Catherine Lesourd: «Notre rôle est aussi de faire évoluer le marché 
et l’offre en assurances.» (Photo: Luc Deflorenne)

Catherine Lesourd: «Notre rôle est aussi de faire évoluer le marché 
et l’offre en assurances.» (Photo: Luc Deflorenne)

La distribution des produits d’assurance IARD (incendie, accident et risques divers) aux particuliers sur le territoire luxembourgeois est avant tout assurée par des agents attachés à d’importantes compagnies, pour ne pas dire les deux principales. Les entreprises, quant à elles, ont de plus en plus tendance à faire appel au courtage. Dans les pays voisins, le courtier, intermédiaire entre la compagnie et le souscripteur du contrat d’assurance, est beaucoup plus présent sur le marché. Il y est même souvent le principal intermédiaire. Même si la photographie du marché luxembourgeois reste relativement figée, les lignes bougent petit à petit.

«Le courtage ne se développe vraiment sur le territoire que depuis les années 2000, explique Catherine Lesourd, CEO de Gras Savoye Luxembourg. L’enjeu, dès le départ, a été de contribuer à la reconnaissance légale du courtage au Grand-Duché, puis de faire la démonstration de la valeur ajoutée de cette intermédiation auprès des clients.»

Par rapport à un agent, le courtier n’a en effet pas les mêmes devoirs ni les mêmes obligations. Son rôle est de sonder le marché en toute indépendance, afin de pouvoir proposer à son client la meilleure couverture de risques répondant à ses besoins, et ce au meilleur prix. Il a aussi pour mission de défendre les intérêts de ce dernier vis-à-vis de la compagnie, au moment de la souscription comme en cas de sinistre.

Contraintes fortes

Quadrillant le territoire avec leurs agents, les compagnies n’ont pas toujours vu d’un bon œil l’arrivée des courtiers au Luxembourg. En effet, le courtage a pour effet d’ouvrir le marché à la concurrence. Cependant, cette catégorie de professionnels a fini par être acceptée et reconnue par les assureurs locaux comme un intermédiaire incontournable, notamment pour les grands risques nécessitant des expertises assurantielles plus pointues. Les tensions et discussions qui ont précédé l’adoption de la loi sur les professionnels du secteur de l’assurance (PSA), qui était accompagnée d’un volet réglementaire relatif à l’intermédiation, avaient cependant relancé le débat de l’équité entre agent et courtier.

«Bien que n’ayant pas le statut de PSA, le législateur a souhaité soumettre les intermédiaires en assurances à des contraintes réglementaires fortes, poursuit Catherine Lesourd. Ne nous méprenons pas, nous sommes pour une meilleure protection du consommateur, pour un meilleur conseil, pour une plus grande transparence. Nous avons toujours défendu ces valeurs. Le métier de courtier, par nature, y contribue d’ailleurs. Il faut cependant veiller à ce que ces contraintes ne deviennent pas des freins au développement d’une profession qui, justement, travaille dans l’intérêt du consommateur.»

Le Commissariat aux assurances a souhaité que les courtiers renforcent leur assise financière tout en soumettant ces intermédiaires à des contraintes supplémentaires en matière de contrôle et d’audit. Pour les petits courtiers, simples intermédiaires qui n’encaissent pas la moindre prime, celles-ci étaient difficilement supportables.

Meilleure représentation

«Dans ce contexte, et pour défendre les intérêts du courtage, les deux fédérations qui représentaient les petits et les grands courtiers au Luxembourg se sont rassemblées afin de pouvoir parler d’une seule voix», explique David Dentini, account manager au sein d’AON. C’est ainsi qu’est née l’Apcal, l’Association professionnelle des courtiers en assurances Luxembourg. Elle a su faire entendre raison au législateur sur certains points, offrant un peu plus de latitude aux petits courtiers. Ceux-ci ont obtenu un délai raisonnable – cinq ans – pour constituer leur assise financière: 50.000 euros immobilisés pour une personne physique, 125.000 euros s'il est installé via une société.

«Cela reste des sommes importantes. Pour un courtier qui désire s’installer, la tâche s’avérera plus complexe. Ces exigences, en effet, peuvent constituer un frein au développement du courtage. Alors que, intrinsèquement, le courtage constitue une plus-value au service du consommateur», poursuit David Dentini.

Le Commissariat aux assurances a voulu développer une législation exemplaire, qui permet de s’assurer de la solidité financière des acteurs présents. Les courtiers en place peuvent comprendre le bien-fondé de l’intention. «Cette législation permet d’éviter que des petits courtiers opportunistes ne s’installent. L’autorité de contrôle est plus stricte sur les agréments, avec plus d’exigences concernant la formation des acteurs. C’est une bonne chose», explique Catherine Lesourd.

Dans ce contexte, l’Apcal a la volonté d’accompagner l’ensemble de la profession en lui apportant les outils adéquats pour mieux répondre aux nouvelles exigences. «De plus, nous sommes en droit de nous interroger sur les disparités en matière d’exigences qui existent entre les agents, intermédiaires en assurances attachés à une compagnie, et les courtiers, intermédiaires indépendants, au service du seul intérêt des clients», précise David Dentini. En d’autres termes, la législation préserverait, intentionnellement ou non, le marché des agents.

Marché émergent

Or, malgré le renforcement des législations et des exigences, le courtage continue à gagner du terrain d’année en année. Si les compagnies d’assurances luxembourgeoises l'ont dans un premier temps regardé d’un mauvais œil, préférant s’appuyer sur un riche réseau d’agents, progressivement, elles ont compris qu’il leur faudrait jouer dans un marché plus ouvert.

«C’est la nature même du courtage que de faire jouer la concurrence entre compagnies en faveur du client. Nous interrogeons les compagnies en tenant compte des besoins du client, allons chercher les solutions pour créer des couvertures en assurance adaptées à sa situation, aux risques auxquels il est exposé», explique David Dentini.

Au Luxembourg, les grandes sociétés de courtage, actives à l’échelle internationale, ont d’abord répondu aux besoins de leurs clients internationaux exprimant des besoins au Luxembourg. Progressivement, les courtiers ont trouvé une clientèle dans le monde de l’entreprise à l’échelle nationale qui devait se prémunir face à des risques précis et toujours plus difficiles à appréhender.

Quant aux compagnies les moins ancrées sur le marché, elles ont pu utiliser le courtage pour le pénétrer plus facilement. Ce qui a contraint celles qui étaient bien implantées au Grand-Duché à changer d’attitude face à ce nouveau métier. «Le marché évolue sans cesse. Il est ouvert, et le courtage contribue à cette évolution, précise David Dentini. Se fermer au courtage, c’est se fermer au marché, se détourner d’une clientèle internationale. Cela n’a pas de sens.»

Les compagnies s’adaptent

Parce qu’ils favorisent la compétitivité du marché, les courtiers participent à sa dynamique. Par sa position, proche du client, soucieux de proposer des solutions en assurance les mieux adaptées, le courtier peut aussi relayer les tendances en matière de besoins.

«De cette manière, notre rôle est aussi de faire évoluer le marché. En mettant en concurrence des assureurs implantés localement avec des offres proposées par des assureurs à l’étranger, tant en matière de prix qu’en matière d’offre, nous contribuons à la maturité du secteur de l’assurance. Les compagnies sont contraintes de s’adapter et de faire preuve d’innovation pour y répondre, en gardant des prix compétitifs», explique Catherine Lesourd. Les bureaux de courtage les plus importants, en outre, se donnent les moyens de challenger les compagnies, en s’appuyant sur des juristes pouvant développer leurs propres wording aux garanties souvent plus larges que celles proposées sur le marché.

L’enjeu pour les courtiers au Luxembourg est de mieux valoriser leur expertise, tant du côté du marché professionnel que de celui des particuliers. La valeur ajoutée de la profession, toutefois, s’exprime mieux dans le service aux professionnels, qui ont des besoins spécifiques. Sur des offres plus standardisées, s’adressant aux particuliers, il reste difficile de concurrencer un marché d’agents toujours très vivace.

«Le métier de courtier est bien installé. Aujourd’hui, notre volonté avec l’Apcal est de promouvoir la profession en mettant l’accent sur la valeur ajoutée, afin de faire comprendre aux clients comme aux compagnies que l’avenir passe par le courtage en assurances», explique Catherine Lesourd. Le développement du courtage au Grand-Duché rattrape le retard qu’il avait accumulé par rapport aux pays voisins.

«Les bonds que fait le courtage au Grand-Duché sont phénoménaux. C’est la preuve qu’en dehors de toute campagne de promotion, la meilleure manière de développer la profession au Luxembourg reste de continuer à proposer un service professionnel et rigoureux, de démontrer aux clients existants ainsi qu’à nos prospects l’intérêt qu’ils ont de passer par un courtier. C’est sur le terrain que nous démontrons notre savoir-faire», estime David Dentini.

Nouveaux défis

Le courtage est donc prêt à relever de nouveaux défis, dont ceux relatifs à la directive IMD2, qui vise à instaurer une plus grande transparence dans le cadre de la rémunération des intermédiaires, au titre de la mise en pratique de la prévention de tout conflit d’intérêts. Ainsi que des exigences en formation continue. «Nous mettrons en place les mesures idoines nous permettant de faire face aux nouvelles exigences en cours d’élaboration... Mais, aujourd’hui, notre profession est mature. Nous communiquons déjà sur notre mode de rémunération, notre volonté étant de travailler en toute transparence. Le courtage offre pléthore de prestations de services dans un ultime but d'aider les clients à se prémunir des risques auxquels ils se trouvent confrontés, tout en œuvrant à la défense de leurs intérêts», explique Catherine Lesourd. L’Apcal aura pour mission d’accompagner les acteurs face à ces enjeux.

Statut PSA

Un débat, un éclairage

Avant le débat qui a accompagné la loi PSA et le volet 
réglementaire relatif à l’intermédiation, le courtage 
n’avait que peu de visibilité comparée à celle des agents 
qui quadrillent les nombreux quartiers du territoire.  La médiatisation de la discussion autour de ces sujets a permis de mieux présenter le métier. D’une part, les courtiers se sont rassemblés à travers l’Apcal (Association professionnelle des courtiers en assurances Luxembourg) pour défendre leurs intérêts. Parlant d’une seule voix, ils ont pu se faire entendre auprès du grand public comme du législateur. De nombreux acteurs de la profession, quelle que soit leur taille, ont compris les enjeux qu’il y avait à mieux se présenter. Aujourd’hui, l’Apcal entend continuer dans cette voie avec l’idée de développer des campagnes de valorisation du courtage.