Le Jeune barreau craint une dévalorisation du statut de la profession d'avocat. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Le Jeune barreau craint une dévalorisation du statut de la profession d'avocat. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Dans une lettre de trois pages adressée le 18 novembre au Bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Rosario Grasso, Anissa Bali, président de la Conférence du Jeune Barreau de Luxembourg (qui s’exprime au nom du comité de l’association qui défend les intérêts des avocats inscrits depuis moins de 11 ans au Barreau) met en cause la décision du ministre de la Justice de réduire de 400 à 150 euros l’indemnité mensuelle que l’État verse aux avocats stagiaires (il y en aurait 400 par an). Une décision unilatérale pour une indemnité que «revêt un caractère insultant pour la profession d’avocat», écrit-elle. 

Le ministre Félix Braz a justifié cette réduction en invoquant l’existence de l’assistance judiciaire qui fait vivre les jeunes avocats, mais dont les tarifs n’ont pas été indexés depuis cinq ans. Le précédent gouvernement entendait d’ailleurs passer un coup de rabot dans les tarifs.

Sous le niveau des salariés non qualifiés

Anissa Bali dresse un tableau peu réjouissant de la précarité des avocats stagiaires qui ont le plus souvent un statut d’indépendant et sont donc soumis au paiement des cotisations sociales applicables aux professions libérales. Or, les stagiaires qui ont derrière eux cinq ans d’études en droit, voire plus si on ajoute la fréquentation obligatoire du Cours complémentaire en droit luxembourgeois, perçoivent en moyenne pour leur première année des honoraires mensuels de 2.000 euros bruts, à charge de leur patron de stage. En retranchant un quart de cette indemnité pour les cotisations sociales, il leur reste une «rémunération» totale de 1.520 euros nets, soit un peu plus que le revenu minimum garanti (1.298 euros nets), mais moins que le salaire social minimum pour un salarié non qualifié (1.700 euros nets mensuels).

«C’est inacceptable», souligne la présidence de la CJBL, qui interpelle de ce fait le bâtonnier «en tant que gardien de notre Ordre et de notre profession» pour qu’il se prononce officiellement «sur cette décision ministérielle qui affectera de nombreux avocats stagiaires au Luxembourg».

Anissa Bali reconnaît toutefois que la solution au statut précaire de l’avocat stagiaire n’est pas à rechercher dans l’aide financière octroyée par l’État luxembourgeois. C’est la raison pour laquelle elle demande à Rosario Grasso d’agir pour leur offrir des conditions financières décentes.

Hausse du taux horaire de l’aide judiciaire?

Des pistes existent et le Barreau pourrait s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger où les avocats stagiaires bénéficient d’une convention de collaboration prévoyant, entre autres des honoraires minimums.  «Il s’agit d’une piste sérieuse», écrit la présidence pour laquelle «l’absence d’encadrement du statut (…) risque d’aboutir dans un avenir proche à une dévalorisation du statut de la profession d’avocat».

Une seconde piste serait de revoir à la hausse le taux horaire de l’assistance judiciaire. Une troisième voie consisterait «à responsabiliser davantage les patrons de stage», mais sur ce point, Anissa Bali émet les plus grands doutes. La présidente de la CJBL dénonce d’ailleurs le comportement et les pratiques de certains d’entre eux («même si nous présumons qu’ils sont en minorité», indique-t-elle) qui n’hésitent pas à demander à leurs stagiaires de prendre des congés pour assister aux cours obligatoires ou d’aller plaider des affaires pour le compte de leur étude le jour même de leurs examens.

Le jeune Barreau demande au Bâtonnier et aux membres du Conseil de l’Ordre d’organiser une réunion «dans les plus brefs délais» dans le but non seulement de discuter du statut du stagiaire, mais surtout «d’entreprendre de réelles actions».