Steve Glod est gestionnaire du fonds BL-Equities Japan auprès de BLI (Photo: BLI)

Steve Glod est gestionnaire du fonds BL-Equities Japan auprès de BLI (Photo: BLI)

Après les élections de décembre 2012, le nouveau Premier ministre Shinzo Abe et son gouvernement ont mis sur pied un ambitieux programme économique visant à redonner un élan à l'économie japonaise, en berne depuis des décennies, et à briser la spirale déflationniste qui pèse sur les investissements des entreprises et la consommation des ménages.

Ces mesures, baptisées «Abenomics», reposent sur trois piliers : une politique monétaire expansionniste, une augmentation des dépenses budgétaires et la mise en place de réformes structurelles. Si le bienfondé des volets monétaire et budgétaire fait débat parmi les économistes, l'apport des réformes structurelles fait l'unanimité.

La mise en œuvre de ces dernières s'impose en effet pour contrer les importants problèmes qui touchent le Japon. Compte tenu de sa structure démographie défavorable, le pays du Soleil levant voit sa population active décroître à un rythme inquiétant. S'il veut inverser la tendance, le gouvernement nippon n'aura d'autre choix que d'assouplir sa très rigide politique d'immigration et de parvenir à augmenter le taux de participation des femmes dans la main-d'œuvre.

Un autre problème touche à la rentabilité des entreprises japonaises, actuellement nettement inférieure à celle de leurs homologues internationaux, et ceci pour de multiples raisons. Dans plusieurs secteurs d'activités, la complexité des réglementations constitue une entrave à la productivité et à l'innovation. Des géants de l'électronique tels que Sony ou Sharp, jadis leaders dans leur secteur, enregistrent aujourd'hui des pertes et se font devancer par leurs concurrents internationaux comme Apple ou Samsung. La culture japonaise tend également à maintenir à flot des entreprises non rentables et ses énormes conglomérats se montrent réticents à stopper leurs activités déficitaires. Autant d'obstacles au processus de destruction créatrice qui conduit à la disparation des entreprises non rentables et incite celles qui sont solides et innovantes à se développer. Sur le marché du travail, la rigidité du système japonais favorise les emplois à vie et est une entrave à la mobilité des travailleurs, pourtant nécessaire afin de garantir une allocation judicieuse des ressources humaines du pays.

Triple objectif

Les réformes structurelles imaginées par le gouvernement poursuivent un triple objectif : améliorer le climat des affaires, promouvoir l'innovation et encourager le secteur privé à faire basculer les ressources allouées à des activités en déclin vers les segments de croissance. Efficacement mises en œuvre, ces initiatives pourraient déclencher un cercle vertueux dans le cadre duquel une augmentation de la productivité des entreprises et des salaires serait à la base d'une croissance économique plus vigoureuse. Déterminées à améliorer leur politique de rémunération des actionnaires et à privilégier davantage la rentabilité, les grandes entreprises nippones semblent prêtes à jouer le jeu. À l'instar de Toyota ou Hitachi, certaines d'entre elles ont déjà commencé à augmenter les salaires, alors que la majorité attend toujours que la promesse d'Abe de faire avancer les réformes structurelles se traduise par des résultats concrets.

Ces réformes seront difficiles à mettre en place et nécessiteront l'émergence d'un consensus national entre les entreprises, le gouvernement et les syndicats. Patience et persévérance seront les mots-clés sur le chemin escarpé d'une relance économique durable. Deux axes sont à privilégier pour les investisseurs : un horizon d'investissement à long terme et la priorité donnée aux entreprises de qualité disposant d'un avantage compétitif. Ces dernières sont moins tributaires de l'issue incertaine des politiques budgétaire et monétaire des Abenomics, tout en étant bien positionnées pour tirer parti des réformes structurelles inévitables.