L’avocat Pierre Delandmeter conteste depuis sept ans la disgrâce prononcée par la CSSF dans le cadre de l’effondrement du système Madoff et de ses fonds luxembourgeois. (Photo: Maison moderne / archives)

L’avocat Pierre Delandmeter conteste depuis sept ans la disgrâce prononcée par la CSSF dans le cadre de l’effondrement du système Madoff et de ses fonds luxembourgeois. (Photo: Maison moderne / archives)

Les juges européens ont été saisis par la Cour administrative il y a tout juste un an. La plus haute instance administrative luxembourgeoise a sursis à statuer en attendant la réponse de la CJUE à deux questions préjudicielles concernant la portée du secret professionnel de la CSSF.

Retour en 2010, deux ans après l’effondrement du système Madoff. Le régulateur luxembourgeois met en cause l’honorabilité professionnelle de l’avocat Pierre Delandmeter, administrateur indépendant de la société de gestion Access Management Luxembourg et du fonds d’investissement Luxalpha, deux entités luxembourgeoises qui avaient servi à l’escroc américain Bernard Madoff pour récolter l’épargne de centaines d’investisseurs européens. UBS est alors dans le collimateur de la CSSF.

Me Pierre Delandmeter se voit enjoint de démissionner avec effet immédiat de tous ses mandats d’administrateur d’entités surveillées par la CSSF pour laquelle il n’est «plus digne de confiance». 

UBS fait barrage à la communication de pièces par la CSSF

L’avocat a fait appel de la décision administrative, dénonçant un «acharnement prudentiel» de la CSSF et se présentant comme le seul bouc émissaire de ce scandale financier, alors que les responsabilités pouvaient être cherchées ailleurs, notamment auprès des responsables de la banque dépositaire de Luxalpha, UBS, qui en était également le promoteur et le gérant via ses filiales, cumul de fonctions non autorisé par la réglementation sur la gestion collective. De plus, comme le relève le recours de l’avocat, UBS Luxembourg «était légalement habilitée à signer des contrats de courtage pour BMIS», la société financière de Bernard Madoff aux États-Unis.

Parallèlement à son recours contre cette décision administrative, l’avocat a dû se battre pour avoir accès à des correspondances entre la CSSF et la banque UBS. La Cour administrative a fini par lui donner raison dans un arrêt daté du 16 décembre 2014, dans lequel elle considère que «c’est à tort que la CSSF se prévaut du secret institué par l’article 16 de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création de la CSSF, étant donné que l’alinéa 3 dudit article prévoit expressément que l’obligation au secret ne joue pas à l’occasion d’un recours contre une décision prise dans l’accomplissement de la mission de la Commission».

La Cour administrative ordonne au régulateur de fournir les courriers requis, notamment ceux échangés avec UBS, et une copie de ses enquêtes dans le cadre du scandale Madoff. Mais la banque UBS lance une «tierce opposition» à cet arrêt, procédure exceptionnelle destinée à empêcher coûte que coûte Pierre Delandmeter d’accéder aux pièces et de pouvoir les exploiter, les rendant publiques.

Une affaire dans l’affaire

UBS s’appuie notamment sur la jurisprudence de la CJUE, en particulier sur son arrêt du 12 novembre 2014, dans une affaire opposant des investisseurs à l’Office fédéral de contrôle des services financiers allemands.

La Cour administrative a ainsi suspendu en juin 2016 sa décision à l’interprétation de la CJUE concernant l’équilibre entre protection du secret professionnel et respect du droit à un procès équitable. Les questions que les juges comme l’avocat général de la CJUE ne manqueront pas de poser jeudi lors des plaidoiries donneront une première idée de leur grille d’interprétation.

Il ne s’agit là que d’un volet de l’affaire Madoff au Luxembourg. Les investisseurs lésés attendent toujours l’indemnisation à laquelle ils devraient avoir accès via le trustee américain géré par Piquet, mais se heurtent à la prudence jugée excessive des liquidateurs luxembourgeois.