Fausti Cima avec le réalisateur de Faustino - One man show, Andy Bausch (Photo: Filmreakter.lu)

Fausti Cima avec le réalisateur de Faustino - One man show, Andy Bausch (Photo: Filmreakter.lu)

On se doutait, à la lecture de l’ordonnance de référé du 16 mars enjoignant la société Juliette Films à retirer de la vente, à la demande de Jang Linster, le DVD consacré à la vie du chanteur Fausti, que le litige opposant le producteur au parolier cachait quelque chose d’énigmatique. Une affaire d'argent probablement. On imaginait mal en effet les dirigeants d’une société de production et un réalisateur aussi expérimentés que Juliette Film et Andy Bausch ne pas avoir négocié les droits d’auteurs avant de lancer la commercialisation du film documentaire Faustino – One man show, consacré au chanteur populaire Faustino Cima de son vrai nom.

Paul Thiltges, le dirigeant de Juliette Films, donne, dans un courriel adressé à la rédaction de Paperjam, un éclairage nouveau au litige autour des droits musicaux de Faustino - One man show en dévoilant le contenu de l’attestation que le chanteur luxembourgeois avait présenté au tribunal, en guise de la bonne foi de la société de production.

La juge n’avait pas mis en cause la bonne foi de Juliette Film (ni Paperjam d’ailleurs, dans le relai qui a été fait de la décision du 16 mars dernier) mais avait rappelé le caractère de «droit absolu» du droit d’auteur, dont «toute violation, même non intentionnelle, qu’elle ait lieu par ignorance ou qu’elle soit exécutée de bonne foi, constitue une violation de ce droit».  

La magistrate avait indiqué qu’un écrit était nécessaire pour établir la cession des droits musicaux. Or, cet écrit faisait défaut. Pour faire une démonstration de bonne foi dans cette affaire, l’avocat de la société de production avait versé aux juges une attestation de Fausti, dans laquelle ce dernier affirmait avoir eu un accord oral avec son parolier. Mais ce dernier le contesta dans le cadre de la procédure.

Don de six chansons

Or, selon l’attestation de Fautino Cima, Jang Linster lui aurait fait don de six chansons avant la première du film en mars 2015. Le parolier a fait l’annonce publique de son «cadeau» à l’occasion de cette première. Il existe d’ailleurs deux versions du film: l’une intégrant les chansons au cœur du litige, et l’autre les retranchant du montage et qui fut initialement retenue par la production.

Juliette Films a d’ailleurs fait savoir qu’elle étudie actuellement la possibilité de distribuer et de diffuser par DVD, et peut-être aussi à la télévision, le film préparé initialement sans les chansons incriminées (au nombre de cinq), écrites par Jang Linster.

«Jang Linster», raconte le chanteur, «m’a dit en mars 2015 avant la première du film Faustino - One man show qu’il me faisait don des six chansons que nous avions demandé de réintégrer dans le montage du film lors de notre réunion chez Me Mario di Stefano le 21 janvier 2015 et à laquelle nous avions convoqué Andy Bausch, le réalisateur, et Paul Thiltges (producteur de Juliette Films) et où Me di Stefano, Jan Linster et moi-même avions trouvé un arrangement pour ce faire».

L’engagement du parolier se serait fait devant témoin dans l’étude de l’avocat: «C’est à ma demande et en présence de Jan Linster chez l’avocat Mario di Stefano que nous avions demandé à Paul Thiltges (…) et à Andy Bausch (…) de réintégrer les chansons produites par Jang Linster», poursuit Fausti «sur son honneur».

Quatre jours après la réunion chez l’avocat, Paul Thiltges adressa un courriel à Linster et à Fausti Cima avec une proposition de contrat concrétisant les engagements pris précédemment. Le chanteur signa, mais pas son parolier et producteur.

Le Dr Frankenstein de Fausti

«La société Juliette Films ne peut que déplorer l’attitude de Jang Linster ayant abouti à l’interdiction de la diffusion de l’excellent film Faustino – One man show, attitude qui préjudicie en premier lieu à Fausti, homme et artiste formidable», écrit Paul Thiltges.

Reste que le producteur a choisi de ne pas faire appel de l’ordonnance et de procéder au retrait immédiat du DVD auprès des différents points de vente.

Les interrogations demeurent sur les raisons ayant poussé Jang Linster à changer d’avis, à renoncer à signer le contrat écrit puis à saisir la justice. Ce dernier explique, dans un droit de réponse qu'il a fait parvenir à Paperjam, «qu'aucun accord pas plus écrit qu'oral n'existe quant à la cession de mes droits» et qu'en outre «la législation sur les droits d'auteurs exigeait un écrit, de sorte qu'un accord oral n'aurait de toute façon eu aucune valeur».  

Dans une critique intitulée «La musique est un sport de combat», parue le 20 mars 2015 après la première de Faustino - One man show, le d’Lëzebuerger Land laisse entrevoir une autre nature des relations entre le chanteur et Jang Linster, ce dernier étant présenté comme son «Dr Frankenstein (…) qui sait comment faire du fric».

«Fausti était un mercenaire de la musique», écrivait Josée Hansen dans l'hebdomadaire. «Celui qui comptait comme le meilleur batteur de la région à l’époque a dû jouer jusqu’à l’épuisement et avoir souvent recours au système D pour inventer ou parfaire son personnage de scène (…). Avant d’être un divertissement, la musique est un sport de combat pour celui qui la pratique à haut niveau. À la fin, faire le clown pour Jang Linster n’était qu’une conséquence logique de l’évolution de la société du spectacle et de sa cruauté», poursuivait le Land.

Réaction de Jang Linster

Jang Linster a fait encore savoir à Paperjam qu'il n'avait aucun litige avec Fausti (qui est un copain, nous a-t-il assuré), mais que son différend ne concernait que le producteur Paul Thiltges. «Il est un fait établi et non contesté, souligne M. Linster dans son droit de réponse, que les dirigeants de la société Juliette Films, tous des professionnels expérimentés, ayant reçu plusieurs centaines de milliers d'euros du Filmfonds Luxembourg dans le cadre de la production Faustino, n'ont pas abouti dans la négociation de cette cession de droits avec le producteur et parolier Jang Linster».