Pas de gros orage annoncé sur le secteur bancaire, mais des averses réglementaires en vue. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Pas de gros orage annoncé sur le secteur bancaire, mais des averses réglementaires en vue. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Après le secteur de l’assurance en décembre dernier, Pierre Gramegna avait rendez-vous lundi avec le monde bancaire luxembourgeois lors du traditionnel PwC Banking Day. Une 13e édition de l’événement organisé à la Chambre de commerce et qui s’est effectivement ouverte avec le témoignage du ministre des Finances.

En droite ligne avec ses précédentes déclarations, particulièrement à l’égard du secteur financier, Pierre Gramegna a rappelé sa volonté de suivre les pas de son prédécesseur, Luc Frieden, cette fois présent en temps que spectateur. Un message pour rassurer le secteur quant à l’importance de la stabilité du pays ainsi qu’à son engagement à son égard en tant que ministre de tutelle.

Tout comme le directeur général de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), Jean Guill, amené à s’exprimer en clôture de séance, Pierre Gramegna a jugé l’année 2013 comme un «bon cru» pour les banques au vu du relatif maintien du niveau des avoirs gérés par les institutions.

Dans le même temps, le ministre des Finances s’est montré réaliste quant aux mouvements qui ont marqué la banque privée depuis l’annonce en avril 2013 du passage à l’échange automatique d’informations en janvier prochain. Selon les échos du secteur, les «petits porteurs» ont en effet été nombreux à régulariser leur situation, et donc à rapatrier leurs avoirs dans leur pays de résidence, tandis que de nouveaux entrants, plus riches mais moins nombreux, ont rejoint le Luxembourg.

Le Haut Comité en réunion le 6 mars

«Le secteur financier est le principal moteur de notre économie et le restera pour longtemps», a déclaré Pierre Gramegna. «De nombreux défis nous attendent, c’est pourquoi il faut poursuivre la diversification de notre économie et donc du secteur financier, continuer à innover et gérer l’émergence de régulations mondiales.»

Et le ministre de rappeler que le secteur financier devra veiller à maintenir sa compétitivité et donc à juguler ses coûts, notamment pour attirer les profils plus qualifiés nécessaires au développement de nouveaux services. Un sujet qui sera, comme l’innovation, abordé lors des réunions du Haut Comité de la place financière dont le gouvernement entend renforcer les actions.

«La prochaine réunion du Haut Comité se déroulera le 6 mars et comme prévu dans le programme gouvernemental nous avons choisi de formaliser un secrétariat permanent qui sera assuré par Isabelle Goubin», a ajouté Pierre Gramegna. «Nous allons aussi installer des groupes de travail dédié à des sujets spécifiques, et qui complèteront le travail des réunions plénières.»

Opération défense

États-Unis, Royaume-Uni, Russie, Italie… au rythme d’un voyage par mois, Pierre Gramegna veut jouer le rôle d’ambassadeur du pays et de sa Place. Et tant mieux si les rencontres avec ses homologues permettent d’échanger les bonnes pratiques. À l’instar de la Suisse qui s’est montrée intéressée la semaine dernière par le modèle de Luxembourg for Finance (LFF), l’agence de promotion du secteur financier, alors que le Luxembourg aimerait répliquer l’initiative helvète quant à son nation branding.

Et la table ronde organisée durant la conférence avec trois dirigeants de banques (Véronique de la Bachelerie, CEO de Société Générale Bank & Trust, Thomas Fehr, managing director de Commerzbank International et Luc Verbeken, CEO d’ING) et modérée par Nicolas Mackel, CEO de LFF, a révélé ce besoin de promotion du Luxembourg. S’il fallait encore s’en convaincre, le changement de paradigme du secteur bancaire s’accompagnera d’un nécessaire repositionnement de l’image de sa Place. Rien qu’au sein des groupes qui disposent de filiales ou succursales à Luxembourg.

«Luxembourg est un pays ennuyant pour certains», a déclaré Véronique de la Bachelerie, pour souligner le déficit d’image dont souffre le pays. Le groupe français a quant a lui choisi de centraliser différentes opérations liées à ses activités au Luxembourg.

«Luxembourg est en quelque sorte la Silicon Valley de la finance», a ajouté Véronique de la Bachelerie pour défendre le pays où elle exerce. «Les autorités sont accessibles et orientées vers les besoins des investisseurs, ce qui représente un avantage, particulièrement lorsque vous venez de France.»

Entre évolutions et révolution

S’il n’a pas énuméré la liste de ses prochaines missions économiques, Jean Guill n’en a pas moins impressionné l’audience lors de sa conclusion en passant en revue l’agenda de la Commission de surveillance du secteur financier qu’il dirige. Un agenda plutôt dense placé sous le signe des régulations communautaires et internationales dont la mise en place de l’Union bancaire et autres normes adoptées ou en voie d’adoption par l’OCDE.

«Nous avons plusieurs adaptations à effectuer dans notre législation nationale et toutes devront être effectuées cette année, j’espère que cela sera possible», a ajouté M. Guill.

Ces évolutions législatives interviennent alors que des progrès technologiques et des changements de consommation entraînent de profonds changements à l’échelle mondiale dont les effets ne sont pas encore clairement mesurables. Il en est ainsi du mobile banking.

«La révolution dans le monde du paiement est le mot exact pour caractériser l’ensemble de ces changements», a déclaré, Rupert Keeley, CEO PayPal Europe, invité du Banking Day. «Cette révolution est permise grâce à la technologie, mais c’est avant tout une révolution centrée sur les besoins du consommateur.»

Avec de sérieuses marges de progression dans de nouvelles niches bancaires, le Luxembourg devra évoluer rapidement et activer les bons curseurs pour entrer dans cette danse. Les infrastructures ICT louées par tous peuvent être un atout de taille. Le tout dans le cadre d’une supervision rigoureuse, car comme l’a rappelé Jean Guill, le superviseur est «ouvert pour de nouveaux développements, mais chaque activité financière à Luxembourg doit être déclarée et régulée».

La réputation reste clé

Entre besoins du marché et nécessité d’encadrement, tout se jouera peut-être sur le dialogue entre acteurs. Pourvu que celui-ci se déroule au sein de la sphère politique débouche sur des signaux clairs.

Car si le secteur semble rassuré par les intentions du ministre, il n’en reste pas moins vigilant à l’égard du gouvernement dans son ensemble quant à ses choix, dont un éventuel impôt sur la fortune, motivé par la recherche de nouveaux revenus. «La réputation reste importante, au final c’est le client qui décide», a conclut Jean Guill, sans allusion particulière. Nul doute que cette maxime habite bien des esprits au sein du secteur financier.