Maître Yuri Auffinger, managing associate, head of employment du cabinet Linklaters. (Photo: Linklaters)

Maître Yuri Auffinger, managing associate, head of employment du cabinet Linklaters. (Photo: Linklaters)

Maître Auffinger, quelles sont les sanctions traditionnellement reconnues en droit luxembourgeois?

«Le Code du travail prévoit deux principales sanctions: le licenciement avec préavis et le licenciement avec effet immédiat pour faute grave. Dans le deuxième cas, l’employeur peut également prononcer la mise à pied à titre ‘conservatoire’ avec maintien du salaire du salarié fautif. Le Code du travail prévoit également la possibilité d’imposer des amendes pécuniaires au salarié, puisque l’employeur peut, sous certaines conditions, effectuer une retenue sur salaire, à titre ‘d’amende’ infligée au salarié. En outre, le salarié peut être tenu de rembourser les dégâts qu’il a causés à son employeur par ses actes volontaires ou par sa négligence grave. Enfin, l’employeur peut modifier d’une manière défavorable le contrat de travail de son salarié moyennant le respect d’une procédure équivalente à celle du licenciement avec préavis. La jurisprudence a également reconnu le recours aux avertissements, qui sont largement utilisés par les employeurs.

Pour quel genre de faute le salarié peut-il recevoir un avertissement?

«Il n’existe pas de répertoire de fautes pouvant faire l’objet d’un avertissement. Il s’agira généralement de toute faute commise par un salarié dans l’exercice de ses fonctions qui, bien qu’étant réelle, ne constitue pas un fait suffisamment sérieux pour justifier un licenciement avec préavis (ou pour faute grave). À titre d’exemple, citons une maladie injustifiée; une arrivée tardive au bureau; un refus d’ordre; etc. Si l’avertissement n’a pas de répercussion en soi, il permet de renforcer la gravité de la faute du salarié en cas de récidive et de justifier éventuellement un licenciement.

En pratique, des clauses dites bad leaver permettent également de sanctionner un salarié en cas de survenance d’événements déterminés stipulés dans le contrat qui le priveront des avantages acquis contractuellement.

Est-il possible pour un employeur de prévoir d’autres sanctions?

«L’article L.121-3 du Code du travail établit un ‘principe de faveur’ pour le salarié en disposant que les parties au contrat de travail sont autorisées à déroger aux dispositions légales prévues par le Code du travail dans un sens plus favorable au salarié, faute de quoi la clause serait déclarée nulle et de nul effet. Ainsi, certaines juridictions considéraient que toute sanction ‘inférieure’ à un licenciement était favorable au salarié car elle lui évitait de perdre son travail et était donc légale. D’autres considéraient en revanche que puisque de telles sanctions n’étaient pas prévues par le Code du travail, elles étaient défavorables aux salariés et devaient donc être déclarées nulles. La Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 juillet 2015 dans lequel elle confirme la légalité des sanctions disciplinaires contenues dans les conventions collectives. Ainsi, d’autres sanctions que celles citées plus haut peuvent être appliquées aux salariés.

Existe-t-il des sanctions interdites?

«L’employeur a certes un pouvoir disciplinaire, mais celui-ci est encadré. Ainsi, la sanction doit être proportionnelle et motivée. Un salarié ne peut donc pas être sanctionné par son employeur sans motifs ou sur base de motifs illégitimes. Est ainsi interdite une sanction basée sur des motifs discriminatoires, tels que l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge, la situation de famille, l’appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales, les convictions religieuses, l’état de santé ou le handicap du salarié, etc. De même, une faute ne peut donner lieu à deux ou plusieurs sanctions successives.»