Le Conseil de l’Europe promeut le respect des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’État de droit au sein de ses 47 États membres, dont les 28 de l’UE. (Photo: Licence CC)

Le Conseil de l’Europe promeut le respect des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’État de droit au sein de ses 47 États membres, dont les 28 de l’UE. (Photo: Licence CC)

L’organe de protection des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, composé d’experts indépendants, vient de publier son rapport sur le Luxembourg – le cinquième en 20 ans, le dernier remontant à 2011. Un précieux suivi de la situation des droits de l’Homme dans le pays. L’Ecri s’intéresse particulièrement au racisme, à la xénophobie, à l’antisémitisme, à l’intolérance et à la discrimination fondée sur des motifs tels que la «race», les origines ethniques/nationales, la couleur, la nationalité, la religion et la langue.

Le rapport de 43 pages adopté en décembre 2016 et publié cette semaine souligne «des progrès» depuis l’examen précédent, comme la prochaine ouverture d’une Maison des droits de l’Homme regroupant divers organes comme la Commission consultative et des droits de l’Homme et le Centre pour l’égalité de traitement. L’Ecri note également la répression pénale effective des faits d’incitation à la haine et des injures racistes, tout comme le fait que «les politiciens et les médias n’ont, en général, pas recours au discours de haine».

«Au sein de la société luxembourgeoise, un contrôle social très important fait que les résidents de manière générale ne tiennent pas non plus ouvertement des propos haineux», remarque l’Ecri. Celle-ci salue encore l’introduction d’un plan d’action de 2010 à 2014 destiné à améliorer l’accueil des demandeurs de protection internationale. L’enseignement précoce ouvert aux enfants issus de l’immigration, le conventionnement de la communauté musulmane et l’ouverture du mariage aux couples de même sexe figurent aussi parmi les points positifs relevés par le rapport.

Un CET à doter de compétences élargies

Toutefois, l’Ecri fait état d’éléments «préoccupants». «La Constitution ne consacre le droit à l’égalité que pour les Luxembourgeois», souligne la commission du Conseil de l’Europe. Qui note encore les lacunes de la lutte contre les discriminations, puisque le Centre pour l’égalité de traitement (CET) ne peut se saisir de plaintes ni représenter des victimes devant les tribunaux. Aucune procédure ne permet aux victimes de faire valoir leurs droits «de manière facile». Un état de fait depuis longtemps signalé par le CET lui-même, et rappelé lors du 10e anniversaire de la loi portant sa création, en vain, comme l’avait souligné Paperjam dans son édition du mois de février dernier (p52-53).

L’Ecri recommande ainsi aux autorités luxembourgeoises de «reconnaître au CET la capacité de recevoir des plaintes» et de «conférer au CET et à la médiateure les pouvoirs nécessaires pour mener des enquêtes efficaces et le droit d’agir en justice». Elle suggère aussi de rapprocher ces organes du Conseil national des étrangers et de les rattacher à la Chambre. Et pour enfoncer le clou, le Luxembourg devrait «consacrer dans la Constitution le droit à l’égalité de toute personne».

L’Ecri estime aussi que «le référendum tenu en 2015 sur le droit de vote des étrangers a contribué à un repli identitaire national», marqué par une «xénophobie sous-jacente [qui] transparaît dans la presse populiste et sur internet, qui est utilisé pour propager des propos haineux notamment envers les réfugiés, les musulmans et les étrangers en général». Les médias et les fournisseurs d’accès à internet ne jouent d’ailleurs pas leur rôle de prévention d’après l’Ecri, qui préconise «une révision du cadre régulateur en vue de prévenir la dissémination du discours de haine, notamment sur internet».

En raison d’une intolérance marquée qui subsiste à l’égard des personnes LGBT, la majorité d’entre elles ne dévoile pas leur orientation sexuelle voire leur identité de genre.

Cinquième rapport de l’Ecri sur le Luxembourg

La commission pointe également l’absence de suivi des actions en matière de politique d’intégration. Difficultés scolaires des enfants issus de l’immigration, précarité des migrants peu qualifiés, logement social trop peu développé: beaucoup reste à faire de la part des autorités. Un nouveau plan d’intégration assorti d’un budget approprié serait le bienvenu.

Des progrès sont encore attendus dans le traitement des personnes LGBT. «En raison d’une intolérance marquée qui subsiste à l’égard des personnes LGBT, la majorité d’entre elles ne dévoile pas leur orientation sexuelle voire leur identité de genre», déplore l’Ecri, qui prône un enseignement de la diversité sexuelle à l’école et une simplification du changement de prénom et de genre des personnes transgenres, alors que celles-ci doivent surmonter un véritable parcours du combattant à l’heure actuelle. «Les autorités devraient promouvoir la compréhension et le respect envers les personnes LGBT et fournir aux jeunes LGBT l’information, la protection et le soutien dont ils ont besoin», souligne l’Ecri.

Le gouvernement prend acte

L’identité de genre, comme la langue d’ailleurs, n’apparaissent toujours pas comme des motifs de discrimination sanctionnés pénalement. L’Ecri recommande au gouvernement de qualifier, dans le Code pénal, la motivation raciste et homo/transphobe de circonstance aggravante, et d’instaurer un véritable «système d’enregistrement et de suivi des incidents racistes et homo/transphobes» afin de pouvoir publier des statistiques.

«Les commentaires et recommandations du rapport, qui couvre la période allant jusqu’au 30 juin 2016, sont pris au sérieux par le gouvernement et par les administrations concernées», a réagi le gouvernement dans un communiqué. «Le gouvernement compte poursuivre les travaux dans les différents domaines abordés par le rapport, tout en saluant les efforts déjà entrepris non seulement par les nombreuses administrations, mais aussi par les organisations de la société civile et tous les autres acteurs concernés par l’intégration et l’inclusion de tous au Luxembourg.»