Seul face au fisc, le frontalier belge doit se justifier sans cesse sur sa présence réelle au Grand-Duché. ( Photo: David Laurent / archives )

Seul face au fisc, le frontalier belge doit se justifier sans cesse sur sa présence réelle au Grand-Duché. ( Photo: David Laurent / archives )

Oubliés, les cas de salariés luxembourgeois victimes du zèle des contrôleurs du fisc de leur pays de résidence, la Belgique? On en parle moins de ce côté-ci de la frontière, depuis que les choses ont été évoquées à une échelle bilatérale, notamment lors de réunions de la commission administrative belgo-luxembourgeoise. Mais sur le terrain, alors que des instances politiques (notamment le MR, le parti libéral belge francophone) et syndicales plaident pour une révision à la marge de la convention bilatérale préventive de la double imposition, les cas remontent, parfois spectaculaires.

Celui de ce cadre belge (on lui conserve son anonymat, appelons-le M. B.), qui travaillait au Luxembourg jusqu'au printemps 2013, est éloquent. M. B. vient d'ailleurs d'écrire à la Commission européenne section «Emploi, affaires sociales et inclusion» pour lui parler du «harcèlement» dont il est victime: son mail a été pris comme une plainte, actée avec un numéro de référence. «Ils vont faire une enquête et réagir au besoin.»

Une double lame d'imposition d'office

Il est quand même question d'un contribuable (qui a déjà payé des impôts sur son revenu au Luxembourg, depuis 2007) qui est «pisté» par les contributions belges depuis octobre 2012, au sujet de ses revenus 2010 et 2011 d'abord, et qui, depuis quelques jours, voit la deuxième lame tomber, pour ses revenus 2012 et 2013...

«Le fisc m'a taxé d'office et me réclame 60.000 euros», témoigne-t-il, documents à l'appui. «S'il en est de même pour les revenus des deux dernières années, l'imposition d'office devrait être de 40.000 euros environ.»

Soit un total de 100.000 euros, «une demi-maison» souligne M. B., que le fisc menace d'huissiers, de saisies conservatoires ou d'hypothèque.

Directives non respectées

Dans une lettre adressée au ministre des Finances belge (en affaires courantes, dans l'attente prolongée d'un nouveau gouvernement fédéral), Koen Geens, M. B. en appelle à l'intervention de l'autorité ministérielle. «Vos propres directives ne sont pas respectées par votre personnel», écrit notamment le contribuable, qui dénonce un «acharnement» et un «harcèlement» aussi manifeste que brutal et non justifié.

Les services de Koen Geens ont accusé réception. Les derniers intervenants politiques, côté belge, aussi. Le ministre des Finances, en date du 26 août dernier, a répondu aux interpellations du député Josy Arens et du syndicat chrétien (CSC, qui a une commission frontaliers commune au LCGB).

Koen Geens y rappelle, entre autres considérations, que «la qualité des preuves à apporter» lors d'une enquête du fisc se trouve «largement conditionnée par la nature de l'activité du travailleur».

Sauf cas rares...

Le ministre signataire poursuit: «S'il est exact que les contrats de travail et attestations d'employeur ne suffisent pas toujours à eux seuls, il serait faux d'affirmer qu'ils sont systématiquement négligés. Ils constituent au contraire des indices prépondérants, en particulier lorsque le poste occupé par le salarié présente un caractère par essence sédentaire»... Il souligne encore qu'il a bien été demandé aux services belges de taxation «d'agir avec discernement».

«Sauf cas rares», écrit aussi M. Geens, «un habitant du royaume exerçant une activité salariée au Luxembourg ne sera pas contraint de justifier chaque jour de présence physique sur le territoire grand-ducal, singulièrement s'il s'agit d'années écoulées». Et pourtant, les cas ne sont apparemment pas si rares que cela.

«Les risques de double imposition sont quasi inexistants», conclut le ministre, qui se réfère aux procédures de concertation et de correction mises en place entre les autorités fiscales belges et luxembourgeoises. Sur demande expresse, motivée, et à présenter dans les deux ans, on peut espérer un remboursement... En attendant, le paiement est requis. Sauf discernement...