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La faillite du géant de l'agroalimentaire a conduit le Luxembourg à mener une enquête pour blanchiment.  Avec ses moyens limités?

Alors qu'il réfléchit activement à la promotion internationale de son image (lira aussi page 24), le Luxembourg se serait bien passé de ce nouveau coup de projecteur apporté par l'affaire Parmalat. Où resurgit la question de la facilité plus ou moins grande d'établir, à Luxembourg, des sociétés écran et, a contrario, de la difficulté pour la justice de travailler dans de bonnes conditions.

Depuis le 11 novembre 2003, jour où des commissaires aux comptes ont émis des doutes sur un investissement de 500 millions d'euros effectué par Parmalat sur un fonds baptisé Epicurum, basé aux Iles Caïmans, les événements se sont enchaînés: chute de l'action, arrestations, perquisitions, Et le Luxembourg n'est pas épargné. Le 31 décembre, une information judiciaire a été ouverte par la justice luxembourgeoise pour blanchiment.

"C'est une infraction de conséquence et nous devons au préalable disposer des informations sur l'infraction primaire constatée en Italie. Il y a, a priori, une action délictueuse en Italie, avec des détournements de fonds systématiques et apparemment, une partie de ces fonds a été transférée au Luxembourg. A nous de reconstituer ce qui s'est réellement passé", nous explique le procureur d'Etat adjoint, Jean-Paul Frising. Une série de perquisitions a, du reste, été opérée dans une dizaine d'institutions financières de la place. Les autorités italiennes ont également introduit, fin janvier, une demande d'entraide judiciaire. "Le cas échéant, une commission rogatoire émanant des autorités luxembourgeoises pourra être établie afin que des enquêteurs d'ici aillent là-bas", précise M. Frising.

"On risque de s"embourber"

Le dirigeant-fondateur de Parmalat, Calisto Tanzi, arrêté le 27 décembre dernier, et son directeur financier, Fausto Tonna, avaient créé six sociétés écrans au Luxembourg. Dans un article paru le 24 janvier dernier, le quotidien français Le Monde a remonté la filière. Au coeur de la tourmente, on trouve la société Satalux, immatriculée rue Sainte-Zithe, (à la même adresse que le département de domiciliation de sociétés de la compagnie Mercuria, filiale du plus gros cabinet d'avocats luxembourgeois, Arendt & Medernach) et qui aurait détourné les 500 millions d'euros détenus par le fond Epicurum. Du reste, certaines sources d'information ont fait part, à un moment, de l'inculpation de trois avocats de ce cabinet, dont Paul Mousel, l'un des principaux associés, en personne. Ce qui nous a été formellement démenti par le procureur d'Etat adjoint qui affirme "qu'il n'y a eu, à ce stade encore peu avancé de l'enquête, aucune inculpation'.

L'affaire ne s"arrête pas là pour le Grand-Duché. Dans le chef de Mercuria, on trouve encore Third Millenium - dont l'actionnaire de référence est... Epicurum - une société dissoute en juillet 2003, qu a publié un bilan de liquidation sans convoquer d'assemblée générale extraordinaire. Dans la galaxie Parmalat, on trouve encore Parmalat Soparfi, Food Reinsurance (une compagnie de réassurance sous contrôle du Commissariat aux Assurances) et Newport, trois structures constituées via Gecalux, des acteurs majeurs de la place de Luxembourg en matière de captives de réassurances, détenu à parts égales par la KBL et Le Foyer.

Enfin, le cabinet d'audit KPMG Luxembourg, via sa filiale KPMG Financial Engineering, est également montré du doigt, avec l'immatriculation d'Olex, une société dont les comptes sociaux n'ont pas été publiés depuis 1999, mais qui a été vendue début 2003. Et voilà le parquet luxembourgeois aux prises avec une nouvelle grosse affaire et une capacité de traitement toujours aussi limitée... "On est toujours demandeurs de plus de moyens. Des affaires compliquées comme celles-là nous posent forcément des problèmes. Car il faut aussi traiter les dossiers en cours! Il est clair que si trop de demandes affluent, on risque de s'embourber", avoue M. Frising. "Il est évident que cette affaire là est parmi les prioritaires. Mais, vu qu'il n'y a pas encore d'inculpation et encore moins de personnes détenues, elle n'est pas encore traitée en priorité absolue". Et de prévenir que des inculpations ne pourront être envisagées que lorsque les travaux de "déblayage" résultant des actes d'instruction auront été terminés.