Il était question que Pierre Gramegna remplace Étienne Schneider au conseil compétitivité si le reporting public pays par pays était maintenu dans ce volet. (Photo: Sven Becker / Archives)

Il était question que Pierre Gramegna remplace Étienne Schneider au conseil compétitivité si le reporting public pays par pays était maintenu dans ce volet. (Photo: Sven Becker / Archives)

La Commission européenne avait jeté un pavé dans la mare en avril dernier lorsqu’elle avait proposé une directive qui oblige les multinationales établies dans l’UE et en dehors à publier un rapport annuel sur leurs bénéfices, les impôts payés et leurs revenus. Sont concernées les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros.

Le texte viendrait amender la directive sur la comptabilité – une astuce trouvée par le service juridique de la Commission pour faire passer cette mesure grâce à la majorité qualifiée. Elle aurait en effet peu de chances de passer si elle était présentée dans le volet fiscalité, une matière hautement sensible, qui requiert pour toute décision l’unanimité des États membres.

Luxembourg parmi les premiers pour le Beps

De fait, plusieurs États, dont le Luxembourg, ont déjà fait part de leurs réserves quant au reporting public pays par pays. «Il faut garder une vue d’ensemble des choses et notamment ne pas perdre de vue le level playing field», rappelle le ministère des Finances, joint par Paperjam.lu. «Si nous devions aller plus loin que les autres pays, il y aurait des risques pour la compétitivité de l’économie luxembourgeoise.»

Car la Commission dépasse déjà le cadre inspiré par l’OCDE et ses règles adoptées en novembre 2015 visant à réduire l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (Beps). Le Grand-Duché figure parmi les premiers pays à avoir adhéré au projet Beps, qui prévoit un reporting pays par pays pour les multinationales, permettant de donner aux administrations fiscales une vision complète de la façon dont elles structurent leurs activités. Un reporting non public, mais jugé efficace pour réduire les possibilités d’optimisation fiscale agressive.

Succès européen non garanti

Le Luxembourg estime donc que la publication des données de ce reporting n’apporte rien et constituerait même un risque pour les pays européens alors que le reste du monde n’applique pas les mêmes règles. Le même débat a eu lieu au printemps en France alors que la loi Sapin 2 prévoyait un reporting public, provoquant une levée de boucliers dans le milieu des entreprises. Le regard de la Place luxembourgeoise est tout aussi inquiet.

Le succès de cette mesure au niveau européen n’est pas assuré puisque le service juridique du Conseil a publié lundi un avis estimant que cette dernière relève non pas de la comptabilité, mais bien de la fiscalité. Une position que ne partage pas Sven Giegold, eurodéputé Vert au Parlement européen et membre des commissions taxe et taxe 2 instituées dans la foulée des LuxLeaks. «Il y a de bonnes raisons juridiques de juger qu’il s’agit ici d’une question de transparence et non seulement de fiscalité», a-t-il indiqué au Wort.

Les experts des États membres doivent se prononcer sur la base juridique de cette mesure. Une discussion qui promet d’être tendue puisque tous les États doivent être d’accord pour un changement éventuel de base juridique.