Comme en avril, manifestants et médias sont de retour à la Cité judiciaire ce lundi pour l’acte II du procès LuxLeaks. (Photo: Sven Becker / Archives)

Comme en avril, manifestants et médias sont de retour à la Cité judiciaire ce lundi pour l’acte II du procès LuxLeaks. (Photo: Sven Becker / Archives)

C’est très symboliquement à la Maison de l’Europe que les eurodéputés verts Claude Turmes, Sven Giegold, Pascal Durand et Benedek Javor ont lancé lundi un nouvel appel à une directive européenne protégeant les lanceurs d’alerte. «Les lanceurs d’alerte sont une protection essentielle pour l’intérêt général et je dirais même pour la démocratie», assène le Luxembourgeois Claude Turmes, «car la responsabilité et l’intégrité ne sont possibles que si les gens ne sont pas menacés par leur hiérarchie ou par la loi lorsqu’ils veulent porter des informations dont ils ont connaissance dans le domaine public».

La loi luxembourgeoise de 2011 – l’une des premières en Europe – s’avérant insuffisante, c’est une directive ayant force de droit dans tous les pays européens que réclament les Verts. «Je veux que ce procès soit le dernier contre des lanceurs d’alerte en Europe», poursuit Claude Turmes.

Son collègue français, Pascal Durand, interprète également le jugement de première instance contre Antoine Deltour et Raphaël Halet comme l’expression de cette carence. «Le jugement relève qu’ils ont agi dans la défense de l’intérêt général européen, mais qu’ils ne sont pas protégés – cela veut dire qu’il y a une faille dans le droit, et qu’à travers les lignes le tribunal regrette de condamner» les prévenus. Leur procès demeure une étape importante dans la définition de cette législation. «Mais je regrette que deux personnes risquent la prison parce que c’est cynique, injuste sur le plan moral et éthique.»

Surtout que les LuxLeaks ont effectivement provoqué une réaction forte au niveau européen. L’enchaînement des révélations «crée une pression immense sur la Commission pour qu’elle avance avec des propositions fortes» en matière de transparence fiscale, souligne Sven Giegold. «Mais maintenant nous sommes coincés dans la boue des États», avance-t-il.

Ainsi, le reporting public pays par pays pour les multinationales rencontre déjà des obstacles juridiques à Bruxelles, le service juridique du Conseil considérant qu’il retourne de la fiscalité et non de la compétitivité et requiert alors l’unanimité au lieu de la majorité des votes autour de la table. Une résistance pilotée par les ministres des Finances de plusieurs pays lors d’un «petit-déjeuner secret avant le dernier conseil Écofin», assure Sven Giegold.

De la reconnaissance à la protection

Concernant la protection des lanceurs d’alerte, les eurodéputés verts ont rédigé un brouillon de texte actuellement discuté en commission juridique. Et dont ils pensent qu’il aura le soutien de la majorité du Parlement européen même si les élus du Parti populaire européen sont plus divisés sur cette question.

«Le Parlement européen a appelé la Commission à réfléchir à une directive pendant des années, elle était très réticente, mais récemment nous avons noté une certaine ouverture de sa part et nous savons que les travaux ont commencé» au sein de la Commission, complète l’eurodéputé hongrois Benedek Javor. Même si la tâche ne s’annonce juridiquement pas facile.

Plusieurs lanceurs d’alerte avaient également fait le déplacement à Luxembourg: Jonathan Sugarman, ancien risk manager chez Unicredit à Dublin, poursuivi et banni de son métier pour avoir sonné l’alarme concernant le manque de liquidités de sa banque – c’était deux ans avant l’éclatement de la crise économique et financière. L’Allemande Brigitte Heinisch, une infirmière qui avait été poursuivie pour avoir dénoncé le traitement indigne des patients dans la maison de soins où elle travaillait, a aussi prononcé quelques mots au nom des lanceurs d’alerte de son pays. Elle a fini par obtenir gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’Homme, grâce aussi à un juge allemand qui lui avait octroyé 90.000 euros, lui permettant de mener son combat judiciaire jusqu’au bout. L’arrêt de la CEDH la concernant a permis aux juges de Strasbourg d’établir les critères de la reconnaissance d’un lanceur d’alerte.