Oussama Ammar est notamment intervenu lors du premier événement des «Start-up Stories» en tant que keynote speaker. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Oussama Ammar est notamment intervenu lors du premier événement des «Start-up Stories» en tant que keynote speaker. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Quels sont les ingrédients-clés dont ont besoin les start-up?

«Je dirais que la recette pour qu’elles réussissent est plutôt simple, mais il faut avoir le bon tour de main. Trois facteurs sont indispensables: il faut un bon produit, au bon prix, qui rencontre une clientèle massive. Conceptuellement c’est assez simple, mais comme dans la haute gastronomie, faire simple se révèle finalement très compliqué.

Quelle est la différence entre une start-up européenne et une start-up installée aux États-Unis?

«La grande différence, c’est qu’ici tout le monde a des idées, alors que là-bas, tout le monde a des boîtes qui marchent. Le référentiel n’est pas le même. Souvent, les accompagnateurs de start-up en Europe ont moins d’expérience de voir le succès, donc ont peur dans les moments cruciaux et ne vont pas assez loin.

Il ne faut pas non plus subir son marché. Au sein de The Family, nous interdisons par exemple dans 80% des cas aux start-up de se développer sur le marché local parce que c’est un piège. Le problème en Europe est que la plupart des personnes se fixent des barrières mentales et ont peur de se développer à l’étranger, de l’inconnue. Et les gouvernements, en voulant par exemple taxer les Gafa, ne se rendent pas compte que ce sont les petites entreprises locales qui pâtissent de ces réglementations.

Comment fonctionne The Family?

«Nous prenons 100 nouvelles start-up tous les ans. Aujourd’hui, en portefeuilles, nous en avons 250 qui sont vivantes. 75 ont levé des fonds avec un investisseur de premier rang et une dizaine sont aux alentours de 100 millions d’euros de valorisation. En conséquence, sur les 600 que nous avons prises jusqu’à présent, 350 sont ‘mortes’. Toutes les huit semaines, nous notons nos start-up, à la manière d’un conseil de classe.

Nous n’hébergeons aucune start-up, elles se débrouillent pour avoir leur propre bureau, parce que nous pensons que les start-up ne devraient pas partager leur espace, parce qu’elles doivent créer leur propre culture, et être dans des espaces de coworking est une catastrophe. Nous ne leur donnons pas d’argent au début, donc nous ne sommes pas un fonds d’investissement dans ce sens-là. Quand les start-up réalisent de très importantes levées de fonds, nous avons un fonds automatique qui participe au tour de table et c’est un véritable investissement que nous faisons.

Je pense qu’il faut remettre les start-up face à leurs responsabilités.

Oussama Ammar, cofondateur de The Family

Nous ne faisons pas non plus de mentoring, notre philosophie est de prendre 5% dans l’entreprise et notre mission est de faire en sorte qu’elle vaille beaucoup plus que si elle ne nous avait pas donné ces 5%. Comme une famille, nous apportons éducation, service et protection. Les entrepreneurs doivent être autonomes et indépendants; le paternalisme, ça ne marche pas avec les entrepreneurs. Il vaut mieux qu’ils apprennent par l’erreur plutôt que de trop leur donner la main. Il faut balancer les start-up par la falaise et les laisser tomber, et de toute façon il n’y a rien de mortel. Les gens ont trop peur du ridicule, or ce respect de la liberté est essentiel.

Je pense qu’il faut remettre les start-up face à leurs responsabilités, et leur répéter que leur but est de gagner de l’argent, chose que trop de start-up oublient. En général, le destin d’une entreprise se passe dans les 18 premiers mois, et si elle rate ces 18 premiers mois, elle passe par un moment où elle doit soit travailler très dur pour survivre, soit admettre qu’il est temps de mourir et peut-être renaître avec une autre idée.

Quelle est votre perception de l’écosystème luxembourgeois?

«Je dois être honnête et avouer ne pas connaître les start-up luxembourgeoises, mais j’ai justement trouvé très intéressant de venir les découvrir.

Vous avez été condamné au mois de juin dernier à quatre mois de prison avec sursis, pour faux et usage de faux. Est-ce la rançon de la gloire pour vous qui êtes considéré comme un «gourou» des start-up?

«Bien sûr, c’est le prix à payer, cela fait six ans que je tape sur l’establishment et que je dis tout ce que j’en pense, il fallait bien que l’on m’attaque en retour. J’ai fait une fausse facture de 5.000 euros en 2010. C’était une erreur de jeunesse, et cela fait partie de moi, je n’ai pas fait appel. J’ai toutefois une non-inscription au casier judiciaire. Pour moi, l’affaire s’est tassée en septembre dernier, quand The Family a bouclé une levée de fonds de 15 millions d’euros, dont 10 millions d’euros injectés par LGT Capital Partners, qui est un fonds très prestigieux.»