Les avocats des étudiants issus de pays frontaliers ne se satisfont pas de l’argumentation de la Cour administrative et veulent que la CJUE se prononce sur la légalité de la déduction des allocations familiales étrangères. (Photo : Licence CC)

Les avocats des étudiants issus de pays frontaliers ne se satisfont pas de l’argumentation de la Cour administrative et veulent que la CJUE se prononce sur la légalité de la déduction des allocations familiales étrangères. (Photo : Licence CC)

C’est un coup de massue que les frontaliers ont reçu il y a deux mois. En une audience, l’ultime instance administrative luxembourgeoise a en effet rejeté trois recours contre la décision du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de déduire de l’aide financière à laquelle ils avaient droit les allocations familiales belges dans un cas, allemandes dans un deuxième et l’allocation personnalisée au logement (APL) française dans le troisième.

Ces décisions ont ainsi marqué un coup d’arrêt dans une dynamique continue de recours aboutissant à l’invalidation par la Cour de justice de l’UE de plusieurs dispositions de la législation sur les aides financières pour études supérieures réformée en 2010 par le ministre de tutelle de l’époque, François Biltgen, et plusieurs fois remaniée depuis.

La Cour administrative a de fait refusé de poser une question préjudicielle à la CJUE, comme suggéré par les avocats des plaignants, et appuyé son raisonnement sur un élément issu de la jurisprudence de la CJUE dans son dernier arrêt en faveur des étudiants frontaliers, à savoir l’arrêt Depesme, Kerrou, Kauffmann et Lefort, qui consacrait le droit pour un étudiant de bénéficier d’une bourse d’études si le conjoint de l’un de ses parents est frontalier.

Une motivation insatisfaisante pour les avocats

Rebondissant sur l’argument du «réalisme économique» utilisé par la CJUE, la Cour administrative a estimé que «les aides étatiques sont à entrevoir d’abord comme un soulagement de la charge des frais d’études pour les personnes qui finalement financent les études supérieures en question». Conséquence: les prestations familiales reçues à l’étranger ne sont pas de même nature que les bourses d’études, mais elles ont la même finalité.

De quoi provoquer une levée de boucliers parmi les avocats des plaignants concernés, et des autres – de nombreux dossiers ayant trait aux aides financières encombrent toujours les étagères du tribunal administratif. D’autant que les décisions de la Cour administrative sont définitives puisqu’il s’agit de la plus haute instance de cet ordre juridictionnel.

Pressions et résistance

Une réunion a eu lieu début avril entre la présidente de chambre du tribunal administratif, un représentant de l’État et les avocats concernés. Avec un message: la Cour administrative a tranché, inutile de tenter quoi que ce soit, pas même le dépôt d’un mémoire soulevant de nouveaux arguments. L’État a encore insisté en envoyant un courrier à chaque avocat afin de rappeler cet état de fait.

Peine perdue: les avocats se sont entendus pour joindre leurs forces et déposer une plainte auprès de la Commission européenne, a indiqué mercredi Me Stéphanie Jacquet (Schanen & Bannasch) à Paperjam.lu. Chacun doit sélectionner un dossier pilote, pendant auprès du tribunal administratif, mais dont il demande la mise en suspens le temps que la Commission se prononce. Avec le ferme espoir que Bruxelles rejoindra leur position et portera l’affaire devant la CJUE. La plainte devrait être rédigée dans les prochaines semaines.