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Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Mais il est parfois bien mieux de s'y prendre quand même à l'avance? 

Si, typiquement, bon nombre de salariés ou d'indépendants commencent à se soucier de ce que sera leur retraite quelques années, seulement, avant d'y arriver, ils ne se laissent, du coup, pas tellement de temps pour se constituer un pécule important qui saura combler la différence entre ce qu'ils toucheront de leur pension légale et leur niveau de salaire au moment de prendre la retraite.

Car c'est évidemment essentiellement là que se joue une grande partie du problème. "Les gens qui possèdent un train de vie assez élevé auront plus de difficultés à le maintenir après leur départ en retraite. Ca peut poser de gros problèmes parfois" note Daniel Schweitzer, directeur de Schweitzer Assurances, courtier international en assurances dont le siège est au Luxembourg, et qui est notamment spécialisé dans la clientèles des "indépendants" (médecins, avocats, architectes, pharmaciens, notaires, ?), soit un marché de quelque 6.000 professionnels au Grand-Duché.

Evidemment, à une tranche d'âge correspondent, en général, des besoins radicalement différents. Les personnes commençant dans la vie active, et qui n'ont certainement pas envie de penser déjà à leur retraite, auront plus tendance à se diriger vers des produits de prévoyance de risques purs. C'est plus tard qu'elles cibleront plutôt l'aspect pension.

?LA DEMARCHE FISCALE NE DEVRAIT JAMAIS ETRE

LA MOTIVATION PREMIERE?

"La stratégie pour nous est de fidéliser la clientèle 35-45 ans. D'abord au travers du 2è pilier (pension complémentaire dans le cadre de l'entreprise, NDLR), lorsque l'employeur cotise pour elle. Puis, quelques années plus tard, lorsqu'elle a le pouvoir d'achat nécessaire pour souscrire à un contrat d'assurance-pension' explique ainsi Thierry Flamand, Directeur de Dexia Life & Pensions.

Bien que l'importance du produit n'échappe à personne, il est pourtant rare qu'un assureur-vie reçoive un client lui demandant spontanément de souscrire un contrat. Le marché de l'assurance-vie reste vendeur et non pas acheteur, et ce sont aux compagnies, généralement, d'approcher leurs clients. "C'est clairement notre rôle d'inciter un client à réfléchir à la question' reconnaît Jean Habay, Directeur de La Luxembourgeoise-Vie.

Une fois le client cerné, reste à cibler ses besoins et ses attentes qui, fatalement, sont particuliers à chacun. Et même parfois déroutants. "Il arrive parfois que nous finalisions des contrats d'ordre purement fiscaux, où les gens viennent nous voir en disant 'j'ai 48.000 francs à déduire, faites moi le contrat', sans nécessairement qu'ils fassent attention à ce qu'il y a derrière" reconnaît ainsi M. Habay.

"80% des gens agissent de la sorte confirme Daniel Schweitzer. La démarche fiscale ne devrait pourtant jamais être la motivation première de quelqu'un qui souhaite établir un contrat. Il  faut tout d'abord bien cibler les besoins. Et ensuite, seulement, voir s'il y a moyen d'obtenir des avantages fiscaux. C'est alors un plus".

Du reste, les toutes dernières réformes fiscales qui entreront en vigueur au 1er janvier prochain (lire par ailleurs) ont dû redonner le sourire aux assureurs? et aux souscripteurs futurs. Mais cela ne doit pas pour autant détourner leur attention de leur besoin premier.

UNE QUESTION DE FLEXIBILITE

A Luxembourg, une soixantaine de compagnies sont actives sur le marché de l'assurance-vie, dominé par les deux grands que sont La Luxembourgeoise et Le Foyer. "Mais même s'il y a pas mal de sociétés actives, la différence entre les produits est infime. Chaque cas doit être étudié séparément pour bien saisir ses nuances" note Daniel Schweitzer.

Ainsi la différence se joue essentiellement sur la flexibilité du produit concernant, par exemple, la date à laquelle on souhaite libérer son épargne, ou bien la façon dont ça peut se faire, par versement d'un capital unique ou d'une rente viagère.

"D'une manière générale, on va aller vers une modernisation des produits à destination du marché local estime Thierry Flamand. Les assureurs qui bénéficient d'expertises internationales vont permettre le développement d'offres plus modernes sur le marché local, après qu'elles aient fait leur preuve en off-shore".

L'une des tendances actuelle est, par exemple, le développement de produits "mixtes" qui incluent, dans un même contrat, des dispositions de prévoyance immédiate et de retraite.

Mais le but n'est pas non plus d'embrouiller les esprits. "C'est à nous de simplifier au maximum le processus de souscription, tout en donnant au client des garanties confirme Thierry Flamand. Et l'évolution va dans ce sens. D'une manière générale, les clients comprennent bien les produits, d'autant plus qu'il y a un réel effort de la part des assureurs pour bien détailler les conditions générales et particulières. Clairement, il y a plus de transparence en faveur du client".

C'est peut-être aussi pourquoi les produits en unité de compte (unit linked) n'ont pas connu un succès fracassant. Il s'agit de réinvestir la partie "épargne" d'un contrat en des actifs au choix du client, souvent de nature "actions". Ca vaut largement le coup lorsque les marchés sont porteurs, mais ça peut être désastreux dans le cas contraire. "Une certaine complexité mais aussi et surtout l'insécurité du placement ont fait que ça n'a pas décollé en flèche constate Jean Habay. Mais il n'est pas non plus facile d'innover, même si le fait que les produits épargne-retraite se vendent bien mieux, certainement plus qu'il y a vingt ans, nous oblige à miser plus sur la communication et le développement".

Actuellement, à Luxembourg, l'état du système des pensions fait qu'il n'y a pas non plus de quoi s'inquiéter profondément, même si le sujet a été à la une de l'actualité en début d'année, suite aux conclusions du Bureau International du Travail (B.I.T) à Genève, jugeant la situation financière actuelle du régime luxembourgeois "solide et stable", avec une perspective de dix ans, au moins, d'excédants.

Dans la foulée, la tenue de la "Rentendësch" au printemps, mise sur pieds par le gouvernement, a élevé le débat à une échelle plus nationale. "Mais l'épouvantail de la fin de la pension légale, ou tout du moins sa réduction, n'est pas un élément qui incite nécessairement, aujourd'hui, à épargner beaucoup plus affirme Thierry Flamand. Il y a déjà une tradition d'épargne qui est très forte, naturellement, au Luxembourg. Ce qui peut éventuellement changer, c'est le support de l'épargne".

PRIME A LA FIDELITE

Mais même si le niveau de pension est, en effet, certainement meilleur que chez bon nombre de nos voisins, il peut parfois y avoir des réveils douloureux lorsque sonne l'heure de la retraite. "Typiquement, pour un indépendant qui a 40 ans et un revenu net de 300.000 francs par mois, la rente maximale à laquelle il pourra prétendre tournera autour de 110.000 francs bruts par mois. Soit une lacune de 190.000 francs à combler" calcule Daniel Schweitzer.

Et les surprises peuvent parfois être très désagréables pour d'autres qui, à 50 ans, font le point pour savoir quel sera leur pouvoir d'achat à 60 ans. "Car même si on a travaillé intensément et à des hauts postes, trente ans de carrière, c'est différent de cinq fois six ans rappelle Thierry Flamand' Même si on peut transférer les avoirs d'un emploi sur l'autre, une carrière discontinue ne sera jamais aussi intéressante qu'une carrière au sein d'une même entreprise".

Et voilà une pierre de plus à l'édifice de ceux qui prônent la fidélité en entreprise (voir notre dossier dans l'édition précédente de paperJam)...

Ainsi, souvent, l'image que peut avoir la "jeune" génération actuelle sur la période de la retraite est fortement conditionnée par ce qu'elle observe de ses propres parents ou connaissances. "Or la répétition des scénarios d'une génération sur l'autre est une réalité qui sera de moins en moins vraie au fil des ans. Il est donc nécessaire de se pencher sur la question le plus tôt possible" insiste Thierry Flamand.

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FISCALITE

La prévoyance-vieillesse promue

Les critères trop restrictifs de l'ancienne loi régissant l'impôt sur le revenu, qui ont eu pour conséquence que le recours à l'assurance-pension individuelle a été relativement peu sollicité ces dernières années, ont été allégés. Le gouvernement a clairement souhaité donner une nouvelle dimension à la promotion de la prévoyance-vieillesse, en renforçant cette initiative privée s'inscrivant dans le cadre du troisième pilier de l'assurance-pension, complémentaire de la pension légale (1er pilier) et des régimes professionnels de retraite patronale (2e pilier).

Dans le cadre de la déduction annuelle des primes au titre d'un contrat d'assurance-pension contracté à titre individuel par le contribuable, le plafond annuel des primes et cotisations (27.000 francs à majorer de son propre montant pour le conjoint et chaque enfant) était depuis 1991 majoré de 48.000 francs en cas de conclusion d'un contrat d'assurance-pension correspondant aux critères de l'article 111bis (les 48.000 francs étaient portés à 96.000 francs pour deux contribuables imposés collectivement).

Une disposition qui est indépendante de la déduction de 48.000 francs que peut faire valoir un salarié qui participe dans un plan de pension complémentaire mis en place par son employeur dans le cadre de la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension.

Par ailleurs, le législateur prévoit d'élargir la prévoyance-vieillesse aux produits d'épargne de type bancaire et, afin de marquer la distinction avec le passé, il fait désormais référence au terme de ?prévoyance-vieillesse?, plutôt qu'à celui d'?assurance-pension', et à des ?versements? plutôt qu'à des ?primes?.

Quatre grands axes sont à retenir dans la nouvelle approche retenue:

- un relèvement du montant déductible (qui était, avant de 48.000 francs/an/contribuable), croissant en fonction de l'âge du contribuable (désormais de1.500 Euro (pour les moins de 40 ans, 60.510 francs) à 3.200 Euro (à partir de 55 ans, 129.088 francs/an/contribuable);

- le libre choix, désormais, entre des produits de placement, généralement à rendement non garanti, et des produits plus traditionnels à rendement garanti, offerts soit par des compagnies d'assurances, soit par des établissements de crédit ( avant: contrat classique uniquement);

-un mode de versement variable de la prestation: avant, il ne s'agissait que d'une rente viagère mensuelle (imposée à 100%). Désormais, la moitié, au maximum, est versée en capital (imposée à un taux favorable correspondant à la moitié du taux global) et le reste en rente viagère mensuelle, dont la moitié est imposable;

- une contre-assurance décès est désormais possible, ce qui n'était pas le cas avant. Elle doit juste être établie dans un contrat séparé.

Enfin, alors que le seul critère pour le paiement de la rente était, avant, un âge minimum de 60 ans, il faut désormais que la rente soit commencée à être versée avant l'âge de 70 ans, ce qui a pour but d'inciter les gens à pourvoir à la formation d'un capital de prévoyance-vieillesse durant leur période active.

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Témoignages

Jean Habay (La Luxembourgeoise-Vie):

"Sur un plan global, c'est l'assurance-vie qui représente la plus grosse part de l'encaissement des primes. Mais sur le marché local, c'est plutôt le non-vie qui prévaut. D'abord parce que l'assurance automobile représente une très grande part, aussi bien en raison des catégories élevées de véhicules que de la sinistralité. Ensuite, parce que les pensions légales sont assez élevées, si bien que le "gap" à combler n'est pas énorme. Par comparaison, en Grande-Bretagne, ou en Suisse, le niveau de la pension légale équivaut presque à un salaire minimum. Ici, le besoin en prévoyance retraite reste donc limité.

Mais globalement, le fait que ceux qui souscrivent des contrats soient amenés à quitter le pays au moment de leur pension n'influe pas sur les statistiques de résiliation des contrats, qui restent relativement basses par rapport à ce qu'on peut observer dans d'autres pays".

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Témoignage

Daniel Schweitzer (Schweitzer Assurances):

"On parle individuellement avec chacun de nos clients potentiels. Ces entretiens se déroulent en trois ou quatre fois suivant les besoins individuels du client, et sans engagement de sa part.  En moyenne, on passe au total près de huit heures avec chaque personne. Et on le fait même sans avoir la garantie que, au bout, le client nous prendra un contrat. Au final, il aura eu une information complète et loyale, et lorsqu'il aura le temps et les moyens, il pourra alors revenir vers nous. Nous sommes un courtier indépendant. Nous faisons donc notre choix de produits sur le marché, sans avoir la moindre obligation vis-à-vis de la moindre compagnie d'assurance. On n'est pas toujours aimé des assureurs! Mais cette liberté est très agréable pour nous, et c'est le client qui en bénéficie au final. Aujourd'hui, le marché est bien conscient que ces courtiers existent et qu'ils en font partie intégrante. Il y a donc une certaine évolution dans nos relations".

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Marché: La LPS dominante

Sur le marché luxembourgeois, le montant total des primes d'assurance-vie s'est élevé, en 2000, à 13,99 milliards de francs (346,7 millions d'Euro), dont 87% réalisés par des entreprises luxembourgeoises. A titre de comparaison, l'assurance non-vie a cumulé des encaissements de 18,87 milliards de francs (467,75 millions d'Euro).

Cela ne représente que 5,1% de l'ensemble des primes encaissées en 2000 par le secteur des assurances, qui tire le principal de ses revenus (82,8%) par ce qui est perçu en assurance-vie hors des frontières, en LPS.