimer avec des photos, des petites notes intimes où ils ont ecrit ce qu’ils ressentaient en voyant l’œuvre, de créer une relation à l’œuvre. Le tumblr a aussi démontré qu’on peut faire confiance aux gens dans leurs commentaires.

Quelles limites voyez-vous à ces nouvelles tendances?

«Il reste la question de savoir quel pouvoir le musée est prêt à partager, à donner aux visiteurs. Comment partager sans vulgariser? Le musée doit prendre des risques, mais ne va-t-il pas souffrir en fin de compte de cette tendance en termes de qualité intellectuelle ou d’exigence culturelle? Comment trouver un équilibre?

Par ailleurs, on ne peut pas rester uniquement dans le digital. Il ne faut pas non plus traiter le digital comme quelque chose d’extraordinaire. Il s’agit d’un outil comme un autre. Au début d’Internet, tout le monde voulait un site web, mais il n’y avait pas de stratégie. Nous sommes maintenant dans une phase social network. Ça part dans tous les sens. C’est maintenant que les vraies stratégies se mettent en place. Les musées doivent encore apprendre à adapter leur contenu aux différents médias qu’ils utilisent. Mais c’est la problématique de toutes les entreprises.»