La Cour de cassation a été saisie en septembre d'une requête en suspicion légitime contre le juge d'instruction directeur Ernest Nilles. Il est sorti blanchi. (Photo: Luc Deflorenne /archives)

La Cour de cassation a été saisie en septembre d'une requête en suspicion légitime contre le juge d'instruction directeur Ernest Nilles. Il est sorti blanchi. (Photo: Luc Deflorenne /archives)

La procédure est trop rare pour ne pas lui accorder une mention spéciale. Elle révèle aussi que pour tenter d’échapper à des poursuites et sauver leur honorabilité, certains praticiens du droit ne reculent devant rien pour mettre en cause les enquêteurs et les magistrats.

Le juge d’instruction directeur Ernest Nilles a fait l’objet en septembre dernier d’une requête en suspicion légitime initiée par l’avocat de deux avocats associés dans une étude de Luxembourg-ville, dont nous tairons les noms, pour avoir tardé à intervenir auprès d’un de ses jeunes collègues du cabinet d’instruction, qui avait fait preuve de beaucoup de zèle lors de perquisitions visant l’un des associés, au cœur d’une enquête judiciaire.

Le «patron» du cabinet d’instruction s’est vu reprocher d’avoir «cautionné (…) les agissements inadmissibles de ce juge d’instruction lors de perquisitions ordonnées par lui». L’absence de pugnacité de Nilles a suscité «des doutes objectivement justifiés quant à (son) impartialité fonctionnelle».

Le juge d’instruction incriminé par les avocats aurait mis du zèle lors d’une perquisition à l’étude des deux associés. Il aurait notamment fait ouvrir leur coffre-fort situé à la cave, en l’absence d’un des deux avocats qui en avait seul les clefs et qui était alors en déplacement. Fin mars 2014, Ernest Nilles reçoit une lettre lui demandant de se charger personnellement du dossier en remplacement du jeune magistrat de son cabinet.

Agissements fautifs

Les deux avocats font monter encore la pression quelques semaines plus tard. La Chambre du conseil du tribunal de Luxembourg, puis de la Cour d’appel (qui siègent à huis clos) rendent successivement les 2 avril et 18 juin 2014 des ordonnances qui auraient sanctionné, selon leurs propres termes, les «agissements fautifs» du juge d’instruction. Nilles attendit toutefois jusqu’au 9 octobre 2014 suivant pour se charger lui-même de l’enquête. Il ordonna d’ailleurs une nouvelle perquisition en juillet 2015, elle aussi controversée, Nilles ayant été accusé de s’être entretenu «en secret» avec le représentant du parquet. La descente sur les lieux eut finalement lieu à la mi-septembre.

Dans le même temps, le chef du cabinet d’instruction est visé par une requête en suspicion légitime. Un genre d’affaire qu’il appartient à la Cour de cassation de trancher. Son arrêt est tombé début janvier, qui a blanchi le magistrat de tout soupçon. «La requête en suspicion légitime, écrivent les juges suprêmes, ne doit pas se substituer à l’exercice des voies de recours normales contre les décisions ne donnant pas satisfaction, lesquelles ne constituent pas en soi la preuve d’un manque d’impartialité du juge qui les a rendues.»

La justice peut poursuivre plus sereinement son travail.