Andrea Brevi est directeur régional Europe Continentale - Asset Management chez Linedata (Luxembourg). (Photo: Linedata)

Andrea Brevi est directeur régional Europe Continentale - Asset Management chez Linedata (Luxembourg). (Photo: Linedata)

Près de 300 «management companies» opèrent depuis le «hub» de la distribution transfrontalière de fonds, développant une palette d’activités qui en font de vrais concurrents des administrateurs de fonds sur le middle office.

Plus de 30 ans après la première directive Ucits (1985), qui a créé le marché européen des OPCVM, le Luxembourg s’affirme toujours plus comme le leader incontesté, avec 3.051 milliards d’euros d’encours (à fin septembre 2016) et une part de marché qui atteint 36% (contre 17% pour l’Irlande et moins de 10% pour la France). Le Grand-Duché a notamment bâti ce succès sur la richesse de l’offre de prestataires spécialisés (dépositaires, valorisateurs, avocats, commissaires aux comptes…), capables d’accompagner le développement international d’une boutique de gestion française, comme d’un mastodonte américain.

L’ultra spécialisation de la place, en tant que «hub» dédié à la distribution transfrontalière de fonds, a fait émerger des acteurs qui lui sont spécifiques, tels que les ManCo (management companies). Elles sont aujourd’hui 280, susceptibles de créer et héberger des fonds de droit luxembourgeois, ou d’autres nationalités, commercialisables via le passeport dans l’ensemble de l’Union européenne, au nom d’une société de gestion qui n’a pas de présence à Luxembourg, voire pas d’implantation en Europe. Ces dernières années ont vu également l’émergence d’un modèle plus global: la «Super ManCo», qui traite à la fois des fonds de type Ucits et de type alternatifs au sens large.

Mais elles sont loin de se cantonner à ce simple rôle et ont, au fur et à mesure des années, multiplié les services de middle office, comparables à ceux des administrateurs de fonds, voire parfois de front office. Les ManCo se voient notamment confier le contrôle du respect des contraintes d’investissement (légales et statutaires), la gestion des risques, ainsi que le reporting réglementaire des fonds qu’elles abritent. Elles peuvent également prendre en charge le calcul des risques (VaR, stress test, back test) et établir les reportings à destination des gestionnaires. La plupart d’entre elles s’appuient sur les données établies par les valorisateurs et enrichies en fonction des besoins spécifiques (c’est-à-dire des politiques d’investissement de chacun des fonds hébergés et des services proposés autour de ceux-ci). Plus récemment, quelques acteurs ont même évolué vers des services de front-office, à destination des gérants eux-mêmes. Il s’agit alors d’offrir des services de passage d’ordres, avec prise en compte des règles d’investissement pre-trade.

En France, la structure du marché se prête moins au développement des ManCo. Paris est beaucoup moins que Luxembourg une terre d’accueil pour les sociétés de gestion internationales à la recherche d’une Place leur permettant de rayonner dans toute l’Europe. En outre, les gérants de fonds français soit conservent leur propre activité de middle office en interne, soit l’externalisent auprès d’administrateurs de fonds.

Un certain nombre de sociétés de gestion mettent sur pied leur propre ManCo

À Luxembourg, ces activités à forte valeur ajoutée suscitent d’ailleurs aussi l’intérêt des sociétés de gestion elles-mêmes. Certaines d’entre elles font le choix de structurer leur implantation à Luxembourg, au-delà d’une simple présence commerciale, et développent pour leur propre compte des services de ManCo, pour dans un second temps s’ouvrir à une clientèle extérieure.

Concurrencés par les ManCo et constatant que le service de calcul des valeurs liquidatives dans la gestion traditionnelle s’est banalisé et offre des marges réduites, les administrateurs de fonds réagissent. Encouragés par la montée en puissance des stratégies alternatives et des techniques de gestion complexes (hedge funds, fonds immobilier et d’infrastructures) dans le sillage de la directive AIFM, les établissements de «fund services» se spécialisent et acquièrent ces expertises pointues et distinctives. Après les OPCVM, dont le développement a été facilité par la directive Ucits, les FIA (fonds d’investissement alternatifs) représentent, pour les prestataires des gérants, un marché en plein essor, car il bénéficie d’un cadre réglementaire ad hoc grâce à la directive AIFM.

Très réactives, les autorités luxembourgeoises ont d’ailleurs récemment créé un nouveau véhicule dédié aux actifs alternatifs, le Reserved Alternative Investment Fund (Raif). Un nouvel enjeu pour les ManCo, comme pour les administrateurs de fonds.