Tout a commencé par un communiqué, maladroitement glissé comme une simple news sans importance sur le site web de la Haute Ecole Blaise Pascal. Celle-ci, issue du réseau libre (enseignement catholique), rassemble des départements à Arlon, Virton, Bastogne, etc. On y forme, notamment, des comptables et assistants de direction (Arlon) très demandés sur le marché luxembourgeois… On y forme aussi, à Virton, à l’institut de Pierrard, des ingénieurs industriels, des bacheliers eux aussi très prisés sur le marché de la Grande Région, en manque cruel d’ingénieurs semble-t-il.
Or la nouvelle sur le site, émanant du pouvoir organisateur de la Haute Ecole, annonçait un plan stratégique, une nouvelle donne. En l’occurrence, notamment, la construction d’un campus tout neuf – évalué à 5 millions d’euros –, sur une zone d’activités industrielles et de recherche à Marche-en-Famenne, en phase avec des entreprises et l’Université Catholique de Louvain (UCL), entre autres partenaires. On y regrouperait, à l’horizon 2010 peut-être, les ingénieurs de Pierrard et les électromécaniciens d’Arlon.
Tollé! D’abord parce que Pierrard est centenaire à Virton. Ensuite parce que l’annonce surprenait tout le monde, même le landernau politique démocrate humaniste, proche des milieux chrétiens. Tollé encore parce que le sud, Virton et Arlon, se sentait dépossédé et, surtout, menacé.
Ne pas briser les liens avec le Luxembourg
A ce stade, tous les arguments ont pris une envergure socioéconomique régionale et transfrontalière. A peu près tous les intervenants (élus locaux, régionaux, fédéraux, ministre, fédérations de parents, syndicats, personnel…) qui ont pris la parole dans ce dossier évoquent l’impérieuse nécessité de ne pas se couper du voisinage immédiat du Luxembourg.
On évoque la situation géographique, les liaisons ferroviaires améliorées (dont le fameux Virton-Athus-Luxembourg par Pétange ou l’Arlon-Luxembourg), les synergies qui existent déjà avec de nombreuses entreprises grand-ducales, l’émergence d’Esch-Belval, la demande constante en main-d’œuvre qualifiée… Donc pourquoi aller vers Marche-en-Famenne, plus naturellement tournée vers Liège ou Namur?
Cet argumentaire «pro-Luxembourg», la Haute Ecole Blaise Pascal l’utilise elle-même pour développer son département économie, dont presque l’intégralité des diplômés se dirige vers le vivier d’emplois grand-ducal. En outre, les départements pédagogie (formation d’instituteurs notamment) accueillent, aussi, bon nombre d’étudiants luxembourgeois.
Et puis il n’y a pas que cette Haute Ecole. Sa consoeur du réseau officiel (Communauté française), la Haute Ecole Robert Schuman, (HERS) a également ses soucis. L’institut supérieur industriel d’Arlon a aussi de gros problèmes pour tenir financièrement. Les candidats ingénieurs manquent aussi, alors même qu’ils sont très demandés sur les marchés intérieur et alentours.
On évoque d’autres hypothèques à l’horizon, pour le département pédagogie de Virton par exemple, ennuyé par les quotas «non-résidents» et de possibles «normes de maintien». Et, poussée par les décrets, les exigences de financement et de rationalisation du pouvoir politique qui paie l’ensemble, la HERS joue aussi la carte des rapprochements potentiels, plutôt sous la houlette de l’université de Liège, dans ce cas-ci.
Une unité forte, avec l’Université?
Bref, c’est un beau sac de nœuds, où se mêlent impérieuses nécessités de survie financière, faibles vocations estudiantines, logiques économiques, bassins de vie, politique et options confessionnelles!
Alors que les réunions se multiplient, dans le camp «chrétien» surtout, des voix de plus en plus nombreuses en appellent à une vision globale. Partant du principe que le statu-quo ne serait tenable à terme pour personne, plusieurs hypothèses émergent, parfois du bout des lèvres et dans des coulisses plus discrètes. On parle de synergies, de rapprochements, voire de fusion, notamment pour faire, avec deux écoles d’ingénieurs à moitié vides, une grande école ne demandant qu’à se développer. Pas si simple, s’agissant de réseaux différents, de traditions ancestrales et même de lutte d’influence entre universités partenaires.
A ce propos, une troisième voie se fait entendre de temps à autres dans quelque alcôve. Elle imagine une haute école neutre – sous l’égide de la Province? –, en collaboration avec les universités de l’intérieur du pays, en synergie avec la recherche et l’entreprise sur la Lorraine et le Grand-Duché qui fourniraient aussi des étudiants, une école qui sortirait des bacheliers recherchés dans une formule inédite, avec la collaboration de l’Université de Luxembourg par exemple. Science fiction ou vision d’avenir à la sauce de Bologne?