Si Déi Gréng et le LSAP plaident pour une abolition du régime des stock-options, le DP et le CSV souhaitent son maintien. (Illustration: Studio Maison Moderne)

Si Déi Gréng et le LSAP plaident pour une abolition du régime des stock-options, le DP et le CSV souhaitent son maintien. (Illustration: Studio Maison Moderne)

Sujet hautement sensible sur la Place, le régime des stock-options apparaît pourtant dans plusieurs programmes électoraux de ces élections législatives. Mis en place en 2002 sous le gouvernement Juncker-Polfer, par le ministre des Finances Jean-Claude Juncker, il permet à certains cadres dirigeants de percevoir jusqu’à la moitié de leur salaire annuel sous forme d’options d’achat d’actions taxées à un taux effectif passé initialement de 5,5% à 12,5% depuis 2012, puis à 21% depuis 2018. 

Particularité du régime luxembourgeois, les plans de stock-options/actions proposés ne sont pas, dans la majorité des cas, adossés à la valeur de la société du salarié, mais à un indice boursier couplé à une assurance. Ce qui réduit au maximum les risques encourus et maximise les gains. C’est ce régime que les partis de gouvernement souhaitent remettre en cause. Du moins, dans sa forme actuelle.

Déchet fiscal «entre 60 et 80 millions» pour 2018

Si Déi Gréng annonce clairement son intention de «supprimer» ce dispositif, le LSAP évoque «un remplacement après une période transitoire», alors que le CSV souhaite changer sa forme juridique pour définir ce régime non plus dans une circulaire, mais «par une loi». Le DP, pour sa part, n’aborde pas cette question dans son programme, puisqu’étant à l’origine de la dernière modification en date, remontant au mois de novembre 2017. 

Selon les données divulguées dans deux réponses parlementaires publiées en juillet dernier, Pierre Gramegna (DP), ministre des Finances, indiquait qu’en 2016, «le déchet fiscal est estimé à 112 millions d’euros pour 2016 et 135 millions d’euros pour 2017». Autrement dit, le manque à gagner pour le budget de l’État issu de la différence entre le taux d’imposition des personnes physiques (42%) et le taux payé par les bénéficiaires de ce régime (12,5% jusqu’en 2017). Ces derniers étant «3.065 salariés en 2016» et «3.704 salariés en 2017», selon les chiffres avancés par le ministre libéral, qui mettait en avant «le contexte du Brexit» pour expliquer la forte croissance du nombre de bénéficiaires en un an. Pour 2018, les estimations du ministère de la rue de la Congrégation tablent sur une perte comprise «entre 60 et 80 millions d’euros».

S’inspirer des modèles espagnol et français

Le contour précis de ce dispositif fiscal avantageux, destiné à attirer au Luxembourg les hauts dirigeants d’entreprise, reste flou, puisque seule une estimation du nombre de sociétés y ayant recours a été rendue publique à ce jour. En 2016, Pierre Gramegna indiquait que 617 plans de stock-options avaient été enregistrés auprès de l’Administration des contributions directes, sans préciser que ces plans ont été distribués dans les banques de la Place, les cabinets d’avocats et les Big Four actifs dans l’audit et le conseil. Selon d’Lëtzebuerger Land, le seuil à partir duquel un salarié est considéré comme éligible à un tel avantage fiscal a été fixé par les entreprises concernées à 350.000 euros annuels.

Pour les partisans de l’abolition pure et simple du système, comme Déi Gréng, le système actuel «ne remplit pas sa finalité initiale, à savoir récompenser la loyauté du personnel d’une entreprise, voire attirer de la main-d’œuvre hautement qualifiée au Luxembourg». Pour ceux qui souhaitent le modifier, comme le CSV, l’idée est de le substituer à un système «de privilèges fiscaux pour des participations à long terme dans les propres entreprises et en particulier dans le domaine des start-up». Ce dernier énonce également sa volonté de mettre sur pied «un système d’imposition spécial pour les ‘expats’, et ce sur le modèle de ce qui existe à l’étranger et notamment en France, en Italie et en Espagne». Une référence à des modèles qui octroient une exonération partielle des revenus des personnes au profil recherché, des primes d’expatriation ou une exemption de charges sociales. Le tout pour une durée limitée.

Le régime des stock-options est un régime nécessaire.

Jamal Afakir, partner chez Atoz

Derrière ce débat technique, voire éthique, se cache donc la question des secteurs que souhaite mettre en avant le Luxembourg pour son développement futur. «Si le gouvernement décide, par exemple, d’attirer sur son territoire les gestionnaires des fonds de private equity, il faut s’attaquer à la question de la fiscalité des personnes physiques, qui n’est guère attractive», note Gerdy Roose, partner chez BDO Luxembourg. «Cela peut passer par un régime expat ou un régime career interest, qui a existé, mais qui n’était guère adapté.»

Même logique pour Jamal Afakir, partner chez Atoz, qui plaide toutefois pour le maintien d’un tel système, considéré comme «nécessaire» et qui va «dans le sens de la manière dont on gère les talents aujourd’hui, dont on les attire et dont on les fait rester, dans le cadre d’une économie numérique». Autrement dit, savoir quel horizon souhaite mettre en œuvre le futur gouvernement via une sélection plus précise des secteurs ciblés pour assurer la croissance future du pays.