Bernhard Dedenbach (Partners to Leaders):  «C’est un travail complexe et fastidieux.» (Photo : Olivier Minaire)

Bernhard Dedenbach (Partners to Leaders): «C’est un travail complexe et fastidieux.» (Photo : Olivier Minaire)

De nombreuses entreprises du secteur financier sont en pleins travaux: leur régulateur les oblige à revoir leurs modes de rémunération.

Monsieur Dedenbach, on sent une volonté des autorités de régulation de mieux encadrer les rémunérations dans le secteur financier. Qui est en fait concerné par la circulaire CSSF 10/437?

«Dans la foulée de la crise économique, nous avons constaté que divers modèles de rémunération pratiqués dans le secteur financier avaient incité des employés et cadres de banque à prendre des risques démesurés, avec les conséquences que l’on connaît. La circulaire CSSF 10/437 est une réaction à cette évolution malsaine et s’inscrit dans une démarche plus générale, initiée par la Commission européenne, les législateurs et les autorités de surveillance. L’initiative vise à améliorer la protection des consommateurs, notamment les épargnants, et à réinstaurer la confiance en notre système bancaire, fortement secoué par la crise économique.

La lettre circulaire s’adresse aux institutions financières supervisées par la CSSF, à l’exception des PSF dits «de support», c’est-à-dire des prestataires, généralement informatiques, qui supportent ces institutions. Toujours est-il que toutes les entreprises devraient se doter d’une politique de rémunération compatible avec une gestion saine et efficace des risques.
Il paraît logique qu’une entreprise prenne en considération toutes les fonctions et positions quand elle redéfinit la politique de rémunération.

Cette circulaire permettra-t-elle d’éviter des abus, souvent ressentis comme choquants par l’opinion?

«L’implémentation d’une politique de rémunération en ligne avec la lettre circulaire aidera certainement à mieux gérer les risques inhérents au métier de la banque. Pourtant, en mettant en place une politique de rémunération saine, une entreprise ne peut pas se prémunir contre une fraude ou un abus par des individus qui chercheraient à gagner davantage en prenant des risques insensés. 

C’est pourquoi une partie de la rémunération variable, notamment pour les dirigeants, devrait être différée dans le temps. Les entreprises essaient de se réserver le droit de réclamer le remboursement de primes qui auraient été gagnées de manière malhonnête.

Cette circulaire modifie-t-elle l’exposition au risque des entreprises concernées? «Comme déjà mentionné, le risque est inhérent au métier de banque. Or, avec une politique de rémunération saine, une institution financière peut mieux gérer ce risque et notamment décourager la prise excessive de risque.

La mise en œuvre de la circulaire est-elle complexe?

«Il y a de multiples modèles de business et diverses activités financières au Luxembourg. La place financière est donc complexe par nature. La mise en œuvre de la lettre circulaire nécessite une analyse profonde de la nature du risque pour chaque institution. Elle doit prendre en considération la taille et le volume d’affaires, la structure des produits et services ainsi que les différents marchés sur lesquels l’institution est active.

Nous devons enfin faire la distinction entre les grandes banques qui disposent d’organes de contrôle bien établis, et les acteurs à dimension plus petite, qui manquent souvent de structures de gouvernance solides.

C’est donc un travail complexe et fastidieux, et beaucoup d’institutions sollicitent l’assistance externe, notamment auprès de l’Institut des administrateurs et de son comité de rémunération dont je fais partie.»