Pour un retour à la croissance, il faut: un environnement réglementaire simplifié et davantage d'investissements privés. (Photo: Christophe Olinger)

Pour un retour à la croissance, il faut: un environnement réglementaire simplifié et davantage d'investissements privés. (Photo: Christophe Olinger)

Pour exposer les forces du plan Juncker, la Commission européenne organisait ce mercredi une table ronde modérée par Jean-Michel Gaudron, rédacteur en chef de Paperjam et consacrée à la relance de l’investissement, moteur de la reprise. «Le niveau d’investissement actuel est assez déprimant, comparé à celui d’avant la crise, mais aussi à celui qu’on s’attendrait à voir. Cela pénalise la nécessaire modernisation de l’économie et freine la compétitivité de certains secteurs, autrefois à la pointe, ce qui rend à son tour l’UE moins attractive aussi pour les investisseurs privés, introduit Maarten Verwey, directeur général de la DG Affaires économiques et financières. Couplé à l’incertitude des marchés, le tableau est peu attrayant. S’il n’y a pas une seule cause à cette situation morose, il n’y malheureusement pas une seule solution non plus. La première piste est d’orienter toutes les politiques dans la même direction. Nous avons besoin de l’appui de chacune d’entre elles. La solidité fiscale constitue une autre pièce du puzzle.»

Avant tout fruit d’un choix politique, pour Claude Wiseler, président du groupe politique chrétien social du Luxembourg, il faut voir le programme porté par Juncker comme la première étape d’un chantier bien plus large. «Au-delà des crises économiques et financières, l’Europe fait face à une crise sociale et de l’emploi. Investir n’est intéressant que dans une optique de création de jobs. Bien sûr, les banques ont été touchées et on ne peut pas le minimiser, mais il faut tourner le page et penser à l’avenir. À mon sens, le plan Juncker ne peut fonctionner que si on y croit, politiques, citoyens, banquiers, etc.»

Cercle vertueux

Si le nouveau chef de l’exécutif européen se montre peu favorable à l’endettement public pour stimuler la croissance, il mise sur un effort accru des entreprises. Trois piliers constituent la colonne vertébrale de son plan stratégique: la mobilisation accrue du capital privé, l’investissement dans l’économie réelle et l’amélioration de la prédictibilité de la régulation, en surveillant encore davantage l’action des États membres.

Pour la Banque européenne d’investissement, acteur clé dans le financement des projets, optimiser le cadre réglementaire est la première étape pour rassurer les investisseurs. «Il y a du cash en Europe, on ne peut vraiment pas parler de manque de liquidités, souligne Klaus Trömel, directeur général et chef des opérations de la Banque européenne d’investissement. La priorité absolue est de recréer la confiance. Les investisseurs ont besoin de plus de transparence.»

Pour atteindre le Graal de la croissance, une nouvelle augmentation du capital de la BEI est d’ores et déjà prévue. Outre l’effet dopant de 1 à 15 sur les marchés, l’idée est aussi de permettre davantage de souplesse dans l'utilisation de ces fonds publics. «Notamment grâce à son triple AAA, la BEI permet de financer des projets plus risqués, poursuit-il. L’effet de levier est conséquent». Pour être financés, les dossiers devront suivre le cahier de charge normal de la banque. Ils devront être robustes techniquement, respecter l’environnement, être intéressants économiquement et viables financièrement. «Dans cette optique, nous avons deux manières de contribuer: construire un pipeline de projets solides et identifier des investisseurs potentiels», déclare Yves Nosbusch, économiste en chef de la BGL BNP Paribas. 

En ligne avec les différentes politiques européennes, le plan Juncker prévoit ainsi d’investir dans toute une série de domaines identifiés comme porteurs pour l’UE: les infrastructures, les réseaux à haut débit, les réseaux de transport, la recherche, les énergies renouvelables, l’innovation au sens large ou encore l’efficacité énergétique. «Il ne s’agit pas d’investir dans tout et n’importe quoi, mais de choisir des secteurs d’avenir qui permettront à l’Europe de retrouver sa place», mentionne Claude Wiseler.

Pousser les PME

Pour doper l’emploi, il faut soutenir le tissu des petites et moyennes entreprises. «Ce sont elles qui ont maintenu l’économie en vie à travers la crise», affirme Claude Wiseler. Parfois exclues du système de financement classique, surtout dans le cas des start-up, elles ont grandement besoin d’options de financement alternatives. «Le financement bancaire traditionnel ne suffit plus à répondre à tous les besoins, appuie Klaus Trömel. Les PME manquent fréquemment de cash flow et ont généralement peu de capital de départ. Or, la crise a poussé les banques à éviter le risque encore davantage. Il y a une grande marge d’amélioration en ce sens».

Le Luxembourg, comme les autres, pourrait bénéficier de cette manne. «Traditionnellement, le pays a peu recouru à des financements externes pour alimenter ses grands projets d’infrastructures. Ce temps est aussi fini pour le Luxembourg, il devra trouver d’autres sources de financement d’ici les cinq prochaines années. Ce sera essentiel pour atteindre la diversification dont son économie a besoin», partage Claude Wiseler.

Comme l’ont mentionné nos orateurs, seul, le plan Juncker ne suffira pas à relever tous les challenges. C’est un instrument parmi d’autres. «On ne doit pas l’envisager de manière isolée, mais dans le cadre d’une transformation globale de l’économie, complète Maarten Verwey. D’autant plus, que certaines banques nationales ont déjà annoncé leur appui complémentaire». Et Claude Wiseler de défendre: «Ce ne sera pas la seule réponse à apporter. Il devra s’accompagner de rééquilibrages budgétaires entre les pays, ainsi que de simplifications administratives.»

Si le texte semble être plutôt apprécié des institutions financières et des figures politiques nationales, il doit encore être discuté au Parlement européen. Les deux premiers piliers devraient être approuvés d’ici le milieu de l’année.