Le Berlaymont, siège de la Commission, dont Jean-Claude Juncker, brigue le 13ème étage. (Photo: Commission Européenne)

Le Berlaymont, siège de la Commission, dont Jean-Claude Juncker, brigue le 13ème étage. (Photo: Commission Européenne)

La Commission européenne déclare ce mercredi avoir ouvert trois enquêtes approfondies pour examiner si certaines décisions des autorités fiscales irlandaises, néerlandaises et luxembourgeoises étaient conformes aux règles européennes en matière d’aides d’État. Les sociétés soupçonnées d’avoir bénéficié de décisions trop favorables sont respectivement Apple, Starbucks et Fiat Finance and Trade.

Pour justifier ces mesures, Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la concurrence, juge que «dans le contexte actuel de contraintes budgétaires, il est particulièrement important que les grandes multinationales paient leur juste part d’impôts». L’Espagnol explique ainsi que le droit européen interdit aux autorités nationales de prendre des mesures permettant à certaines entreprises de payer moins d’impôts que d’autres sur un même territoire.

La politisation des règles

Dans le communiqué de la Commission, le commissaire chargé des questions de fiscalité y va lui aussi de son couplet éminemment politique et indique lui qu’une «concurrence loyale est essentielle pour garantir l’intégrité du marché unique, la viabilité des finances publiques des États membres et les conditions de concurrence égales entre les entreprises».

La Commission précise avoir enquêté sur certaines pratiques fiscales à la suite d’articles de presse affirmant que certaines sociétés avaient bénéficié d’importantes réductions d’impôts accordées via des rulings.

Dans un élan pédagogique dont ils sont peu coutumiers, les services de la DG Concurrence précisent que si ces décisions anticipatives ne posent pas de problème en tant que telles, elles peuvent constituer des aides d’État si elles sont utilisées pour conférer des avantages sélectifs, souvent octroyés via des prix de transfert (flux financiers intragroupes) ne correspondant pas aux conditions du marché.

Ainsi, pour ce qui concerne le Luxembourg et dans le cadre de cette procédure, c’est le ruling adopté par l’administration des contributions directes à Fiat Finance and Trade dans le calcul de l’assiette d’imposition pour ses activités de financement qui est dans le collimateur de l’institution veillant au respect des traités. En Irlande, il s’agit d’une décision qui concerne le calcul du bénéfice imposable d’Apple Sales international et d’Apple Operations Europe. Enfin, aux Pays-Bas, c’est le calcul de l’assiette imposable des activités de fabrication de Starbucks manufacturing qui pose problème.

Traitement particulier pour le Grand-Duché

La Commission rappelle par ailleurs que parallèlement à ces procédures formelles d’examen, l’enquête plus générale sur les rulings affectant davantage d’États membres continue.

Dans ce cadre, si les Pays-Bas et l’Irlande ont satisfait aux injonctions de l’exécutif européen, le Luxembourg n’a fourni «qu’un nombre limité de renseignements». Ceux-ci portent sur la décision anticipative relative à Fiat, mais concernent d’autres décisions de l’administration fiscale.

À ce sujet, deux procédures sont en cours. Le gouvernement luxembourgeois conteste auprès de la Cour de justice européenne le bien-fondé juridique des injonctions. La Commission a, elle, déposé un recours en manquement devant la même institution.

Le Luxembourg se retrouve d’autant plus sous pression que la Commission européenne note dans son communiqué que l’administration fiscale des Pays-Bas consent un effort permanent à demander une documentation détaillée pour justifier tel ou tel prix de transfert et que les autorités irlandaises ont fait preuve d’une grande diligence dans la livraison de documents justificatifs. Un très mauvais point pour le Luxembourg donc qui se retrouve une nouvelle fois mis à l’index alors que son nouveau gouvernement mise sur une image de transparence et que le plus éminent représentant de l’ancien brigue la tête de l’institution européenne qui tape sur les doigts du Grand-Duché. Cela deviendrait presque ironique.