Une dizaine de films en réalité virtuelle sont à découvrir au pavillon VR. (Photo: Romain Girtgen / CNA)

Une dizaine de films en réalité virtuelle sont à découvrir au pavillon VR. (Photo: Romain Girtgen / CNA)

C’est un des aspects les plus excitants et les plus novateurs du Festival du film: le pavillon VR installé au Casino Luxembourg permet de voir une dizaine de films (fictions, animations et documentaires) réalisés ces dernières années en réalité virtuelle. Un dispositif de divers casques est installé (et restera après le festival) pour que le public puisse avoir accès à ces films rarement montrés.

Deux «expériences VR» sont aussi accessibles (sur inscription) et plongent les spectateurs dans des univers spécifiques en les faisant interagir. «Alice, the Virtual Reality Play» tient autant du théâtre immersif que de la VR. Le spectateur suit le lapin de l’œuvre classique de Lewis Carroll et agit en direct avec les acteurs en costume de capture de mouvements sur scène en réalité virtuelle.

Plus sombre, mais non moins impressionnant, «Separate Silences» est une expérience cinématique hybride pour deux spectateurs. L’histoire traite de deux frères ou sœurs qui se retrouvent à l’hôpital, suspendus entre coma, rêve et conscience. L’expérience propose de ressentir l’histoire des protagonistes de deux points de vue différents en stimulant la vue et l’ouïe, mais aussi l’odorat et le toucher.

Un nouveau fonds avec le Canada

À l’occasion de l’ouverture du pavillon VR, Guy Daleiden a annoncé la mise en place d’un partenariat entre le Film Fund Luxembourg, qu’il dirige, et le Fonds des médias du Canada. Signé pour deux ans et doté de 1,2 million d’euros (600.000 euros chacun), ce fonds sera destiné au développement commun de projets audiovisuels pour la télévision et pour l’animation, ainsi que pour le développement et la production de projets digitaux et VR.

À cette occasion, nous avons rencontré Myriam Achard, responsable du Centre Phi à Montréal et spécialiste de la VR, qui va présenter les deux tables rondes qui détailleront les enjeux créatifs et économiques de ces nouvelles formes de cinéma.

Madame Achard, quelles sont les missions et les spécificités du Centre Phi?

«Le Centre Phi a été fondé en 2012 par la mécène Phoebe Greenberg. Elle avait avant cela fondé un centre d’art contemporain et a voulu aller plus loin pour explorer les nouveaux territoires de la création à l’ère numérique. Le lieu combine des salles d’exposition et de spectacle, des studios d’enregistrement, de montage… Le domaine des réalités virtuelles s’est naturellement imposé à nous depuis quelques années. Un des buts est de démocratiser l’accès aux films et expériences VR.

Ce n’est en effet pas encore facile de voir ces films…

«C’est en effet un des enjeux qui se posent à nous. De plus en plus de films sont produits, et il faut que le public puisse les voir. Les dispositifs de visionnage comme les casques sont encore onéreux, et la VR domestique n’est pas encore pour aujourd’hui. Aussi, la mise en place de structures comme celle qui est installée ici au Casino Luxembourg est une très bonne chose. C’est une des questions qui seront abordées lors de la table ronde: quels sont les nouveaux modèles de distribution durables qui vont apparaître?

Le cinéma est une expérience collective, qui se vit dans une salle. Comment transposer cette expérience avec la VR, où chacun est vissé sur son casque?

«C’est précisément ce que nous produisons au Centre Phi, avec des expositions et parcours où le public peut voir et vivre ces films. Nous installons le public pour que les films soient vus ensemble. En outre, certains projets jouent de l’interaction entre différents spectateurs qui sont ensemble en immersion dans le film.

Avant de les diffuser, il faut les produire. Quelles sont les difficultés spécifiques de la VR?

«Le financement des œuvres se heurte à la multiplicité des domaines artistiques concernés; il en va du cinéma, mais aussi du théâtre, de la musique, de la performance, et bien sûr de la technologie. Les fonds sont encore rares, même s’ils se développent. Je salue d’ailleurs le fait que le Film Fund Luxembourg finance ce type de projet au même titre que ceux plus purement cinématographiques. Lors de la table ronde, des producteurs et financiers de VR vont discuter leurs stratégies de financement et de distribution, présenter des exemples de réussite, et les défis de ce marché naissant.

Au niveau du contenu, de la narration et de la réalisation, la VR pose des questions différentes de celles du cinéma…

«Lors d’un tournage en réalité virtuelle, la caméra filme à 360°, et le dispositif de production classique (réalisateur, preneur de son, éclairages…) ne peut pas être visible, donc ne peut pas être présent. Une grande partie du travail se passe en postproduction et suppose des technologies spécifiques. Mais au bout du compte, il s’agit toujours de raconter des histoires ou de faire découvrir celles des autres. Les procédés de narration ne sont pas forcément différents, même si l’œil du spectateur se confond généralement avec celui de la caméra et plonge celui-ci au cœur même de l’intrigue. C’est l’objet de la première table ronde, qui va détailler les nouveaux partenariats qui se nouent entre créateurs expérimentés en VR, théâtre, film, danse, arts visuels, développement de jeux vidéo, ou la technologie en général, pour créer de nouvelles expériences culturelles.

Quels sont les développements que l’on peut encore attendre dans les prochaines années?

«La qualité du matériel, des caméras par exemple, progresse sans cesse. Les casques de visionnage vont certainement évoluer pour être plus légers et plus confortables, ce qui permettra de regarder des films plus longs. De nouveaux dispositifs de monstration vont sûrement apparaître: des fauteuils qui suivent le mouvement du spectateur, des équipements sonores ou sensitifs… Les avancées technologiques permettront sans doute d’augmenter les capacités d’interaction pour renforcer les possibilités de réalité virtuelle sociale. Il y a encore de nombreuses limites à repousser.»

VR DAY - Le 22 février à partir de 10h au Casino Luxembourg.

Pavillon VR – Jusqu’au 3 mars au Casino Luxembourg