Benjamin Collette est partner et Strategy, Clients & Industries leader chez Deloitte Luxembourg. (Photo: Deloitte Luxembourg)

Benjamin Collette est partner et Strategy, Clients & Industries leader chez Deloitte Luxembourg. (Photo: Deloitte Luxembourg)

La nouvelle circulaire – 18/698 – publiée le 23 août dernier par la CSSF multiplie presque par trois le contenu du texte précédent:

  • d’une part en ajoutant au périmètre historique des sociétés de gestion Ucits les AIFM, les sociétés de gestion de fonds alternatifs (i.e. autres que Ucits); 
  • d’autre part en ajoutant des dispositions relatives à l’organisation de la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme; 
  • et enfin en apportant beaucoup plus de détails et prescriptions sur l’organisation des différentes fonctions et la substance requise.

Ce texte est une mise à jour opportune à plusieurs plans: a) pour tenir compte des évolutions réglementaires et de pratiques de marché (par exemple: Ucits V, AIFMD, ou encore AML IV et Mifid II); b) dans un contexte européen avec une recrudescence de la supervision des autorités européennes, Esma (autorité de marchés) et EBA (autorité prudentielle), quant à la délégation d’activités et le nécessaire alignement des pratiques locales; et c) à l’approche du Brexit et de ses conséquences indirectes pour Luxembourg. 

Ces trois facteurs ont incité le régulateur luxembourgeois à préciser davantage le cadre réglementaire des sociétés de gestion et coucher sur papier les meilleures pratiques du marché luxembourgeois.

20 mandats ou 1.920 heures par an

Parmi les éléments saillants, la circulaire 18/698 introduit une contrainte formelle sur le nombre de mandats et le temps passé par les représentants de la direction, limité à 20 mandats ou 1.920 heures par an. Même si la barre est placée dans une fourchette haute, la CSSF introduit cette logique de pouvoir consacrer le temps nécessaire à ses activités, déjà acquise dans les textes prudentiels et concernant les sociétés d’investissements.

La circulaire rappelle les principes généraux concernant les instances dirigeantes, mais introduit également des exigences spécifiques en matière d’exigences numériques, de présence au Luxembourg et de relation contractuelle avec la société de gestion suivant la valeur des portefeuilles gérés, avec un seuil à 1,5 milliard d’euros. 

À cela, il faut ajouter une revue approfondie de la gouvernance, description des fonctions audit, gestion des risques (en particulier pour les AIFM qui devront remettre à la CSSF une procédure de gestion des risques annuellement, selon une nouvelle trame imposée), compliance et responsabilité sur l’organisation incluant les fonctions déléguées, avec, fait notable, des obligations détaillées concernant la due diligence initiale et continue. La circulaire introduit des concepts déjà bien connus du monde bancaire tels que les trois lignes de défense et le «fit and proper».

L’accent est globalement placé très largement sur la traçabilité et la documentation des décisions.

Benjamin Collette, Deloitte Luxembourg

Au milieu de la circulaire de plus de 100 pages, la CSSF rappelle aussi aux sociétés de gestion leurs responsabilités dans la gestion de produits dérivés (Emir) et les fonds monétaires (MMF).

Dans le contexte européen particulier, la CSSF insiste très nettement sur les obligations quant à la gouvernance, les fonctions de contrôle et les procédures, mais également sur les aspects transfrontaliers (libre prestation de services ou via une succursale) avec l’obligation d’un dirigeant local pour chaque succursale.

On peut noter que l’accent est globalement placé très largement sur la traçabilité et la documentation des décisions, leur suivi, la stratégie et les procédures. Ceci aura un impact sur les organisations des sociétés luxembourgeoises qui devront sans doute renforcer le formalisme et parfois même le nombre d’employés dans des fonctions-clés. Ceci pose alors la question des stratégies à déployer et des options organisationnelles ou de gouvernance disponibles.  

Enfin, il convient de noter que cette circulaire est d’application immédiate. La planification d’une revue de conformité devient donc une obligation à très court terme, avec la nécessaire connaissance de l’existant, des gaps et évolutions vers le nouveau modèle.