La firme américaine dispose d’un délai plus long pour se prononcer sur un éventuel appel. (photo: Jessica Theis / archives)

La firme américaine dispose d’un délai plus long pour se prononcer sur un éventuel appel. (photo: Jessica Theis / archives)

Deux mois après la décision de Bruxelles, le Luxembourg a décidé de contester l’injonction faite à Amazon de remettre près de 250 millions d’euros à son administration fiscale au titre d’arriérés pour la période 2006-2014.

«Le Luxembourg estime que la Commission n’a pas établi l’existence d’un avantage sélectif dans le chef de Amazon au sens de l’article 107 TFUE», indique le communiqué émis par le ministère des Finances à l’issue des 70 jours de délai légal pour se prononcer sur un éventuel appel. «Par ailleurs, le Luxembourg ne partage pas l’analyse effectuée par la Commission en matière de prix de transfert.»

La Commission remet en cause le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à deux sociétés détenues à 100% par le groupe Amazon: Amazon EU, qui centralise les activités de vente au détail du groupe dans toute l’Europe, et Amazon Europe Holding Technologies, «société en commandite simple n’ayant ni salariés, ni bureaux, ni activités commerciales», qui agit comme intermédiaire entre Amazon EU et le siège américain du groupe.

Un débat technique sur les prix de transfert

Selon la décision fiscale anticipative – ruling – validée par l’Administration des contributions directes en 2003 et reconduite en 2011, Amazon EU versait en moyenne 90% de ses bénéfices d’exploitation à Amazon Europe au titre de droits sur la propriété intellectuelle d’Amazon, et ce alors qu’Amazon Europe n’est pas soumise à l’impôt luxembourgeois en tant que holding. Ce système a ainsi conduit à réduire de trois quarts les bénéfices imposables au Luxembourg tirés des ventes d’Amazon dans toute l’Europe, selon l’interprétation de la Commission.

Celle-ci ne conteste pas la structuration d’Amazon, mais estime que les paiements effectués entre les deux sociétés «n’étaient pas conformes à la réalité économique», induisant un manque à gagner pour l’administration fiscale luxembourgeoise. «La Commission critique l’importance des redevances versées par Amazon EU à la holding qui ont permis de limiter la charge fiscale au niveau du groupe, expliquait en octobre à Paperjam Philippe-Emmanuel Partsch, associé chez Arendt & Medernach et spécialiste du droit européen et de la concurrence. On entre donc dans le domaine technique de la valorisation des prestations entre sociétés dans un groupe de sociétés, autrement dit le ‘transfer pricing’».

Première concernée, la société Amazon n’émet pour l’instant aucun commentaire. Il faut dire que la décision intégrale de la Commission européenne, détaillant son analyse, ne sera pas publiée au journal officiel avant janvier ou février. La société aura ensuite 70 jours à compter de cette date pour décider si elle intente ou non un appel à l’encontre de cette décision.

Le précédent irlandais

Appel ou pas, le Luxembourg se doit de collecter auprès d’Amazon les arriérés d’impôts que la Commission estime à 250 millions d’euros – à l’administration fiscale d’évaluer la somme exacte due par le groupe. Une somme qui rejoindra un compte bloqué en attendant l’issue du contentieux qui pourra prendre quelques années.

Et le Grand-Duché serait mal inspiré de ne pas s’y atteler: l’Irlande, sous le coup d’une décision analogue de la Commission concernant Apple, s’est vu rappeler à l’ordre en octobre pour avoir tardé à collecter les 13 milliards dus selon Bruxelles par le géant américain. Assignée devant la CJUE, elle a fini par obtempérer en annonçant début décembre un début des versements dès le premier trimestre 2018.