Pascal Martino se montre inquiet de l'allure adoptée par les banques luxembourgeoises par rapport à la digitalisation. (Photo: Maison Moderne / Archives )

Pascal Martino se montre inquiet de l'allure adoptée par les banques luxembourgeoises par rapport à la digitalisation. (Photo: Maison Moderne / Archives )

Après une première enquête publiée en novembre 2015, Deloitte Digital Luxembourg vient de publier de nouveaux résultats quant à la stratégie de digitalisation des grandes banques implantées au Luxembourg. Et la conclusion n’est pas très encourageante: «On observe une certaine évolution, mais elle n’est pas très rapide», note Pascal Martino, partner et leader Deloitte Digital Luxembourg.

Pour tester ces progrès, le consultant a ouvert des comptes auprès d’une dizaine de banques de la Place et a joué le rôle de «consommateur mystère». Il a ainsi analysé 230 critères sur huit paramètres (ouverture de compte, ergonomie du site, cybersécurité), dont trois nouveaux depuis cette édition. «Nous avons aussi voulu tester le conseil en ligne, la possibilité d’obtention d’un crédit et la procédure de fermeture d’un compte», explique le responsable de l’enquête.

Au bout de la logique

Finalement, le constat est que les banques luxembourgeoises atteignent un bon niveau en matière d’ergonomie et de cybersécurité, mais au niveau du cœur des systèmes on observe seulement quelques petits changements peu importants.

«Actuellement, il n’est encore possible d’obtenir un crédit en ligne dans aucune des institutions testées», observe encore Pascal Martino, estimant qu’elles devraient pourtant profiter du fait de bénéficier d’un réseau d’agences physiques pour rassurer le client à ce sujet.

Et ce n’est pas mieux au niveau de l’ouverture de comptes. Même pour les comptes en ligne, il faut encore, au final, imprimer des documents et les renvoyer au siège. La procédure d’ouverture se compte encore en jours, voire en semaines, alors que, à l’étranger, certaines banques proposent d’activer des comptes en dix minutes.

Faire des choix

Pour expliquer ce retard relatif des acteurs grand-ducaux, le responsable de Deloitte Digital Luxembourg pointe plusieurs facteurs: des revenus sous pression, la part importante des investissements dévorée par les nouvelles obligations réglementaires ou encore le fait que les consommateurs exigent de payer de moins en moins pour les services bancaires.

«Au Luxembourg, le coût des investissements dans la digitalisation est un réel défi, commente Pascal Martino. La base de clientèle sur laquelle vous devrez les rentabiliser est évidemment plus faible que dans un grand pays.» Et toutes ne peuvent pas miser sur une maison mère internationale qui a développé des outils en amont.

Au Luxembourg, le coût des investissements dans la digitalisation est un réel défi.

Pascal Martino, leader Deloitte Digital Luxembourg

«Les banques sont conscientes de l’enjeu digital, mais elles vont devoir procéder à des choix les plus judicieux possibles par rapport à leurs moyens», poursuit-il. Mais surtout pas rester immobiles.

Le danger est double. La structure particulière de l’emploi fait que les travailleurs frontaliers pourraient être tentés de se contenter d’une banque dans leur pays si elle offre des services digitaux plus attrayants. Ensuite, de nouveaux acteurs technologiques finiront par attaquer le secteur bancaire local avec de nouvelles fonctionnalités. «Parmi la jeune génération, une part importante s’interroge déjà sur la nécessité d’ouvrir un compte bancaire», insiste l’enquête Deloitte. La menace est donc déjà très concrète.