Le tribunal accorde notamment valeur de preuve les PV d'excès de vitesse en direction du Grand-Duché. (Photo : Jessica Theis / archives)

Le tribunal accorde notamment valeur de preuve les PV d'excès de vitesse en direction du Grand-Duché. (Photo : Jessica Theis / archives)

Les Belges du Luxembourg continuent à parler beaucoup, comme leurs comptables, chefs de services ou avocats, de cette véritable offensive menée par le fisc du royaume. Pour rappel, il s’agit, suivant une directive venue du ministère, de cibler les revenus exonérés pour rapatrier de l’impôt dans les caisses fédérales. Et bon nombre de résidents belges qui sont salariés au Grand-Duché se retrouvent littéralement harcelés.

Yves Prussen, avocat associé chez Elvinger Hoss & Prussen, à la lecture de paperJam.lu, vient de signaler une jurisprudence, sur des faits plus anciens (2007), tant il est vrai que ce genre de comportement n'est pas nouveau de la part de l'administration fiscale belge. On la retrouve expliquée sous la plume de Me Pascale Hautfenne, membre du barreau de Bruxelles et du barreau de Luxembourg, sur le blog de Afschrift, un groupement d'avocats fiscalistes.

Nombreuses pièces à l'appui

Ainsi, l’article renseigne une «décision intéressante» rendue par le Tribunal de première instance de Liège (jugement du 20 décembre 2011) en matière d'exonération des revenus d'origine luxembourgeoise. Le contribuable déclarait en Belgique ses revenus d'origine luxembourgeoise sous le régime de rémunérations de dirigeants d'entreprise, en mantionnant expressément que les revenus étaient d'origine luxembourgeoise.

Le taxateur refusait d'exonérer les revenus d'origine luxembourgeoise, faisant valoir que «si le contribuable revendique une exonération prévue par une convention préventive de la double imposition, il lui incombe de démontrer que les conditions de taxation édictées par cette convention sont bien réunies. Les conditions d'application d'un régime d'exception par rapport à un régime habituel doivent être prouvées par le contribuable qui en revendique le bénéfice».

Dans son dossier, ce contribuable déposait de nombreuses pièces montrant une présence luxembourgeoise. Mais l’administration fiscale refusait en bloc toute exonération des revenus, entendait taxer la totalité de ceux-ci en Belgique, sans tenir compte des pièces justificatives.

Présence physique avérée

Pascale Hautfenne souligne: «Le contribuable fit valoir devant le tribunal que le fait d'ignorer les pièces probantes méconnaissait la preuve de principe rapportée et rendait arbitraires les impositions annoncées. Selon le contribuable, qui sera suivi par le tribunal, l'administration ne peut échapper à l'arbitraire que si, sous le contrôle des tribunaux, elle fixe au regard des éléments dont elle dispose, la proportion des revenus imposables en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg.»

Le tribunal, pour sa part, a bien perçu la présence physique régulière démontrée au Luxembourg: relevé des cartes de crédit montrant des dépenses récurrentes à intervalles réguliers, dans diverses localités luxembourgeoises, loyer pour les bureaux occupés, frais téléphoniques, factures pour les prestations pour des clients et entreprises établis au Grand-Duché, reçus pour frais de stationnement…

Le tribunal a même souligné que le «fait d’être surpris en infraction d’excès de vitesse à Arlon, Attert ou Léglise, en direction du Grand-Duché du Luxembourg, renforce encore la conviction» que le contribuable s’y rendait souvent durant ses jours de travail…

Violation de la convention

Pour le tribunal, «ignorer purement et simplement ces documents et les conséquences concrètes qui en résultent, soit la preuve du lieu d’exercice de l’activité du contribuable à l’extérieur de Belgique, entache d’arbitraire la cotisation.»

La conclusion, soulignée par l’avocate, est sans doute valable dans plus d’un dossier, pendant ou à suivre: «L’administration ne peut rejeter en bloc l’argumentation d’un contribuable qui démontre une présence physique au Luxembourg sans basculer dans l’arbitraire et sans violer la convention préventive de la double imposition conclue entre la Belgique et le Luxembourg.»