Virginie Simon: «Heureusement, des fonds commencent à se spécialiser sur des entreprises dirigées par des femmes. C’est logique, car il est prouvé que lorsqu’une femme est aux commandes, il y a moins de risques.» (Photo: Maison moderne / archives)

Virginie Simon: «Heureusement, des fonds commencent à se spécialiser sur des entreprises dirigées par des femmes. C’est logique, car il est prouvé que lorsqu’une femme est aux commandes, il y a moins de risques.» (Photo: Maison moderne / archives)

Passionnée de sciences, Virginie Simon a naturellement gravi les échelons avec un master 2 en biotechnologie et une thèse à l’université Pierre et Marie Curie sur les nanotechnologies contre le cancer. Fascinée par la transdisciplinarité des sciences, elle voulait évoluer dans le domaine de l’innovation, mais sans être spécialisée dans un domaine. Éprise de liberté, la scientifique a créé sa société en 2010, MyScienceWork, une communauté scientifique qui peut accéder à une base de données de publications et brevets scientifiques.

Madame Simon, vous venez d’un milieu où les femmes sont peu présentes. Dans quel contexte avez-vous créé votre société?

«C’est vrai qu’il y avait peu de femmes dans mon cursus, mais je ne me suis pas trop posé de questions car je suis passionnée par les sciences. J’ai identifié des besoins, je fourmillais d’idées. Je me suis associée à Tristan Davaille, qui me complète avec son profil financier.

Nous avons créé une communauté, une page sur les réseaux sociaux, et nous avons intégré l’incubateur Paris Pionnières (qui se nomme désormais Willa, ndlr), qui a la particularité de n’accepter que les projets menés par au moins une femme. Ça nous a ouvert des portes, des aides. Puis nous avons effectué une levée de fonds en 2012. Edison Capital Partners nous ont fait confiance, nous avons donc déménagé la société au Luxembourg.

En 2014, nous avons été repérés pour le programme Plug and Play de la Silicon Valley à San Francisco. Nous partageons donc la société sur trois lieux: Paris, Luxembourg et San Francisco. Nous sommes aujourd’hui une équipe de 15 personnes.

Est-ce que vous estimez qu’il y a un leadership féminin?

«C’est une question de posture. Les femmes peuvent développer des compétences d’influenceurs. Il faut essayer d’aider les femmes pour arriver à plus de parité par des initiatives concrètes: seulement 16% des start-up sont créées par des femmes et seulement 6% de femmes sont associées dans des sociétés de fonds d’investissement.

Les fonds d’investissement consacrent uniquement 9,6% de leurs fonds aux start-up dirigées par des femmes, soit environ 10 milliards de dollars. C’est vraiment très peu. 

Les fonds d’investissement sont tenus par des hommes. C’est difficile d’essayer de vendre un projet à des gens qui ne vous ressemblent pas.

Virginie Simon, fondatrice et CEO de MyScienceWork

Comment expliquez-vous ce manque de femmes dans le secteur de la tech et des start-up?

«Je suis arrivée comme femme avec une entreprise très innovante. Ce n’est pas encore quelque chose de courant. Mais, au fur à mesure, je sens vraiment une prise de conscience. Chaque année sont décernés les French-American Business Awards qui couvrent différents secteurs. L’année dernière, c’est la première fois qu’a été décerné un prix pour une femme role model. C’était le prix décerné en dernier et qui était l’un des plus attendus. Je l’ai obtenu et ça m’a beaucoup marquée. C’est une visibilité qui permet de favoriser les femmes entrepreneures auprès de la Chambre de commerce, par exemple.

Le mentoring est aussi très important. Il faut développer un écosystème de femmes qui vont pouvoir s’entraider.

Mais ce qui est difficile, c’est que le nerf de la guerre, les fonds d’investissement, sont tenus par des hommes. Il s’agit généralement d’hommes blancs, entre 45 et 50 ans, qui voyagent beaucoup et qui n’ont pas de vie de famille. C’est vraiment difficile d’essayer de vendre un projet à des gens qui ne vous ressemblent pas.

Heureusement, des fonds commencent à se spécialiser sur des entreprises dirigées par des femmes. C’est logique, car il est prouvé que lorsqu’une femme est aux commandes, il y a moins de risques. Cela devrait donc intéresser de plus en plus les fonds d’investir sur une entreprise qui a plus de chance de prospérer.

Mais ce manque de femmes est aussi le résultat d’un cycle éducatif. Il y a très peu de femmes dans le génie informatique. On a pris beaucoup de retard. Même moi je n’arrive pas à atteindre la parité dans ma propre entreprise!

Les panels 100% masculins choquent. On demande aux organisateurs pourquoi ils n’ont pas trouvé de femmes.

Virginie Simon, fondatrice et CEO de MyScienceWork

Pourquoi n’arrivez-vous pas à atteindre cette parité?

«C’est très difficile car ce sont des postes très techniques où les profils sont rares. J’ai beau avoir engagé des chasseurs de têtes pour trouver des femmes, ils ne trouvent pas. Pourtant, si l’on arrive à trouver une femme, ça sera un plus. La diversité est très importante. Si nous avions une directrice R&D, elle serait très sollicitée pour participer à des panels dans des conférences.

Mais les choses changent dans le bon sens: les panels 100% masculins choquent. On demande aux organisateurs pourquoi ils n’ont pas trouvé de femmes. Ce serait bien que cela devienne la même chose pour les conseils d’administration. Il faut que ça choque les gens qu’il n’y ait que des hommes.

Avec l’incubateur Paris Pionnières, nous avons signé un manifeste le 8 mars dernier où nous nous engageons à mettre en place des actions concrètes pour arriver à plus de parité.

Vous pensez donc que 40% de quota de représentants du sexe féminin dans les conseils d’administration est une bonne chose?

«Oui, en attendant que les choses changent... Plus il y aura des fonds qui montreront l’impact économique positif des femmes, plus vite les choses changeront. En attendant, je suis toujours surprise que ce soient des fonds 100% masculins qui font la promotion des femmes.

Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes du secteur des start-up et de l’innovation scientifique?

«Elles sont très recherchées, elles n’auront aucun mal à trouver un poste intéressant et seront sollicitées. Pour ce qui est de lancer sa propre entreprise, les entreprises dirigées par des femmes sont plus viables économiquement, c’est un point très important.

Je pense que les femmes sont plus endurantes, et plus persévérantes. Les hommes se donnent énormément mais finissent par craquer, et de façon assez brutale bien souvent, ça vole en éclats. Les femmes auront tendance à moins jeter l’éponge.

Le CV de Virginie Simon en trois dates marquantes:

2009  Soutenance de thèse en nanotechnologie contre le cancer à Paris

2014  Ouverture de la filiale MyScienceWork Inc à San Francisco, deux ans après l’ouverture du siège au Luxembourg

2017  Gold Award - Prix de femme rôle modèle - Women Role Model - French-American Business Awards à San Francisco

Retrouvez l’intégralité de la série #FemaleLeadership en cliquant ici.