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L'hôpital Kirchberg met progressivement en place différentes applications médicales de gestion hospitalière. Le but ultime étant l'informatisation des dossiers médicaux, la question de la protection des données sera incontournable.

De nos jours, un hôpital doit fournir davantage d'informations sur un patient et, pour faire face à une complexité plus importante et de nouvelles exigences, il n'a d'autre choix que de recourir à la gestion informatisée. Tous s'y mettent mais la démarche est différente d'un établissement à l'autre. Le but vise notamment à compiler et rendre accessible, sur support informatique, toutes les informations gravitant autour des patients.

Les médecins, le personnel soignant et le personnel administratif peuvent ainsi accéder facilement aux informations concernant ceux-là, le recours aux dossiers papier pouvant être considérablement diminué. L'informatisation permet une meilleure organisation et gestion des dossiers, des économies mais surtout un meilleur service aux patients, les informations étant immédiatement disponibles en cas d'urgence. En revanche, la question de la protection des données se pose déjà.

Il existe trois approches dans l'information médicale, explique le Dr Thierry Klein, responsable applications au service informatique de l'Hôpital Kirchberg. La plus fréquente est d'opter pour le fournisseur offrant une application intégrée avec un maximum de fonctionnalités hospitalières. L'intégration des fonctionnalités se trouve garantie, mais la mise en place s'avère assez lourde.

La deuxième possibilité consiste à développer les applications en interne. Ici, c'est le software qui s'adapte aux besoins des utilisateurs et non l'inverse, mais il est difficile pour le service informatique de prendre en compte toute la complexité des nouveaux besoins hospitaliers.

La troisième solution, celle retenue par l'Hôpital Kirchberg, ouvert en juillet 2003, mais aussi par les cliniques Sainte-Marie et Bohler, se traduit par une stratégie d'intégration de différentes solutions informatiques via une plate-forme de communication appropriée. "Notre stratégie est de mettre progressivement en place différentes applications médicales autour de notre produit de gestion hospitalière, à savoir Kissmed de Waldbrenner. Quand on bâtit en posant une brique à la fois, on peut accompagner les utilisateurs", explique M. Klein. L'hôpital du Kirchberg compte 850 employés et près de 120 médecins. Avec le personnel des cliniques Sainte-Marie et Bohler, ce sont pas moins de 1.200 personnes qu'il faut former. Dans cette démarche, une intégration propre devient une nécessité absolue. "Les applications de nos différents fournisseurs s'intègrent parfaitement, grâce au standard HL7 (Health Level 7), un format d'échange de données médicales entre applications", assure M. Pierre Van Wambeke, responsable du service informatique.

Accès sécurisé et limité

Avant de mettre en place un tel système, l'hôpital s'est inspiré de ce qui se faisait en Belgique, en Allemagne et en France. La grosse problématique pour un hôpital est de partager efficacement, dans un contexte sécurisé, les informations ayant trait à un patient. "Grâce au développement du portail médical, le médecin peut raisonner au départ du patient pour rechercher une information. L'outil mis en place permet au médecin de circuler avec un seul login à travers plusieurs applications informatiques spécifiques, en se détachant de la problématique du produit informatique", explique M. Van Wambeke. "La partie intégration des données est très importante, tout comme l'aspect sécuritaire. N'importe qui n'accède pas à n'importe quelle information. Toutes ces informations sont sécurisées et les accès sont réglés via des profils d'accès évolués", insiste M. Klein. L'hôpital a opté pour une interface Web sous Citrix, avec une identification unique de l'utilisateur.

La société Ausy, grâce à son moteur, a permis de construire cet Internet Médical en peu de temps avec un bon retour sur investissement. Ainsi, l'Hôpital Kirchberg, qui a commencé une informatisation générale en 2001, par l'introduction d'une application de gestion hospitalière (HIS), se trouve aujourd'hui à un stade d'informatisation fort avancé.

Actuellement, ce portail médical reprend le volet administration d'un patient, des informations sur ses hospitalisations, la demande d'examens dans les différents services, les résultats du laboratoire, les rapports et les clichés de radiologie. Une infirmière peut le consulter mais n'a accès qu'aux patients de son service.

"Dans la version actuelle, le corps médical a surtout une faculté de consultation dans le système. Le but futur sera d'aller chercher ou d'envoyer des informations dans le système informatique hospitalier, mais aussi de traiter ces informations", annonce Christian Oberlé, directeur administratif. Aujourd'hui, les médecins consultent déjà en grand nombre les différentes données du patient sur support électronique, comme les résultats des examens médicaux. L'étape suivante consistera à convaincre ces derniers d'entrer eux-mêmes des données dans le système, leur prouver qu'à terme c'est plus rapide et facile que de travailler sur une version papier, poursuit-il.

Le dossier médical complet est encore loin de l'informatisation. Cependant, le service radiologie s'est lui, déjà mis à l'heure de la numérisation, en travaillant complètement sans film. "On y gagne sur plusieurs tableaux: le patient ressort avec son CD Rom, il est moins exposé aux doses de radiations, les clichés numériques offrent des avantages par rapport aux clichés classiques, et le coût moyen du passage est fortement réduit (10,5 euros par passage contre 23 euros auparavant, sachant que l'hôpital compte plus de 60.000 passages par an)", précise M. Van Wambeke. En revanche, la mise en oeuvre de la radiologie numérique a dû engendrer un support technique quasi 24h/24.

Interprétation de la loi

En vue de l'ouverture de la Clinique Bohler au Kirchberg, les informaticiens travaillent en collaboration avec les gynécologues, les infirmiers et des fournisseurs sur un dossier obstétrique pilote, qui sera fonctionnel en janvier 2006, et qui permettra de voir le suivi de la patiente avant et après l'accouchement. "Il s'agit d'un premier pas vers le dossier patient intelligent, c'est-à-dire un dossier qui n'est pas seulement un recueil d'informations mais un outil de travail et un instrument de vérification, permettant de recouper les différentes informations concernant un même patient et d'afficher des mises en garde le cas échéant", explique M. Oberlé.

Un autre but sera la demande informatisée et automatisée d'examens médico-techniques, à partir du dossier, dans les différents services de l'hôpital. Quant à l'informatisation du circuit du médicament, chantier mis en oeuvre à partir de 2005, elle constituera une étape primordiale, explique le directeur.

On s'approchera ainsi progressivement de l'intégration des dossiers médicaux dans le système. "Les médecins désirent partager des informations avec d'autres médecins. En matière de protection des données, les problèmes techniques sont maîtrisables mais, côté conceptuel, il y a des discussions pour trouver un juste équilibre entre accessibilité des données dans un souci de sécurité et de rapidité et protection des données personnelles", rassure le Dr Klein.

Dans un premier temps, le médecin n'aura accès qu'aux informations de son patient. Dans une seconde étape, le consentement de ce dernier, implicite ou explicite, pourra suffire mais la question qui se pose est jusqu'à quel point? L'Hôpital Kirchberg, comme d'autres hôpitaux au Luxembourg, pratique déjà la transmission de clichés radiologiques entre établissements hospitaliers, mais seulement avec l'accord écrit du patient.

"Nous essayons de suivre le principe des données connues, comme une allergie à la pénicilline. Cette information doit être accessible à tous les médecins qui vous traiteront. Dans la mise en place actuelle, nous allons plus vers des restrictions de transmission de données. Nous participons activement à un groupe de travail de l'Entente des Hôpitaux qui se penche sur l'interprétation de la loi sur la protection des données qui manifestement n'a pas été rédigée pour faciliter sa mise en pratique dans le secteur hospitalier", précise le directeur administratif.

Toutefois, avant qu'un médecin externe à l'hôpital puisse accéder à ces données, il faudra qu'un organisme certificateur puisse garantir à l'institution que c'est bien un médecin qui se connecte à son réseau. Bien entendu, la question des informations auxquelles il pourrait accéder pose problème. Où s'arrêtera, dans l'intérêt d'une prise en charge efficace du malade, le respect de la vie privée? Qui est propriétaire et qui est responsable des données stockées? Des questions qui devront trouver réponses mais qui feront sans doute couler beaucoup d'encre.