400 millions – C’est le coût estimé des problèmes de mobilité au Grand-Duché, selon le ministère des Transports. (Photo: Anthony Dehez / archives)

400 millions – C’est le coût estimé des problèmes de mobilité au Grand-Duché, selon le ministère des Transports. (Photo: Anthony Dehez / archives)

Le temps, c’est de l’argent. Et les employés du Grand-Duché, frontaliers ou résidents, en perdent, du temps, dans les transports. La faute aux embouteillages et aux ralentissements, aux trains supprimés ou en retard, aux bus surchargés…

Ce qui fait donc perdre aussi de l’argent à la collectivité. 293 millions d’euros par an, selon une étude de la société Inrix; 400 millions, selon le ministère des Transports et… 1,4 milliard d’euros, selon Tomtom, soit 3% du PIB du pays.

L’impossible équation

Si les montants sont abyssaux, les différences entre eux le sont tout autant. La Fondation Idea, qui mène des réflexions sur le développement durable et économique du pays, a donc initié sa propre analyse.

Et a d’abord constaté que les chiffres livrés jusqu’à présent n’étaient pas fiables. «Il y a des différences de méthodologie qui expliquent ces écarts, assure Thomas Valici, économiste chez Idea. En réalité, parvenir à une équation dont le résultat serait l’impact financier réel des problèmes de mobilité est impossible, il y a trop de paramètres.

Il ne suffit pas de multiplier le temps perdu par le salaire horaire et le nombre d’employés, comme le font Tomtom ou Inrix. Il faudrait tenir compte de l’amortissement des véhicules, des pertes d’énergie, des risques accrus de collision et des coûts d’indemnisation…»

Et quand bien même. «Le montant financier estimé ne serait sans doute pas réellement perdu. Le temps passé dans les bouchons n’est pas du temps de travail. Le salarié doit tout de même faire ses huit heures de boulot s’il arrive en retard», souligne Sarah Mellouet, également économiste chez Idea.

Les Belges sont les plus mal lotis

La Fondation n’est pas restée sur ce simple constat. «La mobilité a un impact sur l’économie, sur le volet social et sanitaire, au niveau de l’environnement… Il était donc pertinent que nous menions une réflexion à ce sujet», note encore Sarah Mellouet. 

Pour ensuite proposer des solutions, les deux économistes d’Idea ont collationné les données les plus récentes de la problématique mobilité et les évolutions constatées ces dernières années. Et analyser le tout. 

Premier constat, les temps de parcours entre le domicile et le lieu de travail ont tendance à s’allonger. En moyenne, le résident luxembourgeois effectue 13 km en 34 minutes. Les frontaliers, 45% de la masse de travail, passent aussi du temps dans les transports. Ainsi, les Français (42 km) et les Allemands (40 km) sont ceux qui font le plus long chemin.

Les premiers mettent 51 minutes, et les seconds, 49 minutes, soit une vitesse de 49 km/h. Les Belges, eux, habitent en général plus près (34 km), mais mettent plus de temps: 54 minutes, soit 38 km/h. Ce sont donc eux les moins bien lotis de tous.

Luxembourg: 250.000 sièges vides

Second constat, la voiture reste le moyen de transport privilégié par 70% des travailleurs. Et ceux-ci aiment être seuls à bord. «Il y a en moyenne 1,2 personne dans la voiture d’un frontalier, et encore moins – 1,1 – dans celle d’un résident», relève Sarah Mellouet. Tandis que son collègue précise que «selon le ministère du Développement durable et des Infrastructures, il y a chaque jour 250.000 sièges de voiture vides qui entrent dans Luxembourg. Pour 420.000 personnes au travail.» 

Troisième constat: tout cela n’est pas sans effet sur la santé. Les économistes ont remarqué que les taux d’absentéisme chez les frontaliers étaient plus élevés que chez les résidents. Ce qui pourrait, à terme, impacter l’attractivité du Luxembourg. Olivier Klein, du Liser (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research), a ainsi défini que 54% des frontaliers ne font que les trajets domicile-travail-domicile dans la journée.

Seulement 22% ont une autre activité près de chez eux. «Cela conduit à des problèmes pour concilier vie professionnelle et vie de famille. On voit qu’un choix est à faire: s’installer au Luxembourg ou démissionner pour revenir plus près de chez soi, quitte à perdre du pouvoir d’achat. Pour le moment, le pays reste attractif, car il y a d’autres atouts.» Et l’impact sur l’environnement? Idea a fait ses calculs. Si la moitié des frontaliers pratiquaient le télétravail deux jours par semaine, cela suffirait à faire baisser de 1% les émissions totales annuelles de CO2 du pays.

Péage inversé et demi-vignette

Mais quelles sont les solutions pour tenter d’améliorer les choses? Idea encourage une meilleure communication entre les États, une promotion du télétravail et du covoiturage… «Mais nous avons aussi voulu avancer des solutions innovantes», confie encore Thomas Valici. Il y a notamment le «péage inversé», déjà testé à Rotterdam.

«L’utilisateur touche une prime s’il utilise sa voiture en dehors des heures de pointe, s’il opte pour un autre moyen de transport ou s’il télétravaille.»

Autre idée: la gratuité de circulation certains jours de la semaine seulement. Enfin, Idea imagine même une «loterie des covoitureurs», avec un gain d’argent à la clé.

«Certaines idées sont réalisables de suite, d’autres peuvent paraître loufoques, conclut-on chez Idea. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe bel et bien des opportunités pour une meilleure mobilité.»