«Nous ne dépendons pas d'un actionnaire à l'étranger. C'est une chance pour développer nos propres méthodes.» (Photo: David Laurent)

«Nous ne dépendons pas d'un actionnaire à l'étranger. C'est une chance pour développer nos propres méthodes.» (Photo: David Laurent)

Monsieur Martino, quelle a été votre méthode lors de votre prise de fonction, au moment où la banque se préparait à renouveler son système informatique?

«En parallèle avec la prise de connaissance des personnes et de la banque, je me suis imprégné du projet lors de mon arrivée en février 2012. J’ai également souhaité, pour des raisons de coordination, prendre la responsabilité de toutes ses composantes informatiques qui étaient jusque-là assurées par un consultant. J’ai ensuite mis en place l’organisation informatique nécessaire aux dernières phases du projet jusqu’au ‘go live’ qui s’est déroulé en avril dernier. Cela a concerné les développements applicatifs, l’infrastructure et l’exploitation technique et puis la migration des données.

Comment s’est déroulé le lancement du nouveau système?

«Très bien! Nous avons basculé avec succès toute notre activité bancaire sur notre nouvelle plateforme reposant sur un progiciel intégré. Des améliorations sont bien sûr toujours en cours au gré des utilisations, mais nous ne dénombrons pas d’incident majeur. Cette bonne marche est le reflet du travail énorme mené par toutes les équipes de la banque sous la houlette de son comité de direction.

Depuis le go live, le département informatique a pris son destin en main en se positionnant en partenaire des métiers de la banque pour faire évoluer sa plateforme informatique.

Comment est structuré votre département?

«Nous sommes une banque coopérative locale de taille moyenne, nous devons donc rester pragmatiques et proches les uns des autres. Notre département est donc dessiné autour d’une structure simple où les rapports hiérarchiques sont réduits. Nous misons beaucoup sur l’esprit d’entreprendre et sur une bonne communication interpersonnelle. Concrètement, notre département est divisé en trois équipes. La première est dénommée ‘Application Service Management’, elle effectue le rôle d’interface avec les services métiers pour prendre en charge leurs demandes et l’analyse de faisabilité qui en découle, qu’il s’agisse de maintenance ou de projets spécifiques. Nous comptons ensuite une équipe en charge de l’architecture et du développement des solutions applicatives. D’autres collègues occupent une fonction plus transversale, et se chargent des opérations IT à proprement parler avec l’infrastructure et l’exploitation. Il s’agit en quelque sorte du cœur de l’usine. Le tout en étroite collaboration avec l’éditeur du progiciel avec lequel nous avons mis en place un dispositif de support sur site. Enfin, plusieurs personnes assument une fonction de CIO Office pour prendre en charge les process et méthodes applicables à tous.

Concernant les profils requis, nous avons besoin de business analysts, d’IT development leaders, d’analystes développeurs, ou encore d’administrateurs systèmes…

La réussite de cette organisation dépend également de l’état d’esprit qu’y insuffle son directeur…

«Je base en effet mon action sur la culture de l’entrepreneuriat et de l’esprit d’initiative au sein du département et de l’entreprise. Pour mes collaborateurs, cela nécessite par ailleurs une certaine capacité à structurer leur travail pour le rendre lisible pour les autres et le mener à bien.

Vous considérez-vous, comme d’autres confrères au Luxembourg, comme un fournisseur de services à des clients internes au sein de la banque?

«Je n’aime pas vraiment la formulation de ‘fournisseur’ dans la mesure où elle reflète une notion de profit, ce qui est inadéquat à l’intérieur d’une entreprise. Je suis par contre très attaché à la notion de services et je préfère parler de partenariat en considérant tout simplement que nous sommes une entité de la banque au service de ses utilisateurs et métiers. Nous devons donc faire preuve d’empathie, de respect les uns envers les autres, pour améliorer en permanence nos services et processus dont nous mesurons la performance. Le tout dans un état d’esprit de partenariat et dans l’intérêt global de la banque. Il nous anime également lorsque nous recherchons de nouvelles ressources qui doivent être intéressées par une structure à taille humaine et les projets qui s’y développent.

Comment définiriez-vous votre valeur ajoutée?

«Nous devons avant tout faire preuve de flexibilité et nous montrer proches des métiers de notre banque. Nous avons l’avantage de pouvoir développer nos méthodes de travail nous-mêmes, sans dépendre d’un actionnaire situé à l’étranger. C’est une chance de disposer de cette autonomie pour coller aux besoins de nos métiers.

Nous veillons aussi à travailler d’une manière efficace avec notre éditeur de progiciel en basant notre relation sur la proximité et des processus permettant de mesurer les résultats. Je pense enfin que notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à maintenir la simplicité de notre architecture informatique via, notamment, une rationalisation des développements autour de notre core banking system intégré.

Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter vers la direction d’équipes?

«J’apprécie foncièrement le travail d’équipe et le contact humain, davantage que le travail analytique individuel. Cette fonction est aussi le fruit d’un cheminement où l’on se découvre un intérêt pour contribuer au succès collectif grâce à son expertise.

La mise en place d’un nouveau système informatique nécessite-t-elle davantage de communication interne avec les utilisateurs?

«Incontestablement! Nous avons mis en place une structure dédiée aux demandes issues de l’utilisation du nouveau système. Un tandem composé d’un expert métier et d’un membre de notre équipe se charge de les réceptionner, de les analyser et d’imaginer les développements qui s’y rapportent. Le but est de canaliser les demandes de façon cohérente.

Votre équipe a été l’une des premières à déménager vers votre nouveau siège à Leudelange. Comment cette prise de possession des lieux s’est-elle effectuée?

«Nous avons concentré d’importants efforts pour le transfert de notre data centre de Merl vers notre nouveau siège à Leudelange. L’ensemble de l’opération s’est déroulé sur deux week-ends, et cela en toute transparence pour notre production informatique, via le concours d’une dizaine de nos collaborateurs. Ce travail remarquable démontre que, même avec une petite équipe, il est possible de réaliser de belles choses.

Le déménagement de la banque et des collaborateurs du siège qui occuperont les locaux d’ici à quelques semaines est aussi marqué par un changement de logo et de branding d’une manière générale. Nous avons également mis en place une nouvelle version totalement ‘relookée’ de notre site internet réservé à notre clientèle, sur base de cette nouvelle identité. Cela offre désormais une meilleure lisibilité et navigation et ce renouvellement se poursuivra avec le lancement d’outils destinés aux appareils mobiles qui sont devenus indispensables dans notre métier.

Le déménagement vous a aussi donné la possibilité de repenser votre infrastructure IT et télécoms…

«Nous avons effectivement mis en place un nouveau réseau informatique à la pointe disposant de plus de capacité et des nouveaux logiciels dédiés par exemple aux ressources humaines, à la téléphonie, la logistique… Nous avons joué dans ce domaine le rôle clé d’intégrateur de nouvelles technologies.

Quelle est votre relation avec les membres du comité de direction de la banque?

«Le département IT dépend directement du président du comité de direction, ce qui facilite naturellement la communication avec l’ensemble du comité. Cela démontre d’une part l’importance stratégique qui est accordée à l’outil informatique et d’autre part que l’IT et son département sont considérés comme un vecteur pour notre développement commercial. Notre deuxième axe de travail au niveau de la direction consiste à mettre en place un comité réunissant notre comité de direction, le responsable des opérations et moi-même pour encadrer et piloter les projets de notre entreprise. Ce schéma de travail se retrouve dans nos équipes respectives avec le tandem IT-business spécialisé par métier (réseau d’agences, gestion patrimoniale, entreprises…). Nos spécialistes métiers expriment ainsi leurs besoins, fixent les priorités et l’IT analyse et délivre les solutions sur un mode collaboratif.

Quel regard jetez-vous sur l’évolution technologique qui vous concerne?

«Le développement a été fulgurant sur les 10 dernières années et nous devons encore nous attendre à beaucoup de nouveautés, notamment à l’égard du mobile, du multicanal, des interfaces graphiques, ou encore de tout ce qui touche aux ‘business analytics’. L’évolution est d’ailleurs potentiellement infinie et l’on peut imaginer des interfaces graphiques qui sont de plus en plus raffinées ou encore des solutions proposant des fonctionnalités et services métiers au travers du cloud.

Du point de vue du technicien, tout s’est complexifié et les exigences de nos métiers sont bien plus importantes qu’il y a 10 ans. Les utilisateurs ont d’emblée des besoins très précis et la mise en œuvre des solutions qui s’y rapportent est un challenge permanent.

Encouragez-vous les plus jeunes à embrasser une carrière dans l’ICT?

«Si un jeune a envie de prendre part à un processus rimant avec créativité et innovation et s’il choisit bien sa direction, il sera satisfait de son choix.

Pensez-vous que le Luxembourg est bien positionné pour devenir un centre d’excellence international en matière d’ICT?

«Je dois tout d’abord reconnaître qu’il s’agit d’une excellente idée de positionner Luxembourg dans ce domaine dans la mesure où nous disposons d’une importante expertise ICT. Il n’empêche que les défis sont nombreux pour y parvenir, notamment quant à la compétitivité de la place vis-à-vis de l’étranger. D’autres places n’affichent peut-être pas le même niveau d’exigence requis par le législateur et le régulateur et présentent donc des coûts et tarifs de prestations moindres.

Quels sont vos autres projets pour 2013?

«Une grande partie de nos chantiers est déjà accomplie mais nous restons mobilisés. Nous nous approchons d’ailleurs de la livraison de notre prochaine release périodique, soit une mise à jour coordonnée de notre plateforme bancaire, avec un ensemble d’améliorations sélectionnées par les métiers. Nous avons déjà effectué deux releases depuis avril et comptons encore en livrer deux autres cette année. Nous entamons aussi le développement du mobile et nous devons finaliser les réponses informatiques adéquates quant aux réglementations, dont Fatca et Emir, relatives aux produits dérivés. Sans oublier l’affinage constant de nos process et une réflexion sur l’optimisation de notre efficience et de notre organisation.»

Parcours

L’IT passe par l’humain

Âgé de 52 ans, Jean-Luc Martino dirige depuis février 2012 le département IT de la banque Raiffeisen qui compte 550 collaborateurs. Cet ingénieur civil en télécom­munications (UCL, Louvain-la-Neuve) a basculé dans le domaine IT, attiré par la possibilité d’être au cœur du développement de nouveaux systèmes et en contact avec les utilisateurs finaux. Une approche qui l’a tout d’abord mené dans le domaine du consulting, avant de passer dans l’univers des banques qui étaient auparavant ses clientes. Ce passage était l’occasion d’élargir la vision d’un métier aux multiples aspects. Jean-Luc Martino a travaillé en Belgique puis au sein d’autres acteurs importants du secteur financier luxembourgeois pendant de nombreuses années avant de rejoindre la banque Raiffeisen. Son arrivée a coïncidé avec la finalisation d’un projet exceptionnel à l’échelle d’une banque, et de toute entreprise, le remplacement de son core banking system, dans ce cas par un progiciel. Passionné par le management d’équipes, il dirige actuellement une quarantaine de collaborateurs, le tout dans un état d’esprit marqué par la prise d’initiative et la volonté d’améliorer en permanence les processus de collaboration.