Freddy Bracke (à gauche) préside le cluster maritime luxembourgeois, dont le manager est Paul Marceul. (Photo: paperJam.lu)

Freddy Bracke (à gauche) préside le cluster maritime luxembourgeois, dont le manager est Paul Marceul. (Photo: paperJam.lu)

Messieurs, le cluster maritime luxembourgeois est le pendant privé du Commissariat aux affaires maritimes. À quand remonte l’histoire de ce cluster? Comment a-t-il vu le jour?

Freddy Bracke: «Le cluster maritime a été créé en juin 2008 et est devenu opérationnel cinq mois plus tard, en octobre. L’objectif était de rassembler au Luxembourg, dans une même association, les métiers de l’économie bleue, à savoir ceux ayant des activités économiques liées de manière directe, indirecte, voire dérivée à la mer.

Qu’est-ce qui a motivé la création de ce cluster?

F.B.: «L’idée était d’intéresser le tissu économique luxembourgeois aux affaires de la mer. Au départ, il y avait bien le pavillon maritime luxembourgeois – organe du ministère de l’Économie –, mais qui était une structure relativement discrète, bien que connue et appréciée d’un certain nombre d’armateurs, dont une très grande partie venait de l’étranger.

Ce pavillon était une volonté politique de diversification économique qui n’impliquait toutefois pas assez, à mon goût et à celui d’autres armateurs, l’économie locale luxembourgeoise. Or, il y a des secteurs luxembourgeois qui ont un intérêt d’affaires dans cette économie bleue à travers l’armement des navires, leur financement, le conseil juridique, le conseil fiscal, leurs assurances, etc.

Paul Marceul: «On peut ajouter à cela d’autres modes de transport qui ont à voir avec le maritime comme les chemins de fer, ou encore le transport par camions par exemple. N’oublions pas que les conteneurs qui arrivent à Anvers ou à Rotterdam peuvent ensuite être déplacés par le rail ou par la route. Car le maritime n’est qu’une partie de la chaîne logistique qui doit passer par Luxembourg, voire même être dirigée depuis Luxembourg!

Il y a donc pas mal d’activités économiques qui ont ou qui doivent avoir un intérêt dans le maritime. Si auparavant, on faisait ces affaires avec l’étranger, aujourd’hui on peut les faire depuis le Luxembourg.

Voilà donc quelle était l’idée: faire connaître le maritime dans tous ses aspects à d’autres secteurs économiques locaux et, accessoirement, faire taire aussi certaines critiques trop souvent associées – à tort – au pavillon maritime luxembourgeois.

Pour les professionnels du secteur, le Luxembourg est devenu une sorte de réflexe.

Paul Marceul, Cluster maritime luxembourgeois

Quelles étaient les sociétés qui ont été de l’aventure dès le début?

F.B.: «À la base, il y a eu des armateurs – principalement français et belges – qui, par des filiales et l’installation de bureaux, se sont établis ici au début des années 1990 à Luxembourg, lors de l’instauration du registre maritime. S’y sont ajoutées des entreprises de consulting, la Chambre de commerce, l’une ou l’autre banque de la Place, ainsi que des études d’avocats spécialisées.

La démarche était importante, car le Luxembourg ne pouvait rester à l’écart de ces autoroutes de la mer via lesquelles transitent tout de même 90% des échanges commerciaux à travers le globe.

P.M.: «Aujourd’hui, le pavillon luxembourgeois est devenu un grand acteur, en chiffres relatifs comme en chiffres absolus. Si l’on regarde sa taille, il n’a rien à envier à certains autres pavillons maritimes nationaux de pays côtiers, comme celui de la France dont il est proche du point de vue des chiffres.

Le Luxembourg, en tant que nation maritime, est devenu pour les professionnels du secteur une sorte de réflexe. C’est une des options désormais étudiées quand il s’agit d’immatriculer un navire ou d’implanter un bureau avec des services spécialisés dans le maritime.

Il est généralement affirmé aujourd’hui que le Luxembourg dispose d’une véritable expertise dans le secteur maritime… Laquelle? Ou lesquelles?

F.B.: «C’est surtout une expertise en matière de soft… Je veux dire, en matière intellectuelle, en termes de droit, de fiscalité et d’assurances. Le tout en suivant la réglementation. Car le pavillon est aux normes qui prévalent au niveau européen à Bruxelles, et au niveau mondial à Londres, où siège l’Organisation maritime internationale.

P.M.: «Ce n’est qu’au niveau technique que le Luxembourg ne se met pas en avant, faute de chantiers navals. Même s’il peut en être fournisseur. En équipements industriels notamment, comme la société Apateq qui fournit des solutions en conteneurs de retraitement des eaux pour les filtres des cheminées des navires.

Le cluster maritime a-t-il permis à travers ses activités et celles de ses membres de faire connaître davantage le pavillon maritime luxembourgeois?

F.B.: «Oui, certainement. Nous sommes associés mais aussi, en tant que cluster, moteur de promotion du registre maritime qui, jusqu’à il y a peu, n’était pas très engagé dans cette voie. Raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers la Chambre de commerce. Car la grosse promotion de l’économie luxembourgeoise à l’étranger se fait à travers elle et non par le gouvernement. Au cluster, dont elle est membre, nous sommes la ‘grosse artillerie’ de cette promotion, mais aujourd’hui avec le soutien du Commissariat aux affaires maritimes pour faire connaître le pavillon luxembourgeois à travers l’Europe.

On n’accepte pas – ni dans le registre maritime ni au cluster – n’importe qui.

Freddy Bracke, Cluster maritime Luxembourgeois

À travers l’Europe uniquement? Pourquoi pas à travers le monde?

F.B.: «C’est une question de moyens, et il y a d’abord suffisamment à faire en Europe. Ensuite, la compétition au niveau mondial est féroce en matière de places ou d’établissements maritimes et, pour un Asiatique par exemple – lorsqu’il veut aller plus loin – ce n’est pas évident de rejoindre le Luxembourg en partant de Singapour. Dans ce cas, le choix logique qui s’impose est Londres, en matière financière également, bien que cela va peut-être changer avec le Brexit…

Et puis, il y a autre chose encore. Vous savez, le monde maritime est, disons, très divers, avec du bon et du moins bon. Il y a des armateurs honnêtes, pour la plupart, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Il faut donc faire un choix. Et on n’accepte pas – ni dans le registre maritime ni au cluster – n’importe qui, juste pour faire du volume. Il y a une certaine sélectivité qui s’impose.

P.M.: «Le pavillon luxembourgeois est considéré comme un label de qualité. On ne fait donc pas n’importe quoi avec n’importe qui. Et ce n’est pas le pavillon le moins cher ni un pavillon de complaisance. Ça ne l’a jamais été. Un armateur à la recherche du plus bas coût, ce n’est pas ici qu’il va le trouver.

Vous disiez plus tôt avoir été une quinzaine de sociétés ou d’organismes impliqués au départ. Combien êtes-vous aujourd’hui?

P.M.: «Nous représentons aujourd’hui une soixantaine de membres. Nous avons donc quadruplé, en l’espace de huit ans, ce qui est plutôt positif. Dans le détail, cela fait un quart d’armateurs, une moitié de prestataires de services, et un quart d’entreprises actives ou occupant des niches dans l’économie bleue, telles que SES ou encore ArcelorMittal qui, lui, est fournisseur mais également utilisateur de chantiers navals.

Nous souhaiterions devenir le moteur d’opérations maritimes plus écologiques.

Paul Marceul, Cluster maritime luxembourgeois

Y a-t-il de nouveaux membres en vue?

P.M.: «Oui. Nous attendons cette année l’arrivée d’Amico, un armateur italien, de même que celle de deux cabinets d’avocats et de la banque Raiffeisen, tout comme la Banque et caisse d’épargne de l’État (BCEE) nous a rejoints en 2016.

Vous êtes en plein déménagement vers de nouveaux locaux au sein même de la Chambre de commerce. Quels projets emportez-vous dans vos cartons?

F.B.: «Le principal est de réactualiser une étude sur l’impact du secteur maritime sur l’économie nationale. Ceci en plus de continuer à faire la promotion du pavillon maritime luxembourgeois, d’organiser des conférences et de rendre service à nos membres.

La nouvelle année est traditionnellement synonyme de vœux… Quels sont les vôtres pour 2017?

F.B.: «Nous souhaitons un développement continu du registre maritime luxembourgeois. Avec une plus grande participation des autres secteurs de l’économie luxembourgeoise à l’économie bleue européenne, voire même mondiale.»

P.M.: «Et j’ajouterai que nous sommes également à la recherche urgente de nouveaux modes opératoires pour les navires. Notamment en matière de rejets de CO2, comme cela se fait pour l’automobile, ou le secteur aérien. Nous souhaiterions devenir le moteur d’opérations maritimes plus écologiques.»