La banque islandaise nationalisée en 2008 continue de provoquer des remous au Luxembourg, en France et en Espagne. (Photo: Eralda van Zurk/Creative Commons/archives)

La banque islandaise nationalisée en 2008 continue de provoquer des remous au Luxembourg, en France et en Espagne. (Photo: Eralda van Zurk/Creative Commons/archives)

Neuf personnes et la société Landsbanki Luxembourg comparaissent depuis mardi après-midi devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Outre sept anciens dirigeants de Landsbanki Luxembourg, deux gestionnaires de patrimoine ayant servi d’intermédiaires entre la banque luxembourgeoise et certains de ses clients français se trouvent sur le banc des accusés.

Pas moins de 108 parties civiles, dont le chanteur Enrico Macias, ont été identifiées et enregistrées par le tribunal correctionnel de Paris suivant l’ordonnance de renvoi signée par le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke en septembre 2015. Le Parquet de Paris accuse Landsbanki et ses dirigeants d’«avoir, courant 2006 à 2008, trompé 108 parties civiles par l’emploi de manœuvres frauduleuses (…) en faisant consentir aux emprunteurs des sûretés réelles garantissant le montant total du prêt, alors qu’elle conservait la plus grande partie des fonds et qu’elle fournissait des informations mensongères sur les modalités de l’opération financière, auxquelles l’intervention d’un officier ministériel donnait force et crédit, ainsi que sur sa solvabilité».

Un montage alléchant

Entre 2006 et 2008, Landsbanki, déjà en manque de liquidités, avait proposé, via sa filiale luxembourgeoise, à des centaines de particuliers d’hypothéquer leur maison en contrepartie de prêts avantageux. L’emprunteur recevait une partie de la somme tandis que la banque, auréolée d’un solide AAA, réinvestissait le reste sur les marchés, promettant de dégager des intérêts qui couvriraient in fine l’intégralité de l’emprunt.

Mais plusieurs banques islandaises se sont effondrées dans le sillage de Lehman Brothers en septembre 2008 et ont été nationalisées en urgence. Les placements de Landsbanki se sont également écroulés du fait de la crise, menant ses clients à la ruine pour certains. Plusieurs ont porté plainte dès 2009, accusant la banque d’avoir sciemment proposé le montage financier sans s’assurer des capacités de remboursement des clients.

Il faut dire que ceux-ci se sont vu réclamer le remboursement de l’intégralité de leur prêt alors qu’ils n’en avaient touché qu’une partie. En cas de refus, ils risquent la saisie des biens hypothéqués, menace la liquidatrice Yvette Hamilius.

Impasse devant la justice luxembourgeoise

La justice luxembourgeoise a classé sans suite la plainte du collectif des victimes pour faux bilans et association de malfaiteurs en décembre 2014. «Les faux dont les bilans pourraient être affectés n’ont pas pu causer un préjudice direct et personnel aux parties civiles», relèvent les juges qui renvoient les plaignants vers les justices française et espagnole. «Le préjudice économique et moral (…) a uniquement pu été (sic) causé directement par les faits qualifiés d’escroquerie poursuivis par les autorités judiciaires française et espagnole internationalement compétentes», estimait alors la Cour d’appel.

Entendue en tant que témoin assisté dans la procédure en cours en France, la liquidatrice luxembourgeoise Yvette Hamilius, soutenue par le procureur général d’État Robert Biever au plus fort des tensions avec les clients de Landsbanki et avec la justice française, est toujours sous le coup d’une plainte pour blanchiment, intimidation et harcèlement déposée en avril 2016 par le collectif des victimes auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris. Car le juge Van Ruymbeke ayant considéré que les montages equity release relevaient de l’infraction d’escroquerie, les tentatives de la liquidatrice de récupérer l’argent emprunté par les clients de la banque constitueraient de ce fait une opération de blanchiment.

Les espoirs des victimes de Landsbanki résident donc plus que jamais dans le procès qui vient de s’ouvrir à Paris. Sachant que les victimes espagnoles ont déjà obtenu de leurs tribunaux de ne rien devoir rembourser à Landsbanki si le montage s’avère être une escroquerie.