Le timing de la communication était parfaitement huilé. Alors que le ministre des Finances Pierre Gramegna venait de s’entretenir avec les députés de la Commission parlementaire des Finances et du budget ainsi que la presse qui l’attendait à la sortie, les communiqués de la banque et du gouvernement tombaient dans les rédactions.
Les messages convergeaient pour officialiser une rumeur persistante: la vente des actions du qatari Precision Capital au chinois Legend Holdings. La société d’investissements cotée à la bourse de Hong Kong a donc signé un accord avec la holding luxembourgeoise Precision Capital pour l’acquisition des 89,936% des parts de la Bil. L’État luxembourgeois conservera ses actions à hauteur de 9,993%.
La transaction reste soumise à l’accord de la Banque centrale européenne et de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Sa finalisation est attendue pour le premier trimestre 2018.
Nous n’avons jamais mis la banque en vente
Georges Nasra, CEO de Precision Capital
«Nous n’avons jamais mis la banque en vente», a déclaré, Georges Nasra, le CEO de Precision Capital. «Nous avons été approchés par de nombreux investisseurs. La banque est rentable. En octobre 2016, Legend holdings nous a approchés. Nous avons commencé alors les discussions.»
La transaction s’élève à 1,5 milliard d’euros, correspondant à 90% du capital, pour une valeur totale de la banque estimée à 1,65 milliard d’euros.
Un signe de stabilité pour le gouvernement
Le ministre des Finances voit dans le maintien de l’État en tant qu’actionnaire une décision «très importante» pour la banque et le pays, ce qui «conforte naturellement la stabilité de la banque et de la place financière».
Pierre Gramegna a aussi partagé les garanties apportées par le nouvel actionnaire, dont l’absence de plan social dans les trois ans. Le nouvel actionnaire s’engage dans le communiqué de presse à «soutenir l’emploi et proposer des opportunités de carrières internationales.»
L’État dispose via l’accord signé de la possibilité de vendre ses parts dans les trois ans au prix actuel, à savoir 160 millions.
Luc Frieden «impressionné»
«Ce qui compte n’est pas la nationalité de l’actionnaire, mais qu’il croit dans le développement de la Bil, a indiqué le président du conseil d’administration de la banque, Luc Frieden, durant une conférence de presse organisée à 15h30 au siège. La Bil continuera avec la même stratégie commerciale que par le passé, avec une priorité sur le Luxembourg et la Grande Région.»
Luc Frieden s’est rendu en Chine il y a quelques semaines pour rencontrer les dirigeants de Legend Holdings tout comme le fondateur et a été «impressionné par l’ambition et le professionnalisme de ce groupe, actif dans plusieurs secteurs», avec un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et 70.000 salariés, avec investissements stratégiques en matière financière.
«J’ai passé 17 ans de ma vie en Asie, je suis à l’aise dans un environnement asiatique, a déclaré le CEO de la Bil, Hugues Delcourt. Même sans changement stratégique à attendre de ce nouvel actionnariat, il nous apporte de nouvelles opportunités et une capacité renouvelée dans l’investissement, en Europe et plus loin. J’ai hâte de travailler sur des pistes de développement additionnelles, sans oublier le cœur de l’activité développée ici au Luxembourg.»
Hugues Delcourt est confirmé à son poste de CEO et Luc Frieden demeure président du conseil d’administration.
Cinq bonnes raisons
«Pour Legend Holdings, l’acquisition d’une participation de 89,936% dans la Bil représente un investissement stratégique sur le long terme, indique le communiqué de presse. Le groupe est déterminé à fournir l’appui financier et opérationnel nécessaire pour préserver et développer la marque Bil sur le marché domestique et à l’international. Cet appui permettra à la Bil de renforcer son offre à la clientèle et à son management actuel de continuer la mise en œuvre de sa stratégie visant une croissance durable.»
«La Bil est un investissement stratégique majeur pour cinq raisons: un grand potentiel de croissance et une stabilité de son modèle économique; une longue histoire et des racines profondes au Luxembourg; un business mix très diversifié et une bonne stratégie à long terme; une banque bien capitalisée avec une gouvernance forte et une bonne gestion des risques et enfin un management enthousiaste et une équipe professionnelle», a déclaré Peng Li, senior VP de Legend Holdings.
Fin d’une période
Tant l’actionnaire cédant que le nouveau propriétaire de la plus ancienne banque universelle luxembourgeoise – fondée en 1856 – se félicitent de sa santé financière.
En 2012, l’achat par l’actionnaire qatari était effectué en plein contexte de dissolution du groupe Dexia.
«Les services financiers constituent l’un des principaux secteurs ciblés par Legend Holdings, déclare Liu Chuanzhi, fondateur et président de Legend Holdings. Les actifs, le potentiel de croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices ainsi que la stabilité de l’activité de la Bil sont autant d’éléments qui répondent aux critères de Legend, dont la stratégie repose sur des actifs piliers (‘pillar assets’).»
Pas de changement pour KBL epb
Et George Nasra, CEO de Precision Capital, de mentionner que la participation de Precision Capital dans KBL European Private Bankers (KBL epb), à hauteur de 99,9%, ne serait pas affectée par l’opération autour de la Bil: «Nous restons engagés à soutenir la stabilité et la croissance sur le long terme de KBL epb».