C’est un des grands rendez-vous de l’année la présentation du projet de budget de l’État. (Photo: archives Maison Moderne)

C’est un des grands rendez-vous de l’année la présentation du projet de budget de l’État. (Photo: archives Maison Moderne)

On l’appelle la loi la plus importante de l’année: la loi concernant le budget des recettes et des dépenses de l’État retient les recettes (fiscales et autres) escomptées et les dépenses en investissements, en transferts sociaux, mais également les montants alloués aux différents départements ministériels, aux administrations publiques et aux établissements publics. Pas étonnant que les principaux dirigeants d’administration soient nombreux à s’intéresser aux lignes qui les concernent. Mais aussi ceux qui se posent simplement la question suivante: «Que fait le gouvernement de l’argent du contribuable?»

Après d’amples consultations et tractations avec de nombreuses parties concernées, et après la phase de calcul, les fonctionnaires du ministère des Finances ont produit au courant de l’été le projet de loi qui sera déposé et présenté par le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), cet automne à la Chambre des députés. Suivront alors les travaux parlementaires, qui culmineront en décembre avec le vote final. Juste avant, le texte aura été présenté par la députée Joëlle Elvinger (DP), la première femme rapporteur d’un budget depuis Lydia Mutsch (LSAP) il y a 10 ans.

Manœuvres

Tandis que le gouvernement avait placé le budget de 2017 «sous le signe de la solidarité et de la compétitivité», celui de 2018 sera celui de la «continuité», annoncent Pierre Gramegna et Joëlle Elvinger. Une continuité accompagnée par quelques nouveautés, comme la gratuité partielle de l’encadrement des enfants, ainsi qu’éventuellement des nouvelles mesures au niveau du logement entend-on. Par ailleurs, le ministre des Finances évoque des réflexions au sujet d’éventuels crédits fiscaux ou abattements pour des investissements dans des start-up.

Derrière le descriptif de continuité se cache néanmoins aussi le contexte économique et budgétaire, qui limite la marge de manœuvre. En effet, le budget de l’année en cours était déjà celui de l’entrée en vigueur de la réforme fiscale, celui des premières incidences des nouvelles dispositions du congé parental, et d’investissements fortement augmentés pour adapter les infrastructures à la croissance de l’emploi et de la démographie.

Ces réformes qui auront de nouvelles incidences sur les comptes publics l’année prochaine, compte tenu de la baisse progressive du taux d’imposition des sociétés de 19 à 18% en 2018, ou encore du «succès» du congé parental, avaient déjà creusé le déficit budgétaire de l’administration centrale (administration publique sans les communes et la Sécurité sociale). Le déficit passerait ainsi de 215 millions en 2016 à un milliard en 2017.

De quoi comprendre une certaine inquiétude du côté du partenaire gouvernemental, le LSAP. Son président de fraction, Alex Bodry, anticipe un «exercice qui ne sera pas évident».

Le ministre des Finances se montre en revanche rassurant, arguant que malgré ce déficit au niveau de l’administration centrale, les finances publiques en général rempliront les engagements européens. En effet, si les autorités prévoient que la dette augmentera à l’horizon de 2021 en valeur absolue, sa proportion par rapport au PIB devrait rester en dessous de l’objectif de 30%. En outre, Pierre Gramegna indique à Paperjam que «nous avons un solde positif aux alentours de 0%, alors même que nous disposons d’une marge par rapport à l’objectif de -0,5%». Et de poursuivre: «Le gouvernement souhaite rester prudent, et donc, nous maintenons cette marge par rapport au solde structurel.»

Rééquilibrer, redistribuer

Le parti d’opposition, le CSV, vraisemblablement incontournable pour la formation d’un gouvernement fin 2018, ne manquera pas de critiquer le fait que, tout de même, malgré une forte croissance économique, l’administration centrale demeure déficitaire. Dans leur analyse, les chrétiens-sociaux seront rejoints par l’ADR, tandis que Déi Lénk déplorent, compte tenu de la «continuité», un budget qui plairait aux marchés et ignorerait les intérêts des citoyens.

Claude Wiseler, s’appuyant sur des appels à la vigilance de la Commission européenne, du Conseil national des finances publiques et de la Banque centrale du Luxembourg, avait, dès sa désignation en octobre 2016 comme candidat chef de file du CSV, adopté un discours de prudence. Craignant de futures crises, il suggère de viser un solde structurel «aux alentours de 0,2%» (au lieu de -0,5%), sans pour autant pouvoir dire avec quels ajustements il entend y parvenir.

Cela dit, tout comme le gouvernement actuel avait rééquilibré les finances publiques en début de mandature pour les redistribuer ensuite, le prochain gouvernement ne manquera pas d’arguments pour mener le même cycle.