Jean-Marc Ueberecken est avocat et associé au sein de l'étude Arendt & Medernach. (Photo: Arendt & Medernach)

Jean-Marc Ueberecken est avocat et associé au sein de l'étude Arendt & Medernach. (Photo: Arendt & Medernach)

Les praticiens recensent deux catégories d’entreprises: l’entreprise individuelle et la société. Les sociétés sont elles-mêmes réparties entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux, ces catégories comprenant plusieurs structures, chacune présentant ses avantages, ses inconvénients et ses obligations.

La société est un contrat par lequel une ou plusieurs personnes animées par une volonté de collaboration commune (affectio societatis) conviennent de la mise en commun des apports, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. Le droit luxembourgeois propose plusieurs structures, répondant de manière différenciée à cette définition.

Les sociétés de personnes

Les associés optent pour une société de personnes lorsque les qualités de chacun sont le motif déterminant de leur collaboration: le caractère personnel (intuitu personae) prévaut alors sur l’élément financier, l’association ultérieure de nouveaux investisseurs y est difficile et l’accès aux marchés financiers prohibé. Dans ces sociétés, il n’y a pas de capital social minimum et les apports se font en numéraire, en nature ou en industrie.

Les associés sont en principe indéfiniment et solidairement tenus des dettes de la société et le consentement de tous les associés est généralement requis pour modifier le contrat social ou pour céder des parts sociales. Le document constitutif ne doit pas obligatoirement être exécuté devant notaire. «Parmi les sociétés de personnes, la société en nom collectif (SNC) reprend chacun de ces attributs. Recourir aux sociétés en commandite simple (SCS) et sociétés en commandite spéciale (SECS) permet à l’inverse de s’en éloigner quelque peu», indique Jean-Marc Ueberecken, avocat et associé au sein de l’étude Arendt & Medernach, spécialisé en droit des sociétés et création d’entreprises.

Dans une SNC, chacun des associés est indéfiniment et solidairement responsable des dettes et des obligations de la société: chaque associé est responsable des actes des autres associés et risque de devoir en assumer les conséquences sur son patrimoine de manière indéfinie et illimitée, ce qui est souvent dissuasif pour le futur entrepreneur. «Toutefois, sa transparence fiscale, permettant l’imposition directe entre les mains des associés, ainsi que l’absence d’obligation de contrôle et de publication des comptes en convainc certains.»

Dans les sociétés en commandite, seul l’associé commandité est indéfiniment et solidairement responsable des dettes sociales: la responsabilité des associés commanditaires est limitée à leurs apports, sauf immixtion dans la gestion de la société. «Les sociétés en commandite autorisent une grande liberté contractuelle: un contrat de société peut déterminer librement les droits politiques (majorités de votes aux assemblées), financiers (répartition des bénéfices) et les obligations (participation aux pertes) des associés, ainsi que le régime de cessibilité des parts et de modification des statuts. Les sociétés en commandite sont fiscalement transparentes et la nouvelle société en commandite spéciale n’a pas de personnalité juridique.»

La société en commandite est traditionnellement gérée par son associé commandité, mais d’autres gérants peuvent être nommés conformément aux dispositions du document constitutif. Si le gérant n’est pas un associé commandité, il est uniquement responsable pour l’exécution de son mandat et toute faute grave du fait de sa gestion.

Les sociétés de capitaux

Les associés optent pour une société de capitaux dans un contexte où le capital apporté par chacun est déterminant (intuitu pecuniae). Le caractère personnel et la liberté contractuelle y sont réduits: la loi définit l’essentiel des règles, puis les statuts (acte notarié et publié) précisent le fonctionnement. «Un capital social minimum est exigé, les apports sont effectués en numéraire ou en nature. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports, la plupart des décisions ordinaires et extraordinaires des associés n’exigent respectivement qu’une majorité simple ou qualifiée, et les parts sont cessibles. Ces sociétés sont pleinement imposables.»

Parmi les sociétés de capitaux, la société anonyme (SA), la société en commandite par actions (SCA) et la société à responsabilité limitée (SARL), seule la SARL emprunte quelques aspects propres aux sociétés de personnes: intuitu personae et liberté contractuelle accrue.

Les SARL constituent, de loin, la forme la plus courante au Luxembourg, puisqu’elles représentent deux tiers des sociétés existantes. Une SARL peut compter de un (SARL unipersonnelle) à 40 associés, personnes physiques et/ou morales, qui ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports. Elle est administrée par un ou plusieurs gérants. Son capital minimum est de 12.500 euros. «La SARL est une société relativement ‘fermée’: la cession de parts à un tiers doit être agréée par la moitié des associés représentant 75% du capital social et la SARL ne peut pas faire appel public à l’épargne.» Toute modification des statuts nécessite une décision extraordinaire devant notaire, prise par la moitié des associés représentant 75% du capital social.

Le recours à une société anonyme (SA) permet de faciliter le développement de l’entreprise par l’entrée de nouveaux investisseurs au capital: l’intuitu personae y est minime, chaque action étant librement cessible sans agrément des autres actionnaires. Le nombre d’actionnaires (personnes physiques ou morales) n’est pas limité et la forme unipersonnelle est admise. Son capital minimum est de 31.000 euros. «L’apport en nature n’y est possible qu’accompagné d’un rapport d’évaluation d’un réviseur d’entreprises. L’accès aux marchés financiers est également possible, la société pouvant faire appel public à l’épargne. À l’inverse des autres formes sociales, l’identité des actionnaires d’une SA n’apparaît pas au Registre du commerce et des sociétés. Cet anonymat est encore renforcé par la possibilité d’émettre des actions au porteur (c’est-à-dire transmissibles de la main à la main).»

Une SA est gérée soit par un conseil d’administration d’au moins trois administrateurs (sauf SA unipersonnelle) dans la SA de type moniste, soit par un directoire d’au moins deux membres (sauf SA unipersonnelle ou au capital inférieur à 500.000 euros) et un conseil de surveillance de trois membres au moins (sauf SA unipersonnelle) dans la SA de type dualiste. Une décision en assemblée ordinaire se prend à la majorité simple et sans quorum de présence, mais toute modification des statuts nécessite une décision devant notaire rassemblant un quorum de présence de 50% du capital et un vote positif des 2/3 des voix exprimées.

Le régime de la SCA est institué en référence à celui de la SA (capital minimum de 31.000 euros, cessibilité des actions du commanditaire, possibilité de cotation et de faire appel public à l’épargne, majorités et quorum, etc.) mais il se rapproche de la société en commandite simple sur d’autres aspects: la responsabilité des commanditaires est limitée à leurs apports et l’associé commandité est indéfiniment et solidairement responsable des dettes de la société. Celle-ci est gérée par l’associé commandité.

Dans l’optique de pérenniser le financement d’une entreprise, le recours à la société de capitaux présente plusieurs avantages: la société survit au décès ou à l’incapacité d’un actionnaire, la succession d’actionnaires est perpétuelle dans la mesure où les actions sont en règle générale librement cessibles, le cadre légal présente une bonne garantie de stabilité et l’accès aux marchés financiers est ouvert.

L’exception de la succursale

Une société étrangère peut créer un établissement stable au Luxembourg, sans pour autant constituer de société de droit luxembourgeois. Il s’agit alors d’une succursale. Contrairement à la filiale, celle-ci n’a pas de personnalité juridique distincte de sa maison mère, mais doit être inscrite auprès du Registre du commerce et des sociétés.

En bref

Les points importants

  1. Déterminer la forme sociale – un acte notarié sera-t-il nécessaire pour constituer la société?
  2. Établir un projet de statut ou de contrat social – identifier les informations à obtenir, les points à arbitrer, les conditions à remplir.
  3. Rassembler les informations exigées par la réglementation luxembourgeoise antiblanchiment (identification du bénéficiaire économique de la nouvelle société).
  4. Conclure un contrat de domiciliation auprès d’un domiciliateur (en l’absence de siège social).
  5. Conclure un contrat avec un réviseur ou un commissaire aux comptes, le cas échéant.
  6. Ouvrir un compte bancaire et y déposer le capital minimum, le cas échéant.
  7. Finaliser le projet de statuts ou de contrat social.
  8. Constituer la société (assemblée générale de constitution devant notaire ou signature d’un contrat social sous seing privé): la société existe dès lors.
  9. Déposer les informations requises par la loi auprès du RCS.
  10. Publication au Mémorial C: opposabilité aux tiers.

Ce que dit la loi

Deux exemples

  • Selon l’article 1832 du Code civil, une société de capitaux ou de personnes doit être composée d’au moins deux personnes. L’article 1832 envisage également l’hypothèse de l’acte de volonté d’une personne affectant des biens à l’exercice d’une activité déterminée.
  • Société en commandite spéciale: il s’agit d’une nouvelle forme sociétaire prévue par la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. La société en commandite spéciale n’est encadrée que par très peu de règles d’ordre public (dont la plupart concernent le registre des associés et les informations à déposer), la plupart des autres aspects pouvant être assez librement déterminés par le contrat social. De manière remarquable, la restriction de l’accès du commanditaire à la gestion (garant traditionnel du maintien de sa responsabilité limitée) est réduite (une liste non exhaustive d’actes non interdits est créée). Enfin, la société n’a pas de personnalité morale et est fiscalement transparente du point de vue de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune.