Pascal Saint-Amans: «Nous souhaitons que la Commission continue de nous soutenir.» (Photo: OCDE)

Pascal Saint-Amans: «Nous souhaitons que la Commission continue de nous soutenir.» (Photo: OCDE)

Monsieur Saint-Amans, en quelques mots, qu’est ce que le nouveau modèle de convention fiscale a de plus que le précédent?

«Le nouveau modèle de convention fiscale approuvé cette semaine n’est pas révolutionnaire, mais prend tout de même en compte le résultat de deux années de travail. Il introduit des modifications techniques comme des demandes de groupe en matière d'échange de renseignements… mais cela appartient déjà un peu au passé, car nous sommes en train de passer à l’échange automatiqueet avons du coup changé de standard.

Ce nouveau modèle apporte surtout des clarifications sur le traitement fiscal des revenus des artistes et des sportifs. Il y a une petite avancée sur l’identification du bénéficiaire effectif également. Tout cela est assez secondaire et de moindre importance par rapport aux travaux Beps (lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert des bénéfices, ndlr) que nous sommes en train de conduire. C’est un update qui n’est pas majeur dirons-nous. Cela implique simplement que quand les États renégocient leurs conventions fiscales, ils prennent l’engagement de considérer ces changements en vue de l’amélioration de leur réseau conventionnel.

Jean-Claude Juncker a annoncé cette semaine vouloir pousser l’adoption d’une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés. Un pas significatif ou faux-semblant destiné à montrer de bonnes intentions qu’il n’a pas vraiment?

«Je ne suis pas sûr que la question doive se poser en ces termes. L’assiette consolidée est un projet sur la table depuis plus de 10 ans et qui risque d’y rester encore longtemps. Il est sans doute très utile que le président de la Commission européenne soutienne cette initiative, mais nous parlons de choses qui n’ont pas vocation à obtenir l’unanimité dans l’espace communautaire avant un certain temps. C’est bien, mais est-ce vraiment la question?

La question plus urgente est: comment fait-on au niveau global et au niveau de l’Union européenne pour mettre fin à l’évasion fiscale massive? Comment traite-t-on Beps de manière opérationnelle et réaliste politiquement? Clairement, comme il n’y aura pas d’accord sur l’assiette commune consolidée à l’ordre du jour avant un certain temps, le vrai sujet est comment traiter les questions Beps et là-dessus, jusqu’à présent, on a eu une excellente relation avec la Commission européenne. On travaille de concert. Elle soutient nos travaux. Nous aide à avancer au niveau global et nous souhaitons que cela se poursuive.

Les actions au porteur sont dorénavant immobilisées au Grand-Duché. Signe que le gouvernement luxembourgeois va dans la bonne direction ou vous le soupçonnez d’intentions cachées?

«Il y a d’abord le volet transparence. Là je crois qu’on peut dire que le Luxembourg a décidé – grâce notamment à l’action du nouveau gouvernement – de prendre des mesures drastiques pour sortir de l’opacité dans laquelle le Luxembourg s’était enlisé. Le nouveau ministre des Finances a un plan très clair. Il y a des mesures concrètes qui sont en train d’être prises. Je l’ai d’ailleurs vu récemment, il a manifesté une volonté sans ambigüité de sortir de la nasse dans laquelle ils sont sur ce sujet.

Puis il y a un autre sujet qui est Beps, qui est l’utilisation du Luxembourg à des fins de localisation de profit sans qu’il n’y ait d’activité économique réelle. Et là évidemment le sujet semble plus compliqué.

Vous ne partagez pas la doctrine «junckerienne» selon laquelle il faut être favorable à la concurrence fiscale du moment qu’elle n’est pas déloyale?

«La concurrence fiscale, tout le monde y est favorable. Que les États aient des régimes compétitifs pour attirer des vraies activités, personne n’a de problème avec ça. Le problème que l’on voit avec Beps, ce sont les rulings, ce sont les régimes spécifiques destinés à attirer les capitaux mobiles sans vraiment attirer les activités... Beps ambitionne de mettre fin à ça, de mettre fin au treaty shopping, de mettre fin à un certain nombre de pratiques légales qui permettent l’évasion fiscale massive.

Quelles sont justement les prochaines étapes de Beps?

«C’est la présentation, les 20 et 21 septembre, par les ministres des Finances du G20 lors de la réunion de Cairns, des sept premières mesures. Ces mesures permettront de commencer à neutraliser Beps. La seconde phase sera l’élaboration du plan d’action 2015. Nous sommes dans les délais. Nous avons de bons accords et des compromis qui permettent de réellement changer l’environnement. Le temps où les entreprises pouvaient localiser leurs profits dans des entités sans réelle activité, en toute légalité, mais en suivant la seule logique de planification fiscale agressive, appartiendra bientôt au passé.»