Les craintes citoyennes se sont exprimées sur la place publique au Luxembourg aussi. (Photo: Sven Becker / Archives)

Les craintes citoyennes se sont exprimées sur la place publique au Luxembourg aussi. (Photo: Sven Becker / Archives)

La pression monte sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, plus connu sous l’acronyme anglo-saxon de TTIP ou encore Tafta. En négociation depuis bientôt trois ans (juillet 2013) entre les États-Unis et l’Union européenne, il doit créer la plus importante zone de libre-échange au monde (près de la moitié du PIB mondial) par la suppression des droits de douane entre les partenaires et l’harmonisation progressive des réglementations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique. Si les négociations ont été menées dans une relative indifférence jusqu’ici, le caractère «secret» des tractations entre les deux plus grands pôles commerciaux de la planète commence à irriter la société civile.

Pour tenter de rompre ce silence, l’antenne néerlandaise de l’ONG environnementale Greenpeace a publié au début du mois de mai un document de 250 pages reprenant des éléments des négociations qui montreraient une menace sur les règles en vigueur en Europe aux niveaux agroalimentaire et environnemental.

Faut-il avoir peur du TTIP? Le débat est cette fois largement ouvert entre partisans et opposants. «Je ne prétends pas que tout est bon dans cet accord, on ne sait d’ailleurs pas tout, mais je vois dans la création de cette vaste zone de libre-échange une grande opportunité, notamment pour les PME européennes, qui pourront plus facilement pénétrer le marché américain», avance Marc Wagener, directeur des affaires économiques de la Chambre de commerce du Luxembourg.

Principe de précaution

Selon lui, l’accord en discussion n’est pas plus mystérieux que ceux que l’UE a signés avec d’autres pays. «Mais il s’agit des États-Unis… Il y a un côté émotionnel à ce débat où on fait remonter des sujets comme le bœuf aux hormones et les cultures OGM.» Il dit «comprendre les appréhensions», mais pointe surtout les avantages qui permettraient de faire croître le PIB européen de 0,5%. «Et en tant qu’économie ouverte, le Luxembourg serait un des principaux bénéficiaires», insiste M. Wagener, qui envisage une croissance de PIB de 0,7% grâce à ce TTIP.

Délégué aux affaires européennes pour l’Union luxembourgeoise des consommateurs, Bob Schmitz craint de son côté la négociation du volet réglementaire qui risque d’amener les Européens à faire des concessions sur la sécurité alimentaire ou environnementale. «Dans ces matières, les principes de base sont totalement différents entre les États-Unis et l’Europe. Il ne faudrait donc pas que le ‘principe de précaution’ bien établi chez nous soit mis en balance pour obtenir, par exemple, le droit pour nos entreprises de participer à des appels d’offres internationaux.»

Fondamentalement, il s’interroge aussi sur l’intérêt d’élargir encore l’offre de produits en faisant sauter une fois pour toutes les barrières commerciales entre les deux entités. «Les pays européens commencent à mettre en place des règles prônant l’économie circulaire, qui doit permettre de limiter les déchets mais aussi de jouer sur la proximité et les circuits courts, tandis que le TTIP va à l’inverse, en faisant valoir plus de concurrence et plus de variétés de produits.»

Des standards mondiaux

Pour Marc Wagener, le premier intérêt du traité ne serait pas la suppression des barrières tarifaires – «les droits de douane ont déjà beaucoup diminué» – mais la reconnaissance mutuelle de standards qui permettrait de réduire les coûts de conformité plutôt que d’en créer de supplémentaires. «Les deux camps ont beaucoup à gagner à fixer ensemble les règles du jeu du commerce mondial», insiste-t-il. «S’ils n’y parviennent pas, elles seront fixées ailleurs. Et si les deux plus grandes économies mondiales parviennent à s’accorder sur des normes communes, il devient plausible que les autres pays du monde finissent par se greffer dessus.»

Alors? Passera, passera pas? «Il y a actuellement une fenêtre d’opportunités», observe le responsable de la Chambre de commerce. «Mais elle risque de se refermer avec le successeur d’Obama.» Au niveau européen, l’accord devra aussi être voté par les 28 parlements nationaux, ce qui n’est pas gagné d’avance. «Pourquoi ne pas commencer par le Ceta, l’accord de libre-échange négocié entre l’UE et le Canada, et voir les effets qu’il provoque, avant d’aller plus loin?», interroge Bob Schmitz. Mais en voisin nord-américain des États-Unis, le Canada risque l’amalgame et n’est pas plus sûr de voir le Ceta arriver à bon port.