René Closter (LAR) : «L'urgence a besoin, non pas de confort, mais d'espace vital.»  (Photo : David Laurent / Wide/archives)

René Closter (LAR) : «L'urgence a besoin, non pas de confort, mais d'espace vital.»  (Photo : David Laurent / Wide/archives)

La société Luxembourg Air Ambulance remplace Ducair comme unité opérationnelle de l’asbl LAR. Pour prolonger le travail, affermir l’ancrage au Findel et, surtout, continuer à sauver des vies.

Avec la nouvelle année a décollé une société anonyme qui dit bien son nom : Luxembourg Air Ambulance. Elle n'est en fait que la nouvelle appellation de la société qui sert déjà de base opérationnelle pour l’asbl Luxembourg Air Rescue, née en 1988. « Rien ne change dans notre façon d’opérer ou de voir, rassure d’emblée René Closter, président-fondateur de l’association. Simplement, pour pouvoir mener nos missions fondamentales, nous devons gérer et fonctionner. Nous avons donc besoin d’une unité économique qui exerce toutes les missions de centralisation, pour les prestations de services, pour les locations… Cela existait déjà, mais la société Ducair s’appelle donc désormais Luxembourg Air Ambulance. »

Détenue à 100 % par l’asbl LAR, LAA est aussi l’entité juridique qui possède toutes les licences et autorisations, l’Aircraft Operator Certificate, au même titre que des sociétés de transport de biens ou de personnes comme les voisins sur le tarmac du Findel, Luxair ou Cargolux.

Une entreprise à faire survivre

La société commerciale permet aussi les opérations de TVA et sert donc de plate-forme pour les prestations facturées par l’Air Rescue, aux compagnies d’assurances internationales avec lesquelles elle travaille pour les opérations de rapatriement sanitaire, aux opérateurs de transport d’organes ou à la police luxembourgeoise, qui a un héli­coptère à sa disposition… « Ces opérations-là nous font vivre, dans une logique de rendement à l’échelle, un business case appliqué aussi, par exemple, par l’ACL (Automobile Club, ndlr.) ou la Croix-Rouge. Le but, non lucratif, de l’association est plus que jamais d’apporter un service et, plus que tout, de sauver des vies. »

Luxembourg Air Rescue a appris à fonctionner avec cette ambivalence, entre objet social et indispensables moyens pour le financer, qui échappe encore à certains citoyens. « Parfois, on me demande pourquoi faire payer des cartes de membre. C’est simple : sans nos 185.000 membres, on ne vivrait pas. » Organisme d’intérêt public – « qui fait le travail qu’un service public devrait pouvoir assumer pour la sécurité et la santé de tous » ajoute René Closter –, LAR reçoit une dotation annuelle de 500.000 euros (non indexée depuis plusieurs années), ce qui représente environ 2,5 % de son budget.

Par contre, les frais sont colossaux. L’ « entreprise » emploie 140 personnes, du personnel hautement qualifié (des pilotes, des ingénieurs, des mécaniciens-techniciens spécialisés, des médecins urgentistes…) en plus d’être motivé par la cause humanitaire. Si tous les bâtiments actuels sont loués à LuxAirport, ce n’est pas ce qui grève les frais de fonctionnement, liés essentiellement aux appareils. Un hélicoptère, c’est 5 à 6 millions d’euros à l’achat, environ 1,8 million de coûts d’entretien par an – LAR en a trois prêts à intervenir en permanence, deux autres en réserve. Un simple oiseau aspiré dans une turbine peut occasionner plusieurs centaines de milliers d’euros de dégâts pour un avion…

Et puis une flotte aéroportée vieillit. « Plus il a d’heures de vol, plus le matériel devient coûteux en entretien. Et plus les années passent, moins l’on parvient à trouver les pièces de rechange adéquates », souligne le président Closter, dont le rôle, aime-t-il rappeler, « est de faire survivre l’entreprise ». Un renouvellement des avions s’imposait à LAR, qui n’avait pas changé sa flotte depuis une vingtaine d’années. Seul le petit Mustang, utilisé pour les transports d’organes, poursuivra son vol sous les couleurs luxembourgeoises. Les trois anciens LearJet iront sous d’autres cieux. « On les revend en occasion. Un vient de partir pour les États-Unis », avoue René Closter.

Désormais, Luxembourg Air Rescue dispose sans doute des avions sanitaires les plus modernes au monde. Deux LearJet 45 XR sont là. Le troisième arrivera dans un an. « On a pris en compte les derniers développements technologiques dans l’aviation. En amont, un groupe interne d’experts – ingénieurs, techniciens, médecins, financiers – a été chargé de trouver le jet idéal, répondant aux exigences d’un avion sanitaire high-tech pour les prochaines 10 à 12 années au moins. » Entre autres atouts, ces avions ont davantage d’autonomie, consomment moins et présentent une modularité entièrement dédiée aux patients et aux équipes médicalisées. Ce qui était un modèle VIP, une fois spécialement customisé pour un opérateur sanitaire, permet par exemple d’embarquer deux civières pour des patients ventilés et médicalisés, bien séparés par des rideaux, ainsi que quatre passagers assis. « Cela autorise à rapatrier, avec un patient, des membres de sa famille par exemple, ce qui n’était pas possible avec les anciens modèles. »

Mais, à cet investissement qui en fait prendre pour 20 ans à l’asbl, s’ajoutent depuis des années d’autres soucis matériels. Le camp de base du Findel a des allures d’aérodrome de campagne. « Le personnel se trouve dans des conteneurs. Et, surtout, le matériel n’a que peu d’abri, un grand hangar et une structure légère, détaille René Closter. La qualité des opérations s’en ressent, avec tout le risque sanitaire que cela peut engendrer, quand chaque seconde compte dans une ‘golden hour’. Dès qu’il fait froid ou humide, on doit rentrer le matériel de soins et les médicaments dans un conteneur chauffé. En période de gel, on a vu des situations stressantes entravant un décollage, parce que les appareils ne dorment pas à l’abri. Il a parfois fallu débarquer des patients dans la neige, faute d’avoir de la place pour l’avion dans le hangar. L’urgence a besoin, non pas de confort, mais d’espace vital ! »

Une vraie base après 25 ans

LAR négocie depuis plusieurs années avec les autorités de l’aéroport et les ministères compétents. Il y a quelques semaines, René Closter, profitant de la réception officielle des deux premiers nouveaux avions, avait lâché une sorte d’ultimatum : obtenir un feu vert rapide pour développer les installations au Findel ou délocaliser une partie des activités. Le plan B était redoutablement simple : partager les nouvelles infrastructures, à Baden-Baden, du pendant allemand de LAR, la Deutsche Rettungsflugwacht, dont René Closter est également vice-président.

Sur un plan purement économique, cela tenait bien le cap : réaliser des économies d’échelle en collaborant avec un des plus gros porteurs européens, asseoir une bonne base opérationnelle pour les avions côté allemand tout en maintenant les hélicos côté luxembourgeois… Mais 65 postes auraient aussi été délocalisés. « Notre priorité était de rester au Luxembourg, admet René Closter, qui se défend de tout chantage. Ce n’était pas un bras de fer, mais un cri de détresse. »

Le ministre en charge des Infrastructures, Claude Wiseler, a bien capté le message. Et confirmé, dès une réunion importante fin novembre, que LAR aurait les coudées franches au Findel. D’anciens hangars de Luxair et Cargolux, à deux pas du site actuel de LAR, doivent être démontés, le terrain assaini, par luxAirport. Tout doit suivre la procédure : les autorisations, les soumissions, les choix d’entreprises (notamment pour effectuer des carottages permettant de mesurer la pollution probable du sol par les hydrocarbures). « La deuxième phase nous incombera, ajoute René Closter. On bâtira sur le terrain préparé. Nous avons les plans, pour trois hangars, un réservé aux opérations avec entrée et sortie d’appareils à couvert, un pour la maintenance, un de réserve, plus des bâtiments administratifs corrects.  On gagnera évidemment en efficacité, y compris en rapatriant nos bureaux, actuellement à Cessange, vers le Findel, au cœur de l’activité. »

Le financement, là aussi, se fera sur 20 ans. Et l’objectif du pilote Closter, suivant un plan de vol précis, est clair : « Le 18 avril 2013, LAR aura 25 ans. Fêter ça par une vraie inauguration de notre vraie base, ce serait bien. »

 

Missions - Mille vies

« Nous faisons ce que nous pouvons et pouvons ce que nous faisons. » C’est une devise au LAR. Et le slogan « Our people make the difference » est répété à l’envi par René Closter : « C’est ça le capital, un capital humain ! Nous menons un combat permanent dans lequel il n’y a pas de temps à perdre. » Depuis 23 ans, LAR effectue, 24 heures sur 24, des missions de sauvetage aérien, du rapatriement sanitaire, des missions humanitaires… Seule organisation au monde exploitant des héli­coptères et des avions sanitaires ayant reçu pour toutes les activités le label de qualité ISO 9001:2008, LAR a déjà mené à bien plus de 20.000 missions aériennes. « Si on considère – et c’est très peu en réalité – que 5 % des missions sont absolument vitales, qu’elles permettent de sauver une vie, cela fait mille personnes que l’on a pu sauver. En cette période de fêtes surtout, on reçoit des lettres de gens qui nous remercient, parce qu’ils sont là, vivants, grâce à nous. C’est ça qui compte. C’est notre but et cela donne du sens à notre travail. »