Les facultés ont vu le plan stratégique répondre à leurs desiderata en termes de priorités, mais pas forcément en termes de budget alloué. (Photo: Mike Zenari / archives)

Les facultés ont vu le plan stratégique répondre à leurs desiderata en termes de priorités, mais pas forcément en termes de budget alloué. (Photo: Mike Zenari / archives)

Enfanté dans la douleur, à l’heure où l’Uni avait des choix cruciaux à affronter et un recteur à remplacer, le plan 2018-2021 a été finalisé dans les temps pour être présenté, de manière succincte pour l’instant, dans la foulée de la signature du contrat d’établissement entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et l’Université, le 15 janvier.

Un contrat qui assure une dotation étatique de 766,84 millions d’euros en faveur de l’Uni sur quatre ans, en hausse de 30%. Une jolie enveloppe qui traduit l’engagement de l’État, mais aussi des exigences accrues. «Nous devons mériter cette confiance, et je m’engage à ce que la gestion des fonds publics soit exemplaire», avait insisté le nouveau recteur, Stéphane Pallage, devant le ministre Marc Hansen.

Premières intéressées par la répartition du budget de l’Uni, les trois facultés sont aussi davantage mises à contribution. «Du point de vue des facultés, l’enjeu principal réside moins dans la part de budget allouée à chacune que dans la mutation profonde du processus de gestion du budget», note Katalin Ligeti, doyenne de la faculté de Droit, d’Économie et de Finance. «Les facultés doivent désormais gérer leur masse salariale, ce qui entraîne davantage de responsabilités et de comptes à rendre à l’Université.»

J’estime que la répartition interne n’a pas été raisonnablement faite.

Paul Heuschling, doyen de la faculté des Sciences, de la Technologie et des Communications

L’Université, comme les facultés, garde pour le moment le silence quant au budget alloué à chacune pour les quatre prochaines années. Même si deux d’entre elles confient avoir obtenu un budget en hausse d’environ 6% par an. Chacune a dû élaborer sa propre proposition de plan stratégique assortie d’un budget en fonction de ses projets et des domaines qu’elle veut développer. Puis défendre son bifteck lors de discussions animées au sein du management team réunissant doyens des facultés, directeurs des centres interdisciplinaires et rectorat, le conseil de gouvernance entrant également dans la danse.

«Nos propositions ont été retenues, avec quelques coupes budgétaires, toutefois», indique Paul Heuschling, doyen de la faculté des Sciences, de la Technologie et des Communications. «L’enveloppe que nous avons reçue ne permettra pas de nous développer à grands pas, mais au moins de faire un petit pas dans la bonne direction.» Le doyen souligne tout de même que sa faculté «doit porter des domaines qui nécessitent une enveloppe conséquente, comme la physique des matériaux, les sciences numériques, ou encore la médecine». «J’estime que la répartition interne n’a pas été raisonnablement faite», déplore-t-il.

Côté budget, c’est une autre problématique qui s’est imposée dans les discussions autour de la faculté des Lettres, des Sciences humaines, des Arts et des Sciences de l’éducation. Celle-ci emploie en effet une grande proportion de professeurs issus d’entités universitaires antérieures à l’Uni, ou intégrées au fil des années – des professeurs disposant du statut de fonctionnaire. «La faculté est confrontée à une diminution de postes qui ne sont pas inclus dans sa masse salariale», explique le doyen Georg Mein. «Beaucoup nous ont quittés ces dernières années ou vont le faire, et leur remplacement nous oblige à créer de nouveaux postes qui ne sont pas encore budgétisés sur la paie. Cela a donné lieu à une discussion ardue, mais nous avons fini par trouver une solution satisfaisante.»

Définir des priorités ne veut pas dire que les autres domaines de recherche ne sont pas importants.

Katalin Ligeti, doyenne de la faculté de Droit, d’Économie et de Finance

Le plan stratégique de l’Uni définit huit «domaines d’excellence» entrant dans ses «priorités». «Définir des priorités ne veut pas dire que les autres domaines de recherche ne sont pas importants», précise Katalin Ligeti. «L’Université signale simplement son intention d’engager ses forces et ses investissements dans des domaines spécialisés dans lesquels elle peut se distinguer et apporter une contribution particulière.» Et de fait, les artisans du plan quadriennal ont veillé à mettre en avant des domaines propres, mais aussi des thèmes transversaux.

«Le droit européen et la finance constituaient déjà des priorités pour l’Université dans le cadre du plan précédent», indique la doyenne, en poste depuis le printemps 2017. «L’évaluation externe menée l’an dernier a salué un excellent travail. Quant à l’innovation en finance, il s’agit d’une suite logique, puisque nous avons déjà beaucoup investi pour mettre la finance en avant, et notamment la recherche sur les changements qui affectent le secteur financier, comme la digitalisation. Notre faculté contribue également à d’autres domaines prioritaires, comme la biomédecine, qui s’avère un enjeu juridique et éthique, ainsi que les modélisations et simulations numériques, qui impliquent nos chercheurs en économie et économétrie.»

La priorité «santé et biologie des systèmes» inclut également les cliniciens psychologues de la faculté des Sciences humaines, dont le travail sur la dimension sociale du vieillissement réussi a été distingué lors de l’évaluation externe de l’Uni en 2016. Idem pour le Luxembourg Centre for Educational Testing, intimement lié à l’évolution de la modélisation de data mise en avant par le plan quadriennal.

Il faut penser à la dimension sociale du pays, à son histoire, au ‘nation branding’.

Georg Mein, doyen de la faculté des Lettres, des Sciences humaines, des Arts et des Sciences de l’éducation

«Beaucoup ont été surpris par les très bons résultats des sciences humaines lors de l’évaluation externe, ce qui a initié un grand débat public», soutient Georg Mein. De quoi aussi redresser la balance au moment où certains poussaient en faveur d’une Uni focalisée sur les besoins de l’économie et de la Place. «Vous auriez alors une sorte de ‘technische Hochschule’ à l’Allemande, un institut de recherche appliquée. Mais une université doit aussi être un lieu de recherche fondamentale, où l’on réfléchit sur de nouvelles questions. Cela peut être lié à des questions économiques, au développement du secteur financier, aux produits industriels, mais il faut penser à la dimension sociale du pays, à son histoire, au ‘nation branding’. Les sciences humaines répondent aux questions des gens dans la rue sur les migrations, les inégalités sociales, l’éducation, la dimension européenne.»

Les facultés, comme les centres interdisciplinaires, devront renseigner et atteindre les indicateurs de performance financiers et non financiers prévus par le plan quadriennal, notamment en termes de publications scientifiques ou de doctorants. «Je regrette un peu que ces indicateurs se concentrent beaucoup sur la recherche et son financement, et qu’ils n’attachent pas plus d’importance à l’enseignement», nuance Paul Heuschling. Les besoins sont pourtant là: «Les entreprises et le secteur industriel nous demandent de produire plus de spécialistes informatiques, mais cela nécessiterait des investissements en termes de personnel enseignant et d’équipements, et nos investissements ne sont pas prédestinés à cela.»

Satisfaits de l’évolution de l’Uni, «que les gens prennent désormais au sérieux», souligne Georg Mein, les doyens voient avec soulagement les turbulences de 2017 remises au placard, et attendent avec bienveillance que le nouveau recteur Stéphane Pallage, chercheur de formation et manager d’expérience, fasse ses preuves après de premiers contacts prometteurs.