Le marché dispose d'un fort potentiel de développement et le leasing opérationnel l'emporte largement. Mais il ne suffit plus du tout de seulement louer des voitures.
Le leasing automobile est un véritable outil au sein des entreprises et à leur service. Il est en effet l'un des instruments qui permettent aux entreprises de se concentrer sur leur core business, sans souci de gestion de flotte. Mais il s'inscrit également au centre de la gestion des ressources humaines, puisque disposer d'une voiture de société constitue un attrait et un avantage non négligeables.
Le secteur du leasing a connu ces dernières années diverses restructurations et fusions. Il commence aujourd'hui à tendre vers la maturité - même s'il compte encore 14 acteurs au Luxembourg - tandis que le leasing opérationnel complet, sans option d'achat et souvent avec la carte carburant, a logiquement la faveur des entreprises.
Quelques-uns des "majors" - tous multi-marques - du Luxembourg voient en tout cas l'avenir avec une certaine sérénité, après des années difficiles. Avec, toutefois, quelques nuances.
Croissance retrouvée, mais rentabilité serrée
Chez Athlon, le directeur général, Jean Kerschen, par ailleurs vice-président de la Fédération luxembourgeoise des loueurs de véhicules (FLLV), indique ainsi d'abord que cette dernière s'estime satisfaite du marché en 2004. "Nous sommes revenus à des indicateurs en hausse, après des années 2002 et 2003 qui ont été difficiles, voire très difficiles, pour l'ensemble du secteur, avec une croissance quasi nulle. La croissance n'est cependant pas la même pour tous. Sur base des données précises disponibles au 30 juin, cinq leasers, dont Athlon, ont connu une hausse plus importante que celle du marché, en grimpant jusqu'à 9 ou 10%, les autres se situant entre 2 et 6%. Quelques-uns ont cependant connu une croissance négative parce que les clients sont de plus en plus exigeants sur la qualité de service et le reporting, ce qui constitue une tendance lourde du marché. Nous estimons que les chiffres 2004 devraient amener à une croissance moyenne oscillant autour de 5%. Quant à Athlon, la croissance du parc de véhicules aura été de 15%".
Reste que, selon M. Kerschen, la reprise est à nuancer. L'année a en effet été marquée par quelques appels d'offres qui ont à eux seuls représenté 10% du marché et qui étaient, en outre, lancés par des sociétés qui n'avaient pas encore de véhicules en leasing.
"Oui, le marché a été influencé par ces appels d'offres et de plus en plus de sociétés du para-public plébiscitent du leasing opérationnel et le fleet management", ajoute le managing director de LeasePlan, Bob Walté. "Et il faut bien prendre en compte que la 'company car' permet de contrecarrer l'évolution des salaires et stimule le personnel'.
Country manager de ALD Automotive, Dominique Roger affiche aussi sa satisfaction pour 2004. "Nous aurons atteint une croissance de 20,7%, et deux autres leasers auront aussi une poussée à deux chiffres. En volume, c'est plus qu'une récupération par rapport à 2003. Mais c'est beaucoup plus serré sur la rentabilité car tous les clients, partout, ont revu leur approche de gestion des coûts. En s'attachant quasi exclusivement au prix des loyers, alors que d'autres points permettraient d'obtenir de meilleurs résultats".
Chez GE Commercial Finance, Fleet Services (ex-Avis Fleet Services), Jean-Paul Biordi, sales manager, constate lui aussi que 2004 a été meilleure mais que, dans son entreprise, "on a simplement stabilisé le volume des ventes, suite à la restructuration, au changement de nom et au 'rebranding' européen'. Et de prévenir: "Nous nous préparons pour une bonne année 2005. Avec 50 à 60% des sociétés, ici, toujours à l'achat plutôt qu'au leasing, il reste un gros potentiel à attaquer".
En ce qui concerne la demande, Jean Kerschen souligne que "la principale demande des clients est de disposer d'un partenaire solide, avec une réelle relation de confiance, un système de reporting tout à fait performant, une qualité de service au top et une transparence parfaite". Ainsi, tous ces aspects priment sur le prix, qui n'est plus du tout le seul élément pris en considération. Et si le leasing opérationnel est celui qui occupe l'écrasante majorité du marché, c'est parce que les clients veulent un prix qui reprend tout, sans surprise ni risque, aussi bien en valeur résiduelle que du point de vue technique.
"Diriger le client vers le bon choix"
"Tout cela se fait dans un contexte concurrentiel fort mais où la correction est de mise, ajoute M. Kerschen. Personne ne cherche à 'cannibaliser'; nous travaillons en fait tous à l'élargissement du marché, qui garde un fort potentiel. On est pour l'instant à environ 16.000 voitures pour un marché global potentiel estimé à 45.000. L'écart se creuse néanmoins entre les quelques grands du secteur et les plus petits".
"Si on arrivait déjà à 30.000, ce serait pas mal, car cela correspondrait à une maturité du leasing opérationnel comparable à celle des pays les plus avancés en la matière", nuance Dominique Roger. L'offre est d'autant plus concurrentielle que les produits, chez les principaux leasers, sont à peu de choses près les mêmes et que le niveau de qualité est partout très élevé, entre autres par le total fleet management qui permet aux entreprises de confier aux loueurs, en tout ou partie, la gestion de leur flotte.
Sans oublier les services Internet des principaux leasers, où les clients peuvent non seulement demander une offre, mais aussi suivre leur flotte au jour le jour, demander des modifications en fonction du "vécu" de chaque véhicule, etc. "Athlon ne développe pour l'instant pas de nouveaux produits, mais nous réfléchissons aux alternatives au leasing opérationnel. Nos systèmes informatiques apportent une forte plus value à nos clients et nous avons bien sûr une démarche commerciale proactive, dans le cadre d'une palette complète de services, accessible ici au Luxembourg", explique M. Kerschen
"Ceux qui croient distiller des services hors Luxembourg n'ont pas de chance de survie ici à moyen terme", ajoute Bob Walté. "Le savoir-faire local est très important, même si le marché est exigu, car c'est un tout: la gestion de la flotte, la proximité du client, le conseil, la revente, etc. D'autant que, vu la taille réduite du marché, beaucoup de clients n'ont pas de fleet manager. Notre rôle, pour une grosse flotte, est dès lors d'en former un qui sera dédié au contact avec les fournisseurs. Ou alors, il y a outsourcing total, ce qui est une tendance qui peut faire école ici".
On en revient ainsi à une qualité de service qui, d'ailleurs, requiert la certification ISO 9001, de plus en plus demandée dans les appels d'offres. "A ce niveau, Lease Plan a lancé en janvier un process management qui sera traduit dans notre assurance qualité et dans tous les services, avec une automatisation poussée à l'extrême et une flexibilité totale, pour, entre autres, un reporting instantané".
Jean-Paul Biordi, quant à lui, considère qu'il y aura toujours deux types de demandes: "Les clients qui cherchent un prix avec le minimum de prestations et ceux qui sont moins exigeants sur le prix mais qui exigent la qualité. Notre rôle de loueur, c'est de convertir le client, de lui prouver qu'on peut lui apporter autre chose qu'un prix".
Le tout dans "une concurrence saine, qui n'est pas plus ou moins féroce ici qu'ailleurs. Ce qui distingue le fournisseur, c'est la proximité et le savoir-faire, la qualité d'une équipe en relation privilégiée avec le client, pour s'adapter à ses besoins. C'est dans cet esprit que nous allons développer trois nouveaux produits. Le premier permettra au client de pouvoir à tout moment calculer ce que lui coûtera sa location sur la durée de son contrat, avec pas moins de 91 loyers calculés d'avance selon les évolutions de sa flotte. Ce produit %u2018Flex Key' propose une transparence unique et une flexibilité totale au sein des 91 solutions . Le second produit %u2018Key Solutions' sera la consultance stratégique, où un de nos spécialistes identifiera ce qui peut générer des économies dans la flotte du client. Et le dernier %u2018Online Key' permettant à nos clients d'établir une offre et de commander on line tout en ayant accès en temps réel à toutes les informations relatives à son parc".
Pour Bob Walté, "un autre point déterminant est la gouvernance et la consultance du leaser. Il ne s'agit pas seulement de gérer les flottes de manière réactive, mais de diriger les clients vers le bon choix en mettant en valeur les facteurs écologiques qui visent au développement durable. Nous devons être responsables socialement et éthiquement. Là, une maturité s'installe qui nous aide à réfléchir sur quels types de véhicules proposer, sur les politiques des entreprises, etc. Les clients, au-delà surtout de 50 voitures, veulent avoir affaire à des professionnels proactifs qui bâtissent pour eux des politiques internes de voitures par compétences, paliers de revenus, destinataires, etc. Surtout qu'ici on touche aussi à l'enveloppe salariale du conducteur et qu'il faut donc faire du sur-mesure".
Car, chacun en convient, la différence se fera sur la valeur ajoutée, les nouveaux produits, la compétence du personnel, etc. "Ce qui fait la différence c'est la notoriété du loueur et l'expérience du client avec lui, mais aussi sa correction, sa constance", ajoute Dominique Roger. "Avoir affaire aux mêmes dirigeants et aux mêmes interlocuteurs permet de vrais engagements". Il y a unanimité, aussi, pour estimer que c'est l'échelle qui va jouer. Les loueurs à moins de 1.000 voitures auront de plus en plus de mal car ils n'ont pas la taille critique pour résister.
Il n'y a guère de place pour 14 acteurs, comme aujourd'hui, sur le marché grand-ducal. Les premiers à souffrir seront sans aucun doute les loueurs captifs d'une marque. A preuve, la tendance nette montre un écart fort entre les - très peu nombreux - plus grands et les autres. "La notion de risk management prend aussi de l'ampleur parmi les sociétés présentes localement", ajoute Bob Walté. "Ceux qui survivront seront ceux qui ont, outre l'offre la plus qualitative, un risk management efficace et un contrôle permanent, surtout que les clients apprécient de s'identifier à des fournisseurs financièrement forts. On entre dans une nouvelle ère, entre autres par la consultance pour l'élaboration d'une politique d'attribution et le bench marking sectoriel." Jean-Paul Biordi abonde dans ce sens, mais en considérant aussi que "c'est notre travail de tous les jours de bien calculer; le risk management est le nerf de la guerre, avant même d'aligner un bon prix".
Mais l'offre est-elle extensible? Là, Bob Walté avance une perspective: "Il y aura peut-être un jour le prix de revient au km; d'ici 10 ans, cela pourrait même être la seule composante pour la motivation d'achat chez les clients. L'étude qualitative que nous venons de mener le prouve. Elle ouvre même la notion de véhicule saisonnier. Et les systèmes informatiques vont encore beaucoup progresser, pour devenir un réel trait d'union entre les leasers et les sociétés qui n'ont pas de fleet manager. Le leasing aux personnes privées est lui aussi promis à un bel avenir".
Dominique Roger se montre "assez timide" sur cette vision de l'avenir. Et se borne à souligner que "notre produit Opti-Lease nous a fait fort évoluer parce qu'il propose à nos clients une grille de solutions et de prix en fonction du vécu réel de chaque voiture. L'innovation devient difficile, mais il faudrait un peu plus se forcer pour la mettre au pouvoir".
Investissement moyen en baisse
La crise économique a-t-elle eu un impact sur la quantité et les modèles de véhicules? Jean Kerschen indique que l'une des spécificités d'Athlon est de se situer plutôt dans le haut de gamme, la voiture de fonction, avec un investissement moyen "qui est le plus élevé du marché, à 24.000 euros hors taxes. Nous avons ainsi été plus touchés par les restructurations qui, les années dernières, ont notamment marqué la vie des banques".
Pour Bob Walté, il y a une nette tendance au statu quo quant au type de véhicule loué. "Alors que, jusqu'il y a 5 à 6 ans, la hausse annuelle des investissements était substantielle. Cette année, on ira encore à la baisse à cause du contrôle des frais extra-salariaux. Sauf pour les cadres bancaires, mais cela suivra aussi, suite à la réduction de la masse salariale. Il est vrai que l'investissement moyen de 24.000 euros HTVA était énorme. Si le 'commodity product' se développe, beaucoup de sociétés vont l'étendre à leur personnel plus sédentaire, et l'investissement moyen va chuter. Il est clair qu'il va y avoir un 'shift' du segment moyen supérieur vers le segment moyen'
Jean-Paul Biordi rejoint Bob Walté sur la baisse de l'investissement. "Il y a quelques années, les entreprises regardaient moins au prix. Depuis deux ans, elles sont beaucoup plus près de leurs coûts et elles ont revu à la baisse le niveau des véhicules attribués. D'où la régression du montant de l'investissement moyen. Nous l'avons fort senti mais, comme nous travaillons en volume, ceci n'a pas eu d'impact sur nos relations avec nos propres fournisseurs".
Jean Kerschen remarque encore que rares sont les clients qui n'ont qu'un seul fournisseur: "Certains diront que, pour une concurrence saine, il vaut mieux en avoir 2 ou 3; les avantages sont plus grands que les inconvénients si la flotte est relativement peu importantes et son suivi assez facile en interne chez le client".
"La part de décision liée au qualitatif, aujourd'hui de 25% face aux 75% de choix sur base des coûts, va aller en augmentant, surtout pour les appels d'offres de grandes flottes, ajoute Bob Walté. Dans ce contexte, si le client a plus d'un fournisseur, il devra impérativement avoir un fleet manager très compétent dans ce domaine difficile".
Jean-Paul Biordi, pour sa part estime qu'avoir plusieurs fournisseurs est une réaction naturelle mais pas toujours réaliste, en particulier pour les flottes inférieures à 100 voitures. Parce qu'avoir plusieurs fournisseurs implique plusieurs facturations et des modes opérationnels différents. Un point de vue assez partagé par Dominique Roger: "Il est vrai que le fait d'avoir plusieurs fournisseurs est fréquent. Mais cela ne relève que de la fausse impression d'économie chez les acteurs d'aujourd'hui, qui se focalisent sur le montant des loyers. Mais il faut alors un gestionnaire de flotte, le travail en interne est bien plus lourd et il n'y a plus ce levier face au fournisseur unique. Il y a aussi un diktat de l'utilisateur, qui veut le plus gros véhicule possible pour le budget fixé. A Luxembourg, le conducteur a un poids décisionnel très fort. C'est même souvent lui qui négocie et une série de paramètres pourtant très importants ne sont donc pas pris en considération. Et n'oubliez pas que, au final, le loueur doit vivre".