Placé en régime de gestion contrôlée, l’opérateur attend désormais que le tribunal administratif valide une offre de reprise. Une disparition pure et simple de la société pourrait avoir des conséquences très néfastes pour bon nombre d’acteurs économiques.  (Illustration: Maison Moderne)

Placé en régime de gestion contrôlée, l’opérateur attend désormais que le tribunal administratif valide une offre de reprise. Une disparition pure et simple de la société pourrait avoir des conséquences très néfastes pour bon nombre d’acteurs économiques.  (Illustration: Maison Moderne)

Ils sont 11 à avoir voulu se partager la bête. Le 10 octobre dernier s’est arrêtée la période de dépôt des offres de reprise – intégrale ou par morceaux – de Telecom Luxembourg Private Operator (TLPO), société placée sous le régime de la gestion contrôlée à la mi-septembre. Un dossier a finalement été transmis au juge Jean-Paul Hoffmann qui, à l’heure où nous clôturions cette édition de Paperjam print, n’avait pas encore pris sa décision.

Si, régulièrement, les rumeurs et les bruits les plus divers et variés ont circulé au sujet de TLPO, l’heure est désormais à sauver ce qui peut l’être, alors que la société est en proie à des difficultés financières qui se sont accumulées au fil des années. Très régulièrement, il a ainsi été fait appel à l’article 100 de la loi sur les sociétés commerciales, permettant de poursuivre une activité en dépit de pertes supérieures à la moitié du capital social… sachant qu’elles ont parfois été supérieures à l’entièreté du capital.

Le changement de stratégie de la société de private equity a scellé le sort de l’opérateur qui revendiquait une position de premier opérateur alternatif pour le Luxembourg.

Ce sont surtout les frais de développement, les charges d’intérêt et les charges d’amortissement élevés qui ont régulièrement plombé les comptes, alors que le chiffre d’affaires s’est généralement maintenu à un niveau supérieur à 10 millions d’euros. Un premier plan de restructuration mis en place entre décembre 2012 et mars 2013, et qui avait touché une demi-douzaine de salariés, avait déjà servi à assainir, provisoirement, la situation économique de l’entreprise.

Mais cette mesure n’était certainement pas non plus le remède absolu aux maux de TLPO, dont les pertes cumulées au 31 décembre 2015 ont atteint 12,1  millions d’euros et un passif circulant qui excédait l’actif circulant de 3,8  millions d’euros.

Longtemps, le navire a été maintenu à flot par l’intervention de l’actionnaire principal, BIP, qui a régulièrement injecté des millions d’euros de capitaux frais (ou de renoncement à des créances). Mais le changement de stratégie de la société de private equity, qui a décidé, dans un délai de quatre à six ans, de liquider ses participations pour redémarrer une autre activité, sous le giron de la banque d’affaires Goldman Sachs, a scellé le sort de l’opérateur qui revendiquait une position de premier opérateur alternatif pour le Luxembourg.

Intégrateur ICT devenu opérateur télécom en 2009, Telecom Luxembourg a lourdement investi toutes ces dernières années (largement plus de 10 millions d’euros) pour la mise en place d’un réseau de fibre optique et l’interconnexion des liens constitutifs de ce réseau. En se structurant de la sorte, la société devenait aussi une cible de choix pour tout groupe international désireux de se développer au Grand-Duché.

TLPO avait notamment procédé récemment au rachat de la plateforme et des clients voicecloud d’Unify et, surtout, du réseau international de fibres optiques développé par Luxconnect. Plus récemment, la société avait également conclu un partenariat avec Orange Luxembourg pour le déploiement de connexions mobiles à très haut débit (4G et 4G+) pour compléter la connectivité des réseaux, de la fibre et des data centers.

Ces dernières années, plusieurs dossiers concrets de reprise avaient atterri sur le bureau du conseil d’administration. Belgacom ou Numericable furent parmi les plus avancés dans les discussions, mais jamais rien n’aboutit, de sorte que la société s’est retrouvée, cet été, dans l’incapacité de poursuivre ses activités de façon pérenne. C’est ainsi que début août, ce même conseil d’administration, présidé par le fondateur de la société, Jérôme Grandidier, avait ni plus ni moins reconnu l’état de cessation de paiement de TLPO, tout en étudiant d’autres solutions alternatives.

Ces «études» sont sans doute sur le point de payer, l’espoir de voir la société poursuivre ses activités étant bien réel, ce qui est rarement le cas dans des situations de gestion contrôlée (la dernière en date, Espirito Santo, s’est soldée par une faillite pure et simple). Mais l’enjeu va bien au-delà de la seule existence de Telecom Luxembourg, tant il est clair qu’une disparition brutale de l’opérateur aurait pu (ou pourrait…) avoir des conséquences apocalyptiques pour l’ensemble de l’activité de la Place, sachant que très peu de clients disposent de deux prestataires télécoms afin de garantir une redondance technologique et une continuité des services en cas de défaillance de l’un des prestataires.

Peut-être les malheurs de TLPO serviront-ils au moins à modifier la donne dans ce domaine et à généraliser des pratiques qui semblent frappées au coin du bon sens.