Georges Heinrich, ici avec Claude Wiseler, aurait pu devenir l'homme fort du ministère des Finances. (Photo: archives paperJam)

Georges Heinrich, ici avec Claude Wiseler, aurait pu devenir l'homme fort du ministère des Finances. (Photo: archives paperJam)

Le départ de Georges Heinrich de la direction du Trésor devient un vrai sujet politique, celui du pantouflage des hauts fonctionnaires dans le secteur privé, un point sur lequel le nouveau gouvernement n’a fait connaître jusqu’à présent que ses intentions d’y mettre de l’ordre. Toutefois, aucun texte n’est encore prêt à sortir des ateliers du Premier ministre Xavier Bettel. Donc autant dire que le cadre légal est inexistant. 

Georges Heinrich, dans un droit de réponse à deux articles venimeux de l’hebdomadaire Le Jeudi et du quotidien Tageblatt qu’il a adressé à une partie de la presse, est sorti de sa réserve ce lundi. Il met le doigt sur l’absence de cadre légal et d’un code de déontologie pour apprécier si le directeur sortant du Trésor est autorisé ou non à aller travailler dans le secteur bancaire et dans quelle mesure cette orientation nouvelle qu’il veut donner à sa carrière risque d’entrer ou pas en conflit d’intérêts avec ses fonctions précédentes.

Outre la direction du Trésor, Heinrich était jusqu’au début du mois d'avril président du conseil d’administration de BGL BNP Paribas et siégeait, entre autres, comme administrateur à Post Luxembourg (il est aussi, jusqu'à nouvel ordre, commissaire de surveillance à la Banque et Caisse d'Épargne de l'État, la direction de la banque ayant indiqué à la rédaction de paperJam.lu qu'aucun changement n'avait encore été communiqué).

Un sujet compliqué

«Un vrai sujet», reconnaît l’intéressé lui-même, mais un sujet «compliqué» aussi, méritant de ce fait un «traitement plus nuancé et moins polémique» que celui qui en est fait actuellement. «La question de la déontologie de la classe politique entière et de tous les fonctionnaires nécessite une approche holistique, cohérente et en phase avec les réalités économiques», écrit Georges Heinrich. Il affirme n’avoir «aucune difficulté à (se) conformer à un ensemble de règles en matière de déontologie» à condition que «les mêmes règles s’appliquent alors à tout le monde».

S’il ne vise explicitement personne, on ne peut pas s’empêcher de penser au cas de l’ancien ministre socialiste de l’Économie, Jeannot Krecké, reconverti dans le conseil économique grâce à son carnet d’adresses au gouvernement.

Au-delà de la polémique qu’a suscité le départ coup sur coup de trois hauts fonctionnaires du ministère des Finances (outre Georges Heinrich, Sarah Khabirpour, l’ex-cheffe de cabinet du ministre Luc Frieden et Alphonse Berns, directeur de la fiscalité), la reconversion dans le secteur privé de hauts fonctionnaires qui ont souvent cumulé les mandats dans les conseils d’administration pour que leur fiche de paie puisse rivaliser avec les salaires du secteur privé devra être discutée.

Congé sans solde

Toutefois, le cas de Heinrich est assez particulier, car en demandant un congé sans solde, ce qui est son droit, il ne quitte pas la fonction publique et reste tenu de ce fait à ses devoirs. C’est d’ailleurs, faute d’une réglementation adéquate, ce qu’a rappelé vendredi lors du briefing le vice-président du gouvernement Étienne Schneider. Le conseil du gouvernement a dit oui à la demande de congé sans solde, mais comme le veut la procédure, la lettre d’acceptation va être accompagnée de la formule type mettant en garde Georges Heinrich sur de possibles conflits d’intérêts entre ses anciennes fonctions et le nouveau job qu’il s’apprête à prendre.

La question est de savoir si le gouvernement prendra le risque d’engager une procédure disciplinaire contre le fonctionnaire en congé sans solde s’il va travailler dans un établissement concurrent de la BGL par exemple, parce qu’il y aurait un conflit d’intérêts? L’absence de tout cadre réglementaire rendrait plus qu’hasardeux le sort de la procédure, si tant est qu'elle devait être lancée.

Quant à l'information qui circulait la semaine dernière sur l'arrivée (improbable) du directeur du Trésor au poste de secrétaire général de la Banque de Luxembourg, Georges Heinrich, contacté par la rédaction de paperJam.lu, n'avait pas souhaité la commenter. Selon nos informations, cette information circulait toutefois au niveau des membres du gouvernement. Ce qui n'en confirme pas pour autant la véracité.

Waringo, l'homme fort aux Finances

Les départs coup sur coup de trois hauts fonctionnaires du ministère des Finances a suscité la polémique sur le malaise qui règnerait au ministère des Finances depuis l’arrivée de Pierre Gramegna. Or, ceux qui suivent un peu la vie de ce ministère savent que l’ambiance délétère ne date pas d’hier, mais s’explique aussi par le conflit que se livraient en coulisse l’ancien Premier ministre et ministre du Trésor Jean-Claude Juncker et le ministre des Finances Luc Frieden, tous deux CSV. Les lignes de partage au sein du ministère remontent à cette époque.

Il est tout aussi vrai qu’en débarquant aux Finances, Pierre Gramegna a voulu remodeler le fonctionnement de ses services et qu’il s’est heurté à une organisation très cloisonnée mise en place au sein du cabinet de son prédécesseur. Les observateurs qui avaient suivi de près les négociations gouvernementales se sont d’ailleurs montrés assez étonnés de l’annonce du départ de Georges Heinrich, dans la mesure où une place de choix lui avait été réservée dans l’architecture du ministère par Gramegna himself, de manière à contrebalancer le pouvoir d’un autre homme fort, Jeannot Waringo, notamment directeur de l’Inspection générale des finances.