Analyse – Charles Barthel est un historien luxembourgeois, spécialisé dans la politique industrielle du Grand-Duché, du 19e et du 20e siècle. (Photo: Matic Zorman)

Analyse – Charles Barthel est un historien luxembourgeois, spécialisé dans la politique industrielle du Grand-Duché, du 19e et du 20e siècle. (Photo: Matic Zorman)

Alors qu’en 1974, la part de la sidérurgie était encore de 25% de la somme des valeurs ajoutées de l’économie luxembourgeoise, elle n’en représentait plus que 12% en 1975, suite à la crise liée au premier choc pétrolier qui l’a touchée de plein fouet.

Et en 2016, l’industrie ne pesait plus que 7,2% du PIB du pays, contre 27,3% pour les activités financières, selon des chiffres d’Eurostat. Le pays s’est certes réorienté dans les services, notamment la finance, mais aussi l’audiovisuel, l’espace, etc., et a réussi, contrairement à ses régions voisines, comme la Lorraine, à retrouver des taux de croissance soutenus.

Mais l’industrie est encore présente au Grand-Duché. Avec respectivement 4.120 et 3.450 salariés au 1er janvier 2018, ArcelorMittal et Goodyear font, par exemple, toujours partie des 10 premiers employeurs du pays.

«Le pays s’est très bien sorti de la crise sidérurgique, avec l’émergence des secteurs financiers, mais il faut se méfier d’une structure économique monolithique, car en cas de crise du domaine bancaire, par exemple, nous pourrions nous retrouver dans la même situation qu’avec la sidérurgie dans les années 70-80, explique l’historien Charles Barthel. D’où l’intérêt de continuer à développer l’économie du pays avec d’autres secteurs, dont l’industrie.»

Et la notion d’industrie elle-même a évolué ces dernières années. «Le Luxembourg reste sur des industries lourdes, avec ArcelorMittal, par exemple, mais de nombreuses entreprises se positionnent sur les nouvelles technologies, comme Rotarex, à Lintgen, notamment.» 

Usine du futur

De manière générale, l’industrie vit actuellement un très fort bouleversement. Toutes les entreprises, quels que soient les territoires ou les pays sur lesquels elles sont implantées, se positionnent sur l’usine du futur, l’industrie 4.0. «La robotisation change notamment le fonctionnement de l’industrie manufacturière. Certaines tâches réalisées par des ouvriers peuvent désormais être effectuées par des robots.»

Les entreprises se spécialisent dans les technologies de pointe, «et le Luxembourg a largement sa carte à jouer sur ces marchés de niche, insiste Charles Barthel. Les salariés présents dans l’industrie ne sont plus ceux d’il y a 50 ou 60 ans. Ils sont plus qualifiés, ont une valeur ajoutée, et, en conséquence, sont plus difficiles à trouver.»

L’offre de formation doit-elle être revue dans le pays? «Pas forcément, je pense que c’est aussi une force que la population se forme dans des écoles d’ingénieurs à l’étranger, qu’elle puisse élargir ses horizons et voir ce qui est fait dans d’autres pays ou dans des usines qui ne sont pas luxembourgeoises, répond l’historien luxembourgeois.Il faut arrêter de penser en termes de nation. Même si des Luxembourgeois se forment à l’étranger et ne reviennent peut-être pas travailler dans leur pays d’origine, ils restent tout de même des ambassadeurs du Grand-Duché, et cela ne doit absolument pas être vu comme une perte sèche pour le pays.»

Mais l’industrie connaît toutefois les mêmes difficultés que d’autres secteurs, comme l’artisanat. «Les jeunes préfèrent travailler pour l’État, ou dans les banques et les assurances, et cette concurrence des cols blancs est très problématique. Le secteur de l’industrie est pourtant passionnant, il faut improviser et se réinventer tous les jours!»