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Entre effet de mode et réel avantage, le facility management commence à gagner ses lettres de noblesse.

Comme beaucoup d'idées et de techniques venues d'outre-Atlantique, le facility management, dont on trouve les origines "officielles" au début des années 80 aux Etats-Unis, a fait beaucoup parler de lui en Europe ces dernières années. Et si, de nos jours, le terme semble être un peu moins omniprésent qu'il ne le fut, c'est probablement parce que ce qu'il représente est entré progressivement dans les moeurs et ne nécessite plus d'être autant mis en avant que par le passé. 

Depuis toujours, les entreprises ont concentré leurs efforts dans l'amélioration de leur business processes et de leur core business. Mais ce n'est que tout récemment qu'elles ont commencé à se demander par quel moyen améliorer le rendement de tout ce qui tournait autour? "D'ailleurs, il est facile de noter une réelle évolution par le simple fait que désormais, ce sont les entreprises qui lancent des appels d'offres sur des activités FM, alors que jusqu'à il y a un an, c'était à nous de sensibiliser le client sur le sujet" note Richard Nicolas, administrateur-délégué de la société Eclypse Solutions (voir plus loin).

Evoquer cette activité, ses enjeux et ses réalisations nécessite dans un premier temps de cerner son champ d'application, exercice délicat, s'il en est. "Le facility management n'est qu'un slogan pour quelque chose qui existe depuis longtemps déjà" estime ainsi Emile Gillardin, directeur de Luxconsult, société d'ingénieurs-conseils multidisciplinaires à l'origine de la constitution, il y a deux ans, de Lux - F.M., structure autonome entièrement dédiée au facility management.

De quoi parle-t-on, donc, dès qu'on évoque le terme de "facility management"? Si on se base sur la définition de la très officielle International Facility Management Association (IFMA, voir encadré page 140), il s'agit de "la gestion de l'adéquation entre l'environnement de travail, le personnel et les activités de l'entreprise". Mais à en croire les professionnels, on peut imaginer pratiquement autant de définitions du terme que d'interlocuteurs interrogés.

"Il y a un réel problème d'information auprès des sociétés en elles-mêmes, qui ne savent pas toujours correctement ce que recouvre le facility management. Il y a, ainsi, souvent un gros décalage entre les demandes et les apports concrets que nous pouvons leur proposer au départ. Les entreprises abordent la problématique du mauvais côté, sans avoir fait d'analyse préalable" constate ainsi Gérald Merveille, senior consultant chez DTZ Consulting, société issue, fin 2000, de la prise de contrôle intégral par DTZ Belux, d'Amadeus Consultant Belux, jusque là conjointement détenue avec Amadeus France.

Un point de vue complété par son collègue Marc Clees, general manager: "notre rôle est d'analyser la structure en place et de bien identifier les différents processus à mettre en oeuvre. Dans le cadre d'un projet de restructuration, il faut savoir se poser les bonnes questions en amont: est-il indispensable de le faire? Quel type de restructuration envisager? Quel impact sur la vie future de la société?"

Cette analyse préalable est évidemment propre à chaque entreprise, à son activité, son "core-business"? Il est impératif de bien savoir traduire les besoins d'un environnement de travail par rapport à l'activité propre d'une entreprise. Il n'est pas concevable de réaliser des copier-coller de ceux-ci ; une activité commerciale génère des besoins plus ciblés'esprit communication et partage d'informations? qu'un service back-office plus orienté vers la concentration. Il faut bien comprendre l'activité de son client et définir ses réels besoins pour rentabiliser au mieux l'investissement qu'il désire consentir pour améliorer le confort et la performance de ses employés, et ainsi tendre vers un concept de bâtiment idéal' analyse Joël Villance, area manager de DBAssociates, une des sociétés pionnières en matière de services et conseils en gestion de l'environnement de travail.

Il pousse la réflexion au-delà du seul aspect immobilier, même, si bien souvent, il s'agira de faire en sorte d'utiliser de la manière la plus rationnelle qui soit les surfaces disponibles: "on doit rechercher la meilleure performance du site utilisé, mais aussi intégrer les concepts "non-business facilities" qui conféreront à l'utilisateur, une meilleure qualité de vie sur son lieu de travail, tout en veillant à privilégier une bonne communication interne, l'être humain étant par définition souvent réfractaire au changement"

Si on pense automatiquement immeuble dès que l'on parle de facility management, c'est parce qu'il s"agit du principal poste de bilan d'une société et un des plus importants du compte d'exploitation. Il fut un temps où l'immobilier était un mal nécessaire. C'est devenu aujourd'hui un véritable outil.

"Regrouper en un seul pôle la gestion de tout ce qui touche aux immeubles, aux achats, à l'entretien, et maintenance, voire à l'IT, répond donc à une logique économique évidente?? estime M. Villance, qui prône une approche globale pour l'accompagnement de l'utilisateur dans le cycle de vie d'un bâtiment, de la recherche de la surface adéquate à sa gestion la plus efficace.

L'un des critères de comparaison réside par exemple dans la détermination du coût d'occupation réel par personne, étant entendu que très peu d'entreprises du secteur tertiaire savent exactement ce que leur coûte un espace, un salarié?, pas plus qu'elles ne sont forcément conscientes des mètres carrés dont elles disposent vraiment et concrètement. "Rien qu'en retravaillant sur la façon dont sont calculés les baux, on arrive souvent à relever une différence de 2% sur l'estimation réelle des mètres carrés. ça peut sembler dérisoire, mais à 25 Euro le m2 par mois et en considérant une surface de 10.000 m2, louée sur 9 ans, on arrive à une économie de plus de 500.000 Euro au final'" calcule Marc Clees.

Revenir à l'humain A ce stade de la réflexion, l'approche professionnelle est très variable. Il y a, ainsi, ceux qui misent sur le CAFM, le Computer Aided Facility Management, qui se concrétise en deux applications principales: le traitement numérique des plans d'un bâtiment ou bien encore la gestion informatisée du parc d'équipements techniques ou immobiliers.

C'est dans cette voie que s'est spécialisée la jeune société luxembourgeoise Eclypse, créée en 1999, et qui n'a cessé depuis, tous les ans, de doubler son chiffre d'affaires en proposant un FM résolument opérationnel, s'appuyant sur quelques-uns de logiciels les plus performants du marché (Building One, solution intégrée orientée objet pour la gestion globalisée des espaces; Actima et Asset Frame pour la gestion des parcs IT et Carl Master pour la gestion maintenance assistée par ordinateur et la gestion des stocks orientée industrie, services et tertiaire?), et complétant son offre par des modules développés en interne.

Le but de ces outils est, essentiellement, de pouvoir être en mesure d'inventorier l'ensemble des éléments mobiliers ou techniques dont dispose une entreprise, afin de mieux en gérer les conditions d'utilisation. "Mais un inventaire n'a d'intérêt que si on est aussi capable de prendre en compte la maintenance curative et préventive des équipements. Mis à part d'un aspect purement comptable, ça ne sert pas à grand chose de savoir que l'on a tant de chaises, de tables ou de PC si, parallèlement, il n'y a pas d'indication quant aux planifications de remplacement de ces équipements, ce qui permet aussi de d'élaborer des budgets prévisionnels" explique Richard Nicolas.

La mise en oeuvre de telles solutions informatiques ne sera donc efficace que si elle est doublée d'un accompagnement de tous les instants. C'est aussi pourquoi, parallèlement à ses compétences informatiques, Eclypse a développé toute une activité multiservices.

"Pour l'employé, qui reste tout de même une des pièces essentielles du core business d'une entreprise, s'il n'y a pas de logistique réelle associée à un inventaire, cela ne lui sert à rien ! Il préfère savoir à qui s'adresser pour faire remplacer au plus vite un néon défectueux qui l'empêche de travailler correctement que de savoir quand sa chaise sera comptablement amortie" ajoute M. Nicolas.

Evidemment, selon la taille d'une entreprise et son activité, le recours au CAFM ne sera pas forcément LA solution, car il ne faut pas négliger, en aval, toute la partie de mise à jour et de suivi de toutes les données quantitatives répertoriées. "Il faut parfois savoir quitter la vision'grosse machine informatique? qu'on peut avoir du facility management et se dire qu'on peut très bien en faire avec un stylo et un papier. Axer le conseil dans ce sens peut d'ailleurs être plus efficace que de réfléchir à une solution informatique coûteuse et complexe" note M. Gillardin, qui regrette que de nombreux logiciels de CAFM présentés comme étant'ouverts? vers d'autres applications, ne le sont pas forcément...

Et puis il y a ceux qui, après avoir cru très fort dans le CAFM, en sont revenus pour se rapprocher davantage du facteur humain. C'est, par exemple, le cas de EGB Consulting, société qui a élargi ses compétences d'origine d'architecte d'intérieur pour apporter aux entreprises un conseil personnalisé.

D"ailleurs, Robert Hornung, son directeur-associé, ne veut même plus entendre parler du terme de facility management. "C'est un terme un peu fourre-tout, très à la mode, qui est devenu très marketing, pour permettre de mieux vendre des produits plus ou moins bons. Il est temps de trouver d'autres voies au lieu de se contenter de faire des conférences pour présenter ce domaine. Je doute aujourd'hui qu'il y ait une activité purement facility management. C'est simplement du project management amélioré".

Ce genre de discussion purement sémantique reste probablement un des freins à une meilleure appréhension de cette activité. Mais derrière se profile un élément commun qui parfois aux yeux de Robert Hornung, est un peu négligé: l'être humain.

"Chaque besoin est individuel. Il n'existe donc pas de solution conceptuelle répétitive. Tout d'abord, nous analysons en détail les besoins des utilisateurs - habitudes de travail, relations entre les différents services, etc. - et c'est fort de ces résultats que nous nous consacrons, par la suite à l'élaboration d'une solution sur mesure. Cette solution, ce concept retenu, c'est en fait un mélange de plusieurs concepts. Le facility management ne doit plus être considéré comme un service accompagnateur, mais bel et bien une activité à part entière. Mais ce n'est finalement rien d'autre que bien faire son boulot, avec une valeur ajoutée et du bon sens en plus".

Au Luxembourg, le marché ne ressemble à aucun autre compte tenu à la fois de l'étalement réduit des grandes surfaces de bureaux à traiter, mais aussi d'un potentiel économique sans doute supérieur à ce qu'on peut observer dans d'autres pays, ce qui donne à tous les acteurs du facility management un potentiel certain de développement.

L'Ateac: l'alternative des business centers

Les puristes y trouveront certainement à redire, tant la relation entre facility management et centre d'affaires n'est pas des plus évidentes. Mais incontestablement, pour une société souhaitant répondre à un urgent besoin d'espace supplémentaire, la solution 'business center' constitue une alternative pertinente à une réorganisation interne.

"D"ailleurs, estime Marc Clees, general manager de DTZ Consulting, beaucoup d'entreprises auraient intérêt à s'inspirer du concept mis en place par les centres d'affaires: pouvoir ramener sa propre structure interne à un business center, et refacturer chaque facility au service l'utilisant, au prorata de son utilisation'.

Pas étonnant de voir que les initiatives de structures d'accueil pour entreprises en mal d'espace - ou de confidentialité - se multiplient. Les dernières en date à Luxembourg ne manquent ainsi pas d'attrait. On a ainsi eu récemment l'implantation de NCI Luxembourg (25è site du groupe français du même nom), qui a récemment investi un plateau de 2.000 m2 à la Cloche d'Or, pour y proposer 46 bureaux équipés de 12 à 65 m2, et projette l'ouverture d'un second site boulevard Royal, programmée pour la fin de l'année.

Et en ce début du mois de mai, c'est un autre groupe français, ateac (11 centres en France), qui a choisi le Luxembourg pour sa première implantation hors de son marché domestique. Le projet est un peu moins ambitieux, puisqu'il se contente de 1.000 m2 dans le bâtiment A de l'Espace Kennedy, sur le plateau de Kirchberg. Le tout pour un investissement de l'ordre d'un demi-million d'Euro.

"Nous avons étudié pendant plusieurs mois la situation dans bon nombre de capitales européennes, et nous sommes arrivés à la conclusion que c'est au Luxembourg que nous avions le plus de possibilités de développements du produit à court terme" explique Jean-Baptiste Andrieu (à droite sur la photo), un des trois actionnaires, et président-directeur-général d'ateac. Il faut dire qu'avec une forte demande et une faible disponibilité, le marché immobilier luxembourgeois ne ressemble à aucun autre. Équipés du dernier cri en matière de technologies de communication, tous ces bureaux disposent, pour la majorité, de cloisons amovibles rendant possible tout type d'aménagements intérieurs, de bureaux individualisés en vaste 'open space'.

Pour une entreprise désireuse de prendre des surfaces en location, il lui en coûtera, sur la base d'un bureau à un poste de communication, un peu moins de 2.000 Euro par mois tout compris (mise à disposition de personnel d'accueil téléphonique, gestion du courrier, mais aussi assurances, entretien').

"La logique de réflexion dans notre tarification se fait en fonction des postes de travail et non pas des mètres carrés. C'est dans la tendance actuelle des entreprises qui souhaitent mieux contrôler les coûts et disposer d'une meilleure flexibilité. Et puis cela rend la comparaison plus facile d'un pays avec l'autre" remarque M. Foucque de Villeneuve (à gauche sur la photo).

Selon une étude récemment menée par Regus, autre grand de ce marché, la part représentée par les centres d'affaires dans le marché immobilier est de 0,2% en Europe contre 2,5% aux Etats-Unis, ce qui laisse présager une forte croissance dans les prochaines années.

La société, qui démarre ses activités au Grand-Duché avec un capital de 50.000 Euro, devrait prochainement annoncer la signature d'un accord avec un partenaire luxembourgeois, qui deviendra actionnaire majoritaire, mais apportera aussi et surtout un certain nombre de services et compétences spécifiques au marché local, en particulier dans le domaine très sensible de la domiciliation de sociétés, qui fait partie des activités susceptibles d'être proposées par ce centre d'affaires.

IFMA: 2002, la bonne année?

A l'échelle internationale, l'International Facility Management Association, association créée en 1980 et dont le but est d'être "the leader in promoting excellence in management of the work environment", regroupe près de 17.500 membres répartis au travers de 130 chapitres dans 56 pays. Le chapitre luxembourgeois existe depuis plus de trois ans, mais ce n'est que cette année qu'il va prendre son véritable essor, après avoir patiemment construit ses fondations. "Nous n'avions pas nécessairement les ressources en temps et en personnes pour aller plus vite" reconnaît

Jean-Paul Braconnier (à gauche sur la photo), manager facilities chez Clearstream International, mais aussi président de l'IFMA Luxembourg, et qui a succédé à cette fonction à un autre'banquier?, Jean Roland Didier, qui était chef de la division immeubles à la Kredietbank à Luxembourg.

En début d'année, les statuts de l'asbl luxembourgeoise, qu'il a fallu aussi coordonner à ceux de l'IFMA sur le plan international, ont été modifiés, portant de quatre à huit personnes le nombre de membres du board, ce qui va aussi permettre une plus grande disponibilité.

"Il ne faut pas croire que dans les autres pays ça va plus vite. A part l'Allemagne, qui a professionnalisé la chose, chaque pays rencontre les mêmes difficultés. Nous préférons adapter l'IFMA aux besoins du marché plutôt que de vouloir imiter des modèles qui ne nous conviendraient pas" précise Yves Meert (à droite sur la photo), manager chez PricewaterhouseCoopers Luxembourg et secrétaire du chapitre grand-ducal de l'IFMA, qui compte actuellement une trentaine de membres, selon la proportion prévue dans les statuts de 75% de "professionnels" du facility management (facility managers, responsables de services généraux,?), et le reste, appelés "associates", représentés par les sociétés fournisseurs.

"On n'a peut-être pas grandi vite, mais on a grandi bien, sans se retrouver lié à un quelconque groupe d'intérêts. On clame d'ailleurs haut et fort cette indépendance" complète M. Braconnier.

Avec un budget un peu inférieur à 15.000 Euro, l'asbl compte essentiellement sur la mise en place d'une politique de marketing et de sponsoring en vue de pouvoir organiser des événements et développer un site web qui serait une vitrine de promotion idéale. D'ailleurs, ces objectifs sont quelques-uns des axes de travail définis par cinq commissions actives, créées en début d'année. D"autres sont, par exemple, la Commission Benchmark qui étudie la création d'un benchmark local, de manière à répondre aux attentes des acteurs de la place, en mal de véritables "standardisations" adaptées à la spécificité du marché luxembourgeois; et la Commission CFM qui, en association avec IFMA Worldwide, est impliquée dans la mise en place d'un programme de certification permettant d'accéder au titre de Certified Facility Manager à Luxembourg. "Cela nous donnera une certaine légitimité sur le plan territorial de pouvoir, dans un avenir proche, être en mesure de former et certifier nos collègues " estime M. Meert. Un avenir qui ne sera pas avant 2004, le temps pour les futurs certificateurs de recevoir eux-mêmes leur certification'